UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'empathie de Nicolas Philibert


Le nom de Nicolas Philibert est associé, dans nos mémoires courtes, à la tendre et captivante chronique filmée d’une classe auvergnate, intitulée Etre et avoir (2002) et consacrée depuis lors par un immense succès, avant de faire l’objet d’un pénible procès. Le cinéaste quinquagénaire (né à Nancy en 1951) s’était pourtant fait connaître bien avant pareille « gloire », avec une demi-douzaine de documentaires de création dont certains furent primés et fêtés par le public, tels La ville Louvre, évocation très originale des coulisses du fameux musée, ou encore Pays des sourds, magnifique approche de la « musique » gestuelle et de l’apprentissage d’un langage et La moindre des choses, qui nous immerge dans le théâtre des « fous ».
Dès ses débuts (en 1978) avec La voix de son maître, saisissante mise en théâtre des grands patrons de France réalisée en collaboration avec Gérard Mordillat, dont la version télévisée fut censurée, Nicolas Philibert avait imposé un regard sans concession et une patte d’artiste, notamment influencé par René Allio dont il fut le collaborateur. Accessoirement féru de montagne, il réalisa, avec Christophe et Le come back de Baquet, croquant l’irrésistible musicien-grimpeur-comique que fut Maurice Baquet, deux films revivifiant un genre trop souvent conventionnel. C’est dire qu’il n’y pas, pour Nicolas Philibert, de sujet « noble » ou méprisable.
- Y a-t-il entre vos films, apparemment si différents les uns des autres, un fil conducteur ?
- Il y a peut-être un souci, dès le début, lié au langage, de « filmer la parole », et donc ce qui se dit à la fois par les mots et par le corps. S’il n’y a pas de réelle empathie dans La voix de son maître, nous nous sommes efforcés de rompre avec la tendance de l’époque qui, dès qu’il s’agissait de gens de pouvoir, forçait le trait jusqu’à la caricature. Il nous a semblé beaucoup plus juste, et fort, de les laisser parler et de les filmer en train de parler.
- Quelle est la motivation qui vous pousse à faire un film ?
- Je crois que la poussée principale de ma démarche est liée au besoin de comprendre : comprendre le monde. Mon projet n’est pas de donner des leçons ou de conclure mais d’interroger et d’apprendre. Il a là une curiosité qui va se vivre en partage avec le spectateur, à l’égard duquel je ne cherche pas à avoir d’avance. Ce qui m’intéresse est de voir des gens se colleter avec des obstacles et d’observer ce qui s’accomplit en partageant la vie et les soucis de ceux que je filme.
- Est-ce cela qui vous distingue de l’enquêteur-journaliste ?
- Précisément ! Ma démarche tourne le dos, à vrai dire, à celle du reportage ordinaire. Je ne cherche pas à traiter un sujet ou à illustrer une situation donnée. Dans la logique audiovisuelle, ce qui compte le plus souvent est de vérifier un constat préétabli, avec une prétention à l’objectivité. On veut démontrer tel ou tel phénomène, pièces en mains. En ce qui me concerne, j’assume au contraire l’appréciation subjective de telle ou telle réalité. Lorsque je me trouve en face d’une classe d’enfants, je sens ce que je cherche mais je ne sais pas ce que je vais trouver.
- En ce qui concerne Etre et avoir , un effet de réel a fait soudain dévier l’être vers l’avoir avec l’instituteur qui vous réclamait des comptes au vu du succès du film. Comment l’avez-vous vécu ? Et comment vivez-vous le succès du film ?
- J’ai vécu le comportement de l’instituteur comme une offense et comme une blessure, mais je préfère ne pas en parler, d’autant que l’affaire n’est pas conclue. Quant au succès, il est certainement difficile à vivre. Mais l’important est de continuer à faire exactement ce qu’on ressent comme juste et nécessaire.
- Une composante de vos films, du premier au dernier, tient à la beauté. Beauté des images. Beauté des plans. Beauté des gens. Y pensez-vous en cours de travail?
- Je ne cherche jamais, à vrai dire, d’effet esthétique flatteur dans un sens de « beauté » ni non plus de laideur « trash ». La beauté vient sans qu’on la cherche. C’est comme toute rencontre, quelque chose qui relève
d’un « supplément d’âme »…



Les commentaires sont fermés.