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  • Miel de tout

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    À propos de la poésie d’Amarcord, d’un diagnostic-éclair de neurochirurgien et de la ressaisie d’une réalité complète échappant aux simplifications idéologiques…
     
    Ce lundi 24 janvier.- La neige de ce matin, sur la pelouse publique visible de nos fenêtres, où jouaient un jeune homme et son petit chien noir, entre les palmiers bien découpés sur fond blanc et les eaux gris vert étales du lac, m’a rappelé la fin du plus purement poétique des films de Federico Fellini, qui finit comme il commence avec les aigrettes du retour du printemps, après le plan silencieux et magique du paon faisant la roue et les derniers cris et chuchotements, joyeuses fanfares et folles vrilles d’accordéon narquoisement nostalgique saluant la départ de la Gradisca avec son carabiniere d’opérette..
     
    GÉNIE POPULAIRE. - Quel poète contemporain, ou plus précisément quel poète de cinéma a poussé, plus haut et loin sous le chapiteau céleste du cirque mondial, le méli-mélo cénesthésique à ce point de fusion et d’effusion lyrique ?
    Je revois ce film pour la 27e fois (25 fois au Colisée ou j’étais placeur a quinze seize ans et la 26e à Venise sur fond de rumeur de manifs dans les années 70), mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’il me semble tout voir (ou presque) et tout entendre de ce prodigieux concert mnésique rebrassant souvenirs de jadis et naguère ou de tout à l’heure, sensations primaires et réfractions affectives secondaires, bribes de chroniques et confidences sur l’oreiller, ragots de coiffeuses et pics d’humour shakespearien comme quand la nonne naine vient débusquer le zio dingo sur l’arbre du haut duquel il n’en finit pas de s’exclamer « voglio una donna ! »
    Je me rappelle l’embarras d’un Freddy Buache, notre maître ès cinéphilie au dogmatisme frisant parfois le stalinisme intellectuel, quand il s'agissait de dégager le « message » de Fellini ou de reconnaître, malgré ses réticences idéologiques (est-il de gauche ou de droite ?) , le génie tout populaire du Maestro, montreur de marionnettes sociales évidemment plus débonnaire que l’esthète marxisant Luchino Visconti.
    Quant à moi je m’en foutais, appréciant Rocco et ses frères ou Senso avec la même candeur enthousiaste que je revoyais Amarcord ou les Vitelloni, regimbant en revanche devant l’intellectualisme psychanalisant de Juliette des esprits.
    Mais les tendres engueulades du père de Titto vitupérant Miranda et son sacripant de fils, l’humiliation du même Aurelio contraint ensuite par les fascistes d’avaler de l’huile de ricin au motif qu’il aurait tenu des propos séditieux – son beau-frère l’avait peut-être mouchardé -, la Gradisca dans les escaliers du casino où son père l’envoie séduire le prince pour arranger ses propres affaires, les garçons tourniquant autour de la Volpina, le passage du Rex, sublime paquebot figurant la fierté du Régime, devant le peuple flottant dans ses petites embarcations à l’attente en pleine nuit, tout ce bric et ce broc de brocante onirique déconstruit à partir du récit initial et recomposé à 24 images/seconde, échappe complètement à l’idéologie politique pour dire la vie de la cité et des gens, etc.
     
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    LA CRITIQUE EN BERNE. – Là-dessus c’est toujours avec tendresse que je me rappelle le vieux Freddy au premier rang des salles où nous avons vu tant de films ensemble en visions de presse, son dogmatisme n’étant que de surface et d’époque alors que sa compétence était d’un vrai connaisseur sensible et d’un pionnier militant de ciné-club dont nos même écoles ont profité des lumières.
    Lui-même assez piètre poète, sentait la poésie cinématographique d’un Daniel Schmid ou du dernier Godard (il avait conspué le premier…), d’un Bresson ou d’un John Ford, d’un Bergman ou d’un Polanski, de son ami Bunuel et de tant d’autres malgré les préjugés qui le faisaient rejeter un Melville ou tel réalisateur israélien (souvenir de Locarno) qui avait le tort de ne pas épouser la cause palestinienne, etc.
    Mais jamais Buache n’a donné dans ce qu’est devenu la critique cinématographique (ou littéraire) actuelle, à savoir la servante du succès de tendance et du lucre publicitaire aux formules creuses, de la mode et de la bien pensance de tous bords sous le verni de la pédanterie plus ou moins frottée de spécialisme. Plus une patte, plus un fou, plus un idiot inutile qui aime les belles et bonnes choses et le dise avec feu et finesse !
     
    DE LA COMPÉTENCE. – L’examen quotidien du désastre des expressions, notamment par l'Internet nous ouvrant d’innombrables fenêtre sur le vide (mon effarement candide à la vision des huit épisodes débiles de L’Empire du bling, en même temps que je découvrais hier le beau film intelligent et très documenté consacré à l’essayiste et romancière Joan Didion), n’entame pas du tout, chez moi, la reconnaissance du talent et des compétences.
     
    Je me le disais une fois de plus hier soir en poursuivant la lecture du remarquable Samedi de Ian McEwan, dont le récit, comme chez le meilleur Fellini d’Amarcord ou d’Otto e mezzo, fait tout avancer en même temps : l’affectif et le scientifique, la météo et le sexe, les humeurs conjugales ou familiales et la politique internationale, un neurochirurgien qui pense à la vie qu’il mène dans la Mercedes censée le conduire à sa partie de squash dans une rue interdite à la circulation pour cause de manifestation monstre, la soudaine flèche rouge d’une voiture percutant la sienne et le début de bagarre avec trois jeunes arrogants dont le plus agressif montre les signes hyper-nerveux (à l’oeil du spécialiste) d’une maladie dégénérative en voie d’aggravation, le basculement soudain de la relation entre ces quatre mecs et la vie qui continue - tout cela raconté dans la fluidité parfaite d’une ressaisie de la réalité la plus complexe ou plus exactement : la plus complète…