ANGELUS NOVUS. - L’aube de ce premier jour de l’an avait des doigts de rose au-dessus des monts enneigés, pour le dire comme le vieil Homère, et c’est en effet tout Homère que je me sens ce matin au milieu de mes beautés et autres silencieux, à songer à tout ce qui bat de l'aile au double sens du terme dans le monde et le temps.
C'est évidement de l'Homère de L'Iliade qu'il s'agit ce matin sur le champ de bataille pacifique de notre lit d'où émergent de loin en loin mouvements ou soupirs des lendemains d'hier faisant écho à ceux des maisons d'alentour et des villes et de partout où s'égaille la famille humaine.
À Nouvel An toute la famille humaine devrait cohabiter sous le même toit. Les agapes de la veille ont scellé une fois de plus l'alliance transitoire des fratries et des pactes plus ou moins conjugaux, mais on n'en oublie pas pour autant les séparés et les chutes d'anges, et que les fêtes sont amères pour beaucoup...
Reste à savoir ce qui nous attend. Reste à laisser parler les mots qui viennent, ces mots qui nous savent, ce matin, un peu plus qu'hier et c'est cela, le temps, je crois, ce n'est que cela: c'est ce qu'ils diront de ce que nous aurons fait des heures qui viennent et des choses apprises au fil des heures - des choses sues.
Les mots nous attendent derrière la porte de ce premier matin du monde et ils attendent de nous, mon cher Homère, que nous leur faisions bon accueil en sorte de dire, simplement, ce qui est. Prenons bien soin d'eux. Prenons bien soin de nous. Prenons bien soin de ceux que nous aimons.
L'ange en pardessus gris muraille: "J'aimerais ne plus éternellement survoler. J'aimerais sentir en moi un poids, qui abolisse l'illimité et m'attache à la terre. Pouvoir, à chaque pas, à chaque coup de vent, dire "maintenant, maintenant, maintenant", et non plus "depuis toujours ou "à jamais"...
(À La Désirade, ce 1er janvier 2011)
Peter Handke: " Être de nouveau secoué dans le métro avec tout le monde".
PICTOR. - J’ai repris la peinturlure depuis quelques jours, et avec un plaisir renouvelé, également stimulé par les choses qu’a produites ma bonne amie ce dernier mois. À vrai dire, je suis assez bluffé par la sûreté avec laquelle elle a entrepris ses peinturages, qui me touchent par la justesse de la couleur et la consistance de la vision. Après deux couchers de soleil flamboyants, qui ont quelque chose un peu de Vallotton, elle a réussi deux petits formats, avec une vieille Chinoise dans un jardin public, et une petite fille regardant au-delà d’une rivière, d’une délicatesse intime et d’une justesse de ton remarquables dans les rapports de couleurs, sans rien de mièvre ni de convenu.
(À La Désirade, ce 4 janvier)
Celui qui retrouve ses papiers de jeunesse et les promesses qu’il s’est faites ou pas et qu’il a tenues ou pas / Celle qui dit : selon mon analyse / Ceux qui sont peu aimés en retour de leur peu d’amour, etc
(Extrait d'un livre en chantier)