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Une affaire win-win

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(Nous sommes tous des Chinois virtuels)

Que se passait-il dans la tête du président Xi Jinping lorsque, le 17 janvier 2017, au Forum économique mondial de Davos, ce pur et dur communiste chinois fit l’éloge du libre-échange devant un parterre de capitalistes durs et purs qui s’en trouvèrent apparemment enchantés ?

Se poser la question revient à se demander ce qui se passait dans la tête du président de la Confédération helvétique Ueli Maurer quand, en visite à Pékin en 2013, il affirma crânement que, s’agissant du massacre de Tian’anmen, en 1989, donc il y avait plus de vingt ans de ça, il était temps de «tirer un trait» sur cette page «tournée depuis longtemps». Et l’on imagine, passant en battant de ses deux ailes, l’ange Win-Win invoqué in petto par les deux présidents.

Dans la foulée, je me rappelle que le boss du parti suisse majoritaire UDC (Union Démocratique du Centre) auquel est affilié le ministre Maurer, le milliardaire suisse Christoph Blocher, n’avait pas attendu ces années de prescription pour «tirer un trait» sur les pages des plus sombres années du maoïsme, ayant été l’un des premiers industriels suisses à composer commercialement avec la Chine communiste sous le même battement d’ailes de l’ange Win-Win.

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Or, que dire de ce qui se passe dans la tête de ces grands personnages supposés, par leurs contradicteurs invoquant les Droits Humains ou la Transparence, s’exprimer en flagrant délit de mauvaise foi ou de mensonge ?

Se poser la question revient alors, par souci de symétrie éthique, à se demander ce qui se passe dans la tête d’un contempteur avéré du Forum économique de Davos, tel mon ami Jean Ziegler, quand il taxe la manifestation de «bal des vampires»; et de même suis-je amené à me demander ce qui s’est passé dans ma tête lorsque j’ai appris que la dernière édition 2019 du Forum, snobée par le président américain Donald Trump, retenu «aux affaires», avait une nouvelle fois été marquée, à Davos et environs, par une hausse conséquente du tarif du café au lait, dit renversé, et des chambres d’hôtel ?

De telles questions semblent oiseuses, voire futiles. Un peu moins de cinq siècles après la publication originale du Prince de Machiavel, elles peuvent même sembler naïves, sinon mesquines.

Et pourtant je me les pose, ces questions, depuis qu’une intuition lancinante m’a persuadé, à travers les années, et peut-être à partir d’un banal parcours en transport commun, très tôt un matin dans le métro de Tokyo, et ensuite par l’effet de multiples observations développées en métastases à la fois sensorielles et mentales, que je me transformais peu à peu, comme des milliards de mes congénères pianotant à l’instant sur le clavier de leur smartphone, en Chinois virtuel.

L’expression même de «Chinois virtuel», dénuée (ou presque) de toute connotation raciale ou politique, culturelle ou polémique, ne se réfère pas tant au Péril Jaune de nos bonnes vieilles bandes dessinées des années 50, ou au vocabulaire oral d’un Louis-Ferdinand Céline, qu’à une manière d’Homme Nouveau à l’état latent, sûrement plus marqué dans sa dégaine par l’américanisme vestimentaire – la veste mao faisant décidément ringard – que par l’uniforme collectif des populations chinoises, mais tenu ensemble par une conformité collective plus patente dans les manifestations visibles du communisme chinois actuel que dans les mouvements de masse de ce qu’on appelle l’Occident pour faire simple – et le cliché du Chinois virtuel n’a pas d’autre visée, précisément, que de faire simple.


Lorsque, l’autre jour, j’observais cent collégiens sortir de leur établissement sans chahuter, tous penchés sur leur smartphone, je pensais ainsi : Chinois virtuels, comme lorsque je clique sur GOOGLE pour en savoir plus sur Xi Jinping ou les sieurs Ueli Maurer et Christoph Blocher – me faisant à mon tour Chinois virtuel.

(...)

(extrait du premier chapitre d'un libelle intitulé Nous sommes tous de zombies sympas, à paraître cet automne chez Pierre-Guillaume de Roux)

 

 

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