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Celui qui affirme qu'il est seul à ne pas se soumettre à la vérité unique / Celle qui est à l'écoute de la rue dans son boudoir / Ceux qui ont ont des relents de bouches d'égouts / Celui qui rue dans les brancards de l'hôpital de charité / Celle qui rappelle qu'elle l'avait déjà dit aux girondins / Ceux qui sont à la révolution ce que le pet est à la nonne / Celui qui retourne à la rue de la Félicité ou son voisin de soupente était un chauffeur de taxi russe relisant le Que faire ? de Techernychevsky / Ceux qui traînent dans la rue le soir sans se presser le citron / Celui qui vend ses opinions aux plus offrants / Celle qui se les roule au square du même nom / Ceux qui aiment les rues désertes de Paris a l'écoute des pas perdus / Celui qui aime les gens mais abhorre la meute / Celle qui n'en fait qu'à sa tête de gondole genre Amélie Nothomb sous son casque à pointe / Ceux qui réseautent le social au niveau du groupe de fusion / Celui qui a tout compris dès son premier cri primal / Celle qu'on dit la pasionaria du jardin d'enfants en rupture idéologique / Ceux qui voient en Donald Trump le garant de leur blanchitude à deux balls / Celui qui met un genou en terre par manière de coup de pied au culte / Celle qui se tait dans l'impasse de l'Homme armé / Ceux qui retournent dans les bois / Celui qui se tient informé à tout instant sur Gmail des retours de ses passages à la télé et dans les médias et autres réseaux sociaux dont il entend contrôler la gestion d’archive sur disque dur /Celle qui s’est payé des talons plus hauts pour sa nouvelle émission win-win / Ceux qui parlent très-très vite pour ne pas qu’on s’aperçoive qu’ils n’ont rien à dire / Celui qui va tous les piétiner pour leurs montrer qu’il est dans le rap djeune le loser qui gagne / Celle qui entretient la paranoïa du produc en lui rapportant les propos dubitatifs du sponsor ultragauchiste de salon / Ceux qui font feu de toute suie / Celui qui observe la traîne de bave humaine laissée par le Conseiller suivi de ses courtisans dans les jardins du Mirador / Celle qui flaire la muflerie de l’arriviste et s’en protège par de vagues sourires / Ceux qui n’aiment pas voir leurs amis céder à la vanité débile / Celui qui pratique le plaisir aristocratique de déplaire mais en société seulement / Celle qui pontifie en sa qualité de conscience conscientisée de l’intelligentsia de centre gauche ménageant ses entrées dans les médias de centre droit / Ceux qui se battent pour défendre ce qu’ils appellent la zone sacrée / Celui qui ne s’est jamais éloigné de la zone sacrée investie à sa première véritable émotion de lecteur / Celle qui ne fréquente que les librairies pourvues d’échelles sur lesquelles on peut rester à lire même après la fermeture / Ceux qui vont en librairie comme d’autres vont à l’église avec dans les poches des adresses de maisons /Celui qui s’est retrouvé hors du temps et loin de tout autre lieu que cette prairie du bord du Neckar en cet été 61 où il a lu Tonio Kröger/ Celle qui associe le goût de la vodka au miel à sa lecture de La Dame au petit chien dans la pénombre carmin du café Florianska de Cracovie /Ceux qui n’ont de cesse que de protéger la zone sacrée des gesticulations des agités et des bruyants / Celui qui enjoint le Gouvernement suisse de fermer les frontières de ce pays de souche blanche et chrétienne / Celle qui au nom de l’UDC recommande qu’on surveille les 400.000 musulmans feignant de vivve paisiblement en Suisse alors qu’on sait ce qu’on sait / Ceux qui se demandent si les imams et les pasteurs protestants et les sociologues et les prêtres de gauche n’ont pas quelque chose de suspect en commun / Celui qui rappelle à ses employés (tous blancs et baptisés comme vérifié) que 42% des patrons des grandes firmes suisses sont étrangers et que c’est donc le moment de se montrer vigilant / Celle qui dit et redit ce que Bernard-Henri Lévy a dit et redit / Ceux qui se rappellent les camps de concentration américains aménagés pour les Japonais suspects / Celui qui comme Kouchner prône la force militaro-humanitaire / Celle qui apprend ce matin chez sa coiffeuse camerounaise que la Suisse compte 24% d’étrangers résidents permanents et pas l’ombre d’un ghetto / Ceux qui découvrant la liste individualisée des victimes des attentats du 13 novembre pensent à celles qu’on pourrait établir de tous les massacres aveugles perpétrés dans le monde (entre les pyramides de crânes humains de Tamerlan et les millions d’Indiens massacrés par la sainte Eglise catholique et apostolique, en passant par les protestants et les cathares et tant d’autres charniers de droit divin ou pas, on a le choix) et qui ramènent l’ « horreur absolue » au rang de tragédie relative même si la douleur personnelle reste incommensurable / Celui qui en revient à la réflexion de Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) sur les civilisations diverses et les fondements variés de la vérité et de la justice possiblement traduits par des lois plus ou moins justes selon les cas / Celle qui se rappelle qu’en 2012 (c’est presque du passé) un tiers des nouvelles entreprises suisses avaient des ressortissants étrangers pour fondateurs / Ceux qui se demandent ce que dirait aujourd’hui un Montaigne de l’état du monde et de ses progrès supposés en France du Sud-Ouest et ailleurs / Celui qui aux gesticulations des uns et des autres répond tranquillement (avec l’ami de La Boétie) que toutes les civilisations se valent en bien comme en mal / Celle qui n’en démord pas à propos des basanés quin’ont même pas lu le dernier Dicker / Ceux qui pensent que quand même Allah n’est pas sympa avec les mousmées / Celui qui aux certitudes partisans ou cléricales des uns et des autres répond tranquillement (avec l’auteur des Essais) qu’une civilisation a toujours tort quand elle use de violence / Celle qui rappelle sur Facebook que la mère de ce fourbe réformiste de Montaigne était non seulement de souche portugaise mais juive / Ceux qui préfèrent avoir tort avec Pascal qui justifie le mensonge de droit divin et l’Etat qui le fait respecter que raison avec Montaigne enjoignant chacun de chercher le moyen juste de ne point trop s’assassiner / Celui qui s’oppose tranquillement (avec Montaigne) à la spirale de la haine en affirmant qu’il n’y a jamais eu nulle part aucune Autorité fondée sur une vérité absolue et qu’il n’ya donc pas plus de souverain Bien politique qu’il n’y a de souverain Bien métaphysique et qu’en conséquence il est conseillé de cesser de gesticuler pour Rien,etc.
Que le mec avait un problème, ça je l’ai repéré dès qu’il m’a matée devant le Paradou, avec le métier c’est le genre de trucs que tu flaires.
C’était le style conseiller de paroisse marié. Tu les vois se couler le long des murs et passer trois fois devant toi comme s’ils cherchaient le confessionnal le plus proche, ensuite de quoi neuf fois sur dix ils te font le coup du grand sensible et te sortent la photo de Maman pour se donner du cran, mais celui-là c’était pire.
Quand je lui ai demandé ce qu’il me voulait, il m’a répondu qu’il était Polonais. Je n’y voyais pas de quoi faire un plat, et nous sommes montés, mais tout de suite ça s’est aggravé quand il a vu la photo de Jean Polski au milieu de mes peluches, et qu’il m’a demandé de la retirer de là pendant le rapport.
Je n’invente rien, c’était son expression: le rapport.
Lequel rapport n’a d’ailleurs rien donné. Je sentais bien que la présence du pape, les bras grands ouverts, lui posait un vrai problème, mais je n’allais quand même pas changer ma déco pour un client, même Polonais.
Juste avant de me quitter, il m’a fait la peur de ma vie avec ce coupe-papier qu’il m’a braqué sur la gorge en m’appelant tentatrice, mais là encore il a flanché au point que j’ai dû le prendre dans mes bras tandis qu’il se reprochait de salir la Pologne.
(Extrait de La Fée Valse)
De la télé aux multiples vecteurs du Net, les séries font aujourd’hui figure de phénomène mondial, notamment sur la planète des « millenials » et autres teenagers. Dans la foulée de Skin et de Skam, notamment, par delà le divertissement superficiel et les romances adolescentes, des thématiques psychologiques et sociales, affectives ou et sexuelles, se modulent en fonction des cultures, avec une liberté et une fraîcheur particulières dans certains pays asiatiques, dont la Corée du sud et la Thaïlande…
On peut n’y voir qu’un sous-produit de consommation de masse mondialisée. Dire qu’une série ne vaut pas un livre ni un film. Pointer la décadence de la culture et l’abrutissement collectif. Invoquer la protection de « nos jeunes » et conclure au néant de « tout ça », comme on l’a seriné depuis des années : que l’Internet serait une poubelle ou un enfer, et c’était avant l’apparition des réseaux sociaux, avant l’apparition multinationale des influenceurs suivis de leurs millions de « followers », avant les plateformes offrant leurs miroirs aux alouettes, donc avant Instagram ou Tiktok et leurs séquelles en matière de représentation de soi, tels les « filtres » à visages qui permettent aujourd’hui à nos kids de tous les sexes de mieux s’identifier à Lady Gaga ou Justin Bieber, entre autres « icônes »…
Et puis quoi ? Et puis moi, vieille peau littéraire relevant du monde désormais déclaré « d’avant », et puis toi, et puis vous, kids compris, et donc nous tous qui sommes censés croire ce matin que rien ne va plus vu que rien n’est comme « avant », justement, nous tous qui sommes supposés avoir « mal au climat » et balançons entre l’aspiration à zéro déchet et l’acquisition de tel ou tel nouveau gadget, la honte et la fierté…
Quand Skam «osait » la franchise à l’international
Les séries « pour ados », ou faisant découvrir les nouvelles mœurs et conduites des diverses tribus juvéniles, ont fait florès à la télé depuis des décennies, mais le genre vit une relance proprement mondiale avec l’apparition de « webséries » diffusées sur la Toile autant que sur les chaînes nationales, dont la plus significative a vu le jour en Norvège en 2015 sous le titre de Skam (la honte), à partir d’un concept revenant à « casser le morceau », ou « crever l’abcès ».
Amorcée sans fracas en Norvège, la série Skam évoquait, par le truchement de brèves séquences jouant sur le «temps réel», un groupe de jeunes gens assez typés non moins qu’attachants , plus ou moins confrontés aux questions de l’estime de soi et du racisme, de l’homosexualité ou de la religion - lesdites tranches de vie se trouvant immédiatement répercutées par une « fan base » interactive sur les réseaux sociaux, où fiction et réalité se mêleraient bientôt dans une flambée mimétique qui déborda bientôt en Italie et aux States, en France et en Allemagne.
Label Skam : la franchise sur les sujets sensibles du sexe et de la race, de la religion ou des failles psychiques (le thème de la bipolarité est récurrent), et la tolérance visant à l’acclimatation des « différences », conforme à l’esprit LGBT. Tout cela « grave sympa », avec de jolis acteurs bien lisses parfois devenus « cultes » sur les réseaux (les glamoureux Eliot et Lucas sur Skam France), mais plutôt court du point de vue des idées et de la narration, flattant finalement le narcissisme des « djeunes » et ne reliant guère ceux-ci à leur entourage social et familial.
Plus riche et originale, à cet égard, paraît la série anglaise Heartstopper, diffusée par Netflix, tirée d’un roman graphique et dont la première saison compte huit épisodes, qui se déroule dans un collège anglais où le jeune Charlie, genre intello hyperdoué au sourire pur et doux, persécuté après son «coming out» forcé, trouve un allié puis un ami et finalement un amant en la personne de Nick Nelson, le plus crack joueur de rugby du « bahut », dont la gentillesse fondamentale s’accorde à celle de son camarade harcelé. Une scène d’une profonde tendresse marque l’une des séquences les plus émouvantes de cette série aux nombreux personnages finement silhouettés : lorsque Nick, en principe hétéro, explique à sa mère (l’adorable Olivia Colman, inspectrice dans Broadchurch, et reine d’Angleterre dans The Crown), que Charlie lui a révélé sa propre bisexualité et qu’il l’assume par amour véritable.
Dans la foulée, et d’une façon plus générale, l’on aura observé que les séries anglo-saxonnes, autant que les nordiques, ont assimilé et dépassé les lois et les écueils du genre, avec une générosité et un humour – un engagement que les séries françaises (et ne parlons pas des suisses) n’ont guère atteints jusque-là, la France restant en somme guindée à cet égard, théâtralement déclamatoire ou binairement moralisante dans ses approches psychologiques et sociales du monde actuel, etc.
À l’Est du nouveau: déroutant, émouvant, voire hilarant…
Cinéphile ou simple amateur de toiles mondiales, vous êtes capable de citer cinquante titres de films et autres noms de réalisateurs américains ou italiens, russes ou français, tchèques ou polonais et, à la limite, indiens, japonais ou chinois, mais combien des dragons asiatiques, combien de Coréens à part le titre Parasite célébré palmé d’or à Cannes mais dont le nom de l’auteur vous échappe à l’instant, combien de Thaïs et de Taïwanais ?
Or c’est cette méconnaissance à peu près générale en Occident qu’est venues meubler, depuis quelques années, la déferlante audiovisuelle asiatique, dont les pointes d’icebergs brûlants apparaissent sur Netflix, via Amazon ou sur Youtube et ses exaspérantes interruptions publicitaires suisses alémaniques…
Depuis lors nous savons mieux ce que sont les K-drama coréens, « nos jeunes » auront découvert les équivalents thaïs ou philippins des teen-drama, les curieux (dont je suis voracement) de psychologie humaine et de fantastique social se seront plongé dans le magma, mêlant daube et pépites, des séries dont la profusion et l’immense popularité, d’abord locale (tout de même quelques centaines de millions de paires d’yeux bridés) et maintenant planétaire atteste l’existence d’une production industrielle incluant vidéos, liens numériques à diffusion exponentielle, produits dérivés, vedettes polyvalentes (les acteurs sont souvent chanteurs ou mannequins, voire portefaix publicitaires), fans clubs et tutti quanti.
Dans cette galaxie où glamour et grotesque cohabitent souvent avec humour et tendresse, pour en revenir aux teen-drama illustrés par les séries Skam et Heartstopper, entre tant d’autres, une saison de SOTUS, qui évoque la vie quotidienne dans une école mixte de futurs ingénieurs thaïlandais, doit retenir notre attention pour son mélange très singulier de férocité satirique et de comique, de tendre émotion et de surprenantes péripéties…
L’acronyme SOTUS (« Seniorité », Ordre, Tradition, Unité, Spiritualité), constituant l’emblème et le « programme » de l’internat en question, désigne un système coercitif de soumission des « juniors » de première année aux « seniors », où le bizutage ordinaire devient à vrai dire extraordinaire, rappelant (un peu) les dérives quasi totalitaires de La servante écarlate, avec l’affrontement immédiat entre le senior teigneux Arthit et le junior rebelle Kongpo, qui va tourner peu à peu au rapprochement des adversaires et, finalement, à leur complicité amoureuse.
Paradoxe assez singulier, mais typique des séries asiatiques : que la « déviance » sexuelle est moins jugée du point de vue moral que sous l’aspect de la cohésion sociale, et que le groupe, les filles et les familles, interviennent très activement dans le «tableau», au point parfois de favoriser les amitiés particulières dans un climat du plus haut romantisme, très pudiques dans la représentation « explicite » des rapports charnels (le baiser du bout des lèvres en est le summum orgiaque, salué par des litanies langoureuses assez hilarantes).
Dans ce contexte apparemment très libéré (vraiment inimaginable, autant que Skam, en Russie poutinienne…), le message est pourtant à l’apaisement hors-genre si l’amour est au-then-tique et plus encore, comme dans SOTUS, si les « déviants » des divers sexes sont de bons enfants aimants leurs aînés et bossant dur pour l’exam prochain…
Bref, il y là comme une alternative souriante au moralisme ambiant tous azimuts et au sectarisme communautaire, et c’est avec un grain de sel qu’on en sait gré aux quatre dragons…