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  • Le Temps imparti

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    À propos du temps perdu à jacasser et de ce que nous maitrisons. Ce que devrait nous inspirer l'éclat de rire d'un enfant ou la douceur veloutée des oreilles de notre chien...
     
    Ce dimanche 24 janvier. - Évoquant, ce matin de beau dimanche bleu aux cimes étincelantes de neige glacée, l’éventualité de vivre mille ans, à propos de ce que prétend certaine chercheuse de l’université de Cambridge citée par Rutger Bregman selon laquelle la première personne millénaire à venir serait probablement déjà en vie, je tombe d’accord avec Lady L. sur le fait qu’à la proposition de s’y essayer nous déclinerions tous deux poliment.
    La mère de ma bonne amie a dépassé les 90 ans, et s’en trouvait bien en sa vivacité d’esprit et sa générosité bien distribuée, mais à la toute fin, les forces déclinantes de sa machine grippée l’ont incité à lâcher prise, ce qui a provoqué sa dernière chute et son ultime coma.
    De la même façon, le vieux Czapski de 95 ans, aveugle et fatigué, dit à ses amis qu’il priait Dieu de le laisser se retirer en douce, ce qui lui a été accordé pendant son sommeil par l’Être suprême bien luné.
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    FAUX DÉBAT. – Les prétendus débats relatifs à la « gestion de la pandémie » font rage, et l’incitation à une « vraie discussion » lancée sur Youtube par un certain Dr Louis Fouché plutôt sympa dans son rôle de « rassuriste », m’a intéressé hier soir le temps d’une heure à l’écouter argumenter contre les mesures prises par le gouvernement français en la matière, et à me renseigner ensuite je me suis rendu compte, avec retard, que ce brillant parleur, soutenu par le Dr Raoult et prônant la liberté des médecins traitants et le droit des patients à choisir leur traitement – rappelant dans la foulée la prise de conscience des sidéens mal conseillés en d’autre temps – avait été déjà largement loué, comme un gourou, et conspué, comme un dissident, par les uns et les autres dans ce qui n’est pas un débat mais un dialogue de sourds sur les réseaux sociaux, dans les médias et dans la rue, où tout le monde a ses raisons et ne voit chez l’autre que des torts.
    Or le bon sens de Lady L., quand je lui ai parlé de mon intérêt pour le discours de ce Fouché moins sanguinaire que le mitrailleur de Lyon, lui fait a hausser les épaules en invoquant une typique « affaire française » et poursuivre le déchiffrement d’un plan de tricot compliqué en langue anglaise.
    Sagesse de Gaïa, me suis-je dit en me rappelant que j’avais interdit à sa mère, de son vivant, de « philosopher » avant dix heures du matin dans notre maison commune de l’Impasse bien nommée, après que je lui eus filé les œuvres complètes de Sénèque…
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    PAS LE TEMPS. – À propos d’une vie transhumaine ou des vains débats en des lieux inopportuns (la discussion sur Internet ou sur les plateaux de télé me semble décidément mal barrée), ma sage bonne amie en voie de perfectionner, en complicité avec sa fille aînée, sa pratique du point de jacquard et ses multiples déclinaisons, préférée à la jacasserie mondiale, me dit qu’on n’a « pas le temps», et je surabonde au moment de me remettre au temps de la peinture et de persister à tenir mon Cher Journal comme le faisaient les dames de l’entourage de Léon Tolstoï (et le patriarche lui-même), ou le cher Amiel, ou l’irascible Paul Léautaud, mon souci étant de plus en plus de rendre compte de ce que nous vivons tous les jours à l’attention particulière de nos deux petits-fils, Anthony (quatre ans cette année) et Timothy (deux ans en juin) qui en feront ce qu’ils voudront.
     
    TRANSMETTRE. – Dans le dernier rêve de ma nuit passée, je me trouvais avec Dimitri dans le dédale de mon immense bibliothèque, lui déclarant que j’avais décidé, après l’avoir offerte gratuitement à diverses institutions - lesquelles ne m’ont même pas répondu ou fait comprendre que la place leur manquait – que j’en concluais que nul ne méritait ce cadeau massif et que, laissant à nos héritiers le soin de le conserver dans un mausolée ou un hangar à bateaux, je m’en tiendrai pour ma part à, à la façon de Fran Lebowitz, à offrir à chacune et chacun qui le désirerait et me le demanderait poliment, tel ouvrage ou telle édition plus rare, valant cent sous ou dix mille francs, à proportion de son enthousiasme amoureux – seul critère à mes yeux de bonne transmission.
    Pour sa part, Dimitri ne s’est guère occupé de transmettre sa bibliothèque de la maison sous les arbres, mais la Bibliothèque de Dimitri, nouvelle collection conçue à l’enseigne des éditions Noir sur Blanc, regroupant les meilleurs titre de son fabuleux catalogue, transmet bel et ben le meilleur des « œuvres » de notre ami.
     
    LE TOUT ET LA PARTIE. – Le charmant Théo, guitariste et chanteur de blues pacifiste dont le père neurochirurgien, Henry Perowne, domine la narration de Samedi, le roman d’Ian McEwan que je lis et annote tous les soirs avec la plus vive attention, estime non sans candeur que le détail personnel vaut mieux que la masse collective, hésitant ainsi à suivre le troupeau des manifestants se regroupant, à ce moment de l’histoire, dans les rues de Londres pour s’opposer à la participation de l’Angleterre à l’intervention en Irak, et son père hésite lui aussi mais pour un autre motif : à savoir qu’il a soigné un Irakien torturé par les sbires de Saddam et sait très précisément, pour s’être documenté, ce que représente le régime sadique de celui-ci tout en se demandant si les Occidentaux vont vraiment améliorer le sort du peuple irakien, etc.
    Or, partageant en somme cette préférence accordée à ce que nous vivons et maîtrisons aux idées générales et aux gesticulations plus ou moins narcissiques de la foule, je caresse les plus jolies oreilles de la race canine, veloutées et d’un brun profond, de notre Snoopy dormant paisiblement tandis que je savoure mon premier café du matin et que Lady L. passe en revue, sur Instagram , les diverses images de la beauté du monde, etc.
     
    Images: Philip Seelen, JLK, Robert Indermaur.