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Je t’aime je me tue

A propos de Blandine Solange

C’est un sentiment ambivalent de compassion et de rejet qui nous vient à la lecture de cette Lettre d’une psychotique, adressée au psychanalyste Georges Verdani par Blandine Solange, son ancienne patiente, qui s’est pendue le 20 octobre 2000 dans son appartement de Francfort.
Violente et lacérée de douleur, agressivement amoureuse à l’endroit de son destinataire qu’elle confronte post mortem à un échec qu’elle-même a tout fait pour réaliser, Blandine Solange y apparaît à la fois en exaltée (le terme plus précis d’hystérie vient vite à l’esprit du lecteur) et en femme hypersensible, en artiste qui se dit « dans la peinture jusqu’au cou, jusqu’au con » et qui oscille à tous égards entre le marketing exacerbé de son présumé génie et l’autodestruction, l’extravagance affichée (elle n’aime rien tant que performer à tout va dans les tenues les plus folles, ou toute nue et couverte de cendres…) et l’auto-analyse au scalpel, qui fait précisément l’intérêt de la lettre inachevée qu’elle a laissée après sa mort.
Qu’attendait Blandine de son psychanalyste ? Elle affirme ici qu’elle le désirait, et précise avec sa candeur pseudo-lucide « indépendamment du transfert (qui m’emmerde d’ailleurs »), détaillant ensuite les modalités de la domination qu’elle eût aimer exercer sur lui en le léchant et le suçant et lui masturbant sa viande (ce sont ses termes) et le dessinant bandant en précisant avec la même crâne ingénuité qu’il ne s’agirait là que d’art. Et de raconter, avec moult détails, comment elle ramasse ses modèles pour en faire de l’art non sans les consommer plus ou moins, Andrea au cul époustouflant, Stefan dont elle n’a hélas fait du sexe peint qu’une « courgette verte », ainsi de suite.
Que penser de ce magma ressaisi par un langage si net et structuré, qui tient certes de l’éjaculation verbale mais charrie une masse de souffrances lancinantes et de sentiments parfois délicats ?
A lire la postface de Georges Verdiani, la perplexité du lecteur profane ne fait que s’accentuer, et notamment par le fait que le rôle provocant que Blandine Solange se prête, devant son psy, ne correspond pas du tout à celui du personnage que celui-là recevait, ou pas comme ça. Sans brutalité, quoique jouant son rôle, Verdiani fait bien la part du « cinéma » que se joue l’artiste et du talent manifeste de celle-ci, autant que de son hystérie (c’est lui cette fois qui amène le terme, après avoir répété à Blandine qu’elle n’était pas folle, quitte à la rendre marteau par cela même) et du magma de souffrance et d’inassouvissement dont elle n’a pu s’arracher finalement qu’en se suicidant.
Que penser d’un tel livre ? Je n’en sais trop rien. Est-il légitime de présenter Blandine Solange comme une « suicidée de la société », ainsi que s’y emploie l’éditeur en quatrième de couverture ? Je me le demande. Et je note, enfin, que les œuvres de l’artiste sont à voir sur le site internet www.blandine-solange.com


Blandine Solange. Inoculez-moi encore une fois le sida et je vous donne le nom de la rose
Lettre d’une psychotique
. Grasset, 118p

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