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Premier délire de l'An

En lisant Nos animaux préférés d'Antoine Volodine

 

A la Désirade, ce 1er janvier 2006. – Mon premier livre achevé en ce début d'année est un régal savoureux, d’une fantaisie imaginative et verbale qui fait florès à chaque page et dont l’empreinte finale a quelque chose à la fois d’allègre et d’insolent tant que d’étrangement mélancolique.
On se rappelle le Michaux d’Ecuador et des explorations oniriques de Grande Garabagne, les chroniques imaginaires de Milorad Pavic au pays Khazar ou le toboggan aux images de Jean-Marc Lovay  en lisant les « entrevoûtes » de Nos animaux préférés d’Antoine Volodine, qui relève à la fois du conte fantastique et de la variation délirante sur une suite de thèmes qui ne le sont pas du tout, où l’esprit critique cohabite avec un humour d’une sorte d’alacrité dans la volubilité métaphorique et lexicogène, dans les droit fil des fictions post-exotiques de l’auteur
Celui-ci explique d’ailleurs sa démarche par le truchement du Commentaire à la Shagga du ciel péniblement infini, superbe ensemble de sept textes poétiques d’un ton plus grave et d’une teneur soudain plus dense que l’ensemble foldingue du recueil. Le commentaire en question précise que « la Shagga a été conçue pour évoquer, et en même temps pour leurrer, pour protéger, pour résister à toute effraction. Elle contient une part de mystère indéchiffrable et, sous ses dehors anodins, elle proclame paisiblement que sa raison d’être est ailleurs : c’est une esthétique de l’esquive qui lui donne sa force poétique (…), et plus loin il est encore dit que la Shagga module « une rêverie susceptible  de briser encore ça et là le réel, l’inexorable réel de la marchandise et de la guerre ; un territoire d’exil ; une parole chamane ».
A part les sept morceaux de sagesse du livre, celui-ci se déploie comme une suite de chroniques humanoïdo-animales où, après la première Brève rencontre de l’éléphant Wong avec une humaine agressive, qu’il est contraint d’écraser d’une ferme patte défensive, défilent Sa Majestable Balbutiar le roi du varech à l’échine bouldebrayée, dont on apprend le mode cruel de reproduction, les Sept Reines Sirènes aux règnes ponctués d’événements hégémoniaques ou insurrectionnels variés (méditons au passage sur le sort de Sole-Sole III la reine des Anarchistes qui fit la peau de Jean Balbutiar avant de finir violée et envasée), pour finir sur la triste fin de vie de Wong assisté en ses derniers instants par Tatiana Crow l’humaine compatissante et à belles mamelles mais incapable de surseoir à son enlisement fatal.
Mais un tel livre ne se raconte pas : il se slurpe et s’absorbe à fond les papilles, tout ouïes et branchies branchées et toutes palpèbres, tout nasarium et tous doigts peloteurs actionnés à pleines manettes.  
Enfin il faut, pour embrayer sur les Bonnes Résolutions convenant à un 1er de l’An digne des annalistes, recopier ce fragment du Passage, le premier des sept textes sapientiaux de l’ouvrage : « Et c’est sur cette lumière-là, non navigable, fictive, que tu façonneras le passage, dans cette lumière volée, dans la misère orgueilleuse de cette lumière volée ».


Antoine Volodine. Nos animaux préférés. Seuil, 2006. En librairie le 12 janvier.

 

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