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  • Ceux que leur gaîté protège

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    Celui qui n’arrive pas à rester fâché / Celle qui a l’art guerrier de dévier les traits / Ceux que tout atteint mais qui n’en montrent rien / Celui qui sourit dans le vague avec la fixité précise de l'Archer / Celle qui lit Le Trottoir au soleil dans la salle d’attente du train de nuit / Ceux qui rebondissent comme des ballons sur la pelouse du jour vert électrique / Celle qui fait la vaisselle en chantant l’air de Mimi de La Bohême (« Mi chiamano Mimi », etc.) pendant que ses jeunes invité pioncent encore après les excellents excès de la veille / Ceux qui restent pensifs après le départ de tous les clients du bar gay Au Soleil levant tenu par la famille vietnamienne qui en a superchié pendant les guerres dont les gamins ne savent plus foutre rien / Celui qui a écrit « la lumière est en vous aussi » et que les gens liront avec reconnaissance quand le bouquin sera en vente / Celle qui se console de n’avoir pas été invitée à la noce pipole du présentateur de la télé et de la Miss Météo en apprenant qu’on s’y est fait hyper-tartir / Ceux qui jurent qu’ils n’en sont pas quand on leur demande s’ils en sont / Celui que la vision des abattoirs déprimait à chaque fois qu’il prenait le TGV Lyria et qui déprime maintenant de ne plus avoir assez de ronds pour se payer Paris-Folie / Celle qui se défoule dans la foule du métro après sa sortie du couvent motivés par Dieu sait quoi / Ceux qui prient le Seigneur avec une ferveur de 3 janvier sans trop savoir qui c’est çui-là mais Lui doit le savoir alors ça va / Celui qui se rappelle son premier Happy Meal au goût de petite madeleine / Celle qui fête le Nouvel An avec les Chinetoques d’à côté qui s’intéressent à ses années de musicologie à l’Academia Chigi de Siena (Italia) / Ceux qui offrent des figues sèche sà la tante Glouton / Celui qui va skier ce matin aux Portes du Soleil où il tombe sur quelques aveugles en luges guidés par une monitrice à sifflet / Celle qui envoie promener ceux qui lui recommandent de fermer la porte aux Soucis alors qu’y que ça de bon dans la vie répond-elle sur le ton de la plus pure mauvaise foi paléochrétienne / Ceux qui sont trop actifs et réactifs pour regarder quoi que ce soit alentour où que c’est si beau n'est-ce pas Mado / Celui qui se rebiffe quand on le regarde malgré qu’il est si beau que ça fait même pas d’jaloux / Celle qui sourit sans écouter ce que radote son conjoint rouquin qui bégaie dans ses bretelles / Ceux que soucient grave plusieurs kilos de surpoids consécutifs aux Fêtes mais tu verras Betty je me réabonne au Fitness Hyperforme / Celle qui aime la bonne méchanceté de certaines fortes femmes fragiles style Flannery la dompteuse de poules / Ceux qui ont dansé le Fox-trot en 1953 tandis que Staline cannait pour de bon mais les kids des Lycées Béjart et Aragon n’ont entendu parler ni de l’un ni de l’autre / Celui qui remonte en danseuse la côte du Grand Sabot Breton / Celle qui tient le bar lesbien Au Bon Gigot / Ceux qui draguaient nos sœurs à la sortie du ciné en plein air de Levanto et qui sont aujourd’hui de vieilles peaux berlusconisées à mort ou qui sont morts ou va savoir avec la Nave qui va / Celui qui a pas mal fait l’amour en groupe et se retrouve pas mal seul à l’heure qu’il est mais sans que Dieu s’en soit mêlé qu’allez vous croire cancrelats ? / Celle qui se tenait au piquet de Valerio quand il fonçait sur sa Vespa par les monts de La Spezia / Ceux qui reviennent sur les lieux dont les livres les ont fait rêver genre Balbec ou Sils Maria / Celui qui nourrit des projets brésiliens après que Jean Ziegler lui a raconté ses nuits de candomblé à la Mère Royaume / Celle qui médite devant une pomme lisse comme une conne / Ceux qui peignent à l’ancienne des sujets sociaux genre Jed Martin se défonçant à la disco avec Olga la Ruskova / Celui qui se réjouit de retrouver à Salonique ses jeunes amis fous de La Callas et de Cavafy / Celle que tout met en joie même la perspective de retrouver la cafète de l’Entreprise où l’Alcool est proscrit mon chéri / Ceux dont la bonne humeur inaltérable entretien une ambiance du tonnerre aux RH de l’Entreprise et surtout quand tous se retrouvent sur le toit pour cloper, etc.

    (Ces note sont été prises en marge de la lecture du Trottoir au soleil de Philippe Delerm. )

  • Sollers à Salerno

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    Heptaméron du Bain Japonais. De l’hormone du lien et du bien-être, au tournant de la page 460 d'Une vie divine de Philippe Sollers. 

    A La Désirade, ce dimanche 29 janvier 19**. – Il a fait tout ce jour de neige une chaleur sulfureuse, puisque la fantaisie m'a pris de  l'imaginer dans le Bain Japonais de Salerne, avec mes sept épouses et mes deux Moi momentanément réconciliés.

    La chimpanzée Winnipeg, qui se fait abusivement appeler Winnie, a profité de nos sensuelles ablutions pour semer la confusion dans les messages latéraux de ce carnet de lecture, prétendant que je me trouvais déjà lancé à destination de Siracuse, à bord de je ne sais quel train futuriste, à regarder le Macbeth de Welles en barbotant dans le jacuzzi ferroviaire, alors que nous nous trouvions bonnement plongés dans ce Bain japonais cerné de vieux notaires siciliens égrotants et ricanants qui se désignaient l’un l’autre ce Kama Sutrâ amphibiotique, là-bas dans les nuées d’eau à bubulles: cazzo mio, macchè spettacolo !

    Inconnue.jpgLa chimpanzée blonde est sortie, à mon insu, de la page 460 d’Une vie divine. C’est tout à fait le genre de la positiviste américaine que je rencontrai à sept reprises au cours de mes pérégrinations dans le monde et l’arrière-monde, me demandant à chaque fois à quelle Cause j’avais enfin résolu de me consacrer. L’idée que je puisse vouer ma vie à la lecture et à l’écriture l’insupportait absolument. La pire de ces réincarnations de la fameuse Petite Femme de Kafka, qui représente l’équivalent des Pépères scrutant les femmes-fontaines à la longue-vue phalloïde et tremblotante de culpabilité, me traqua sept jours durant dans les rues de Cordoue, avant que je ne la semasse (ceci est un subjonctif andalou typique) dans les enchevêtrements de la Mezquita.

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    Winnipeg, qui se fait appeler Winnie, est la chieuse matérialiste humanitaire caractérisée, qui prétend avoir les pieds sur terre et à qui on ne la fait pas. A la page 461 du nouveau bréviaire de l’Ordre du Temple Sollers, il est rapporté qu’elle écrit ceci : « Quand un couple s’embrasse, se caresse, fait l’amour, mais aussi lorsqu’il parle, échange des idées ou rit, il y a libération d’ocytocine, hormone du lien et du bien-être, que le cerveau sécrète à volonté. Cela stimule le système immunitaire et ralentit le cœur. Avec l’ocytocine un couple dure. C’est un peu une paire de lunettes roses qui nous fait voir la vie avec bonheur ».
    Autant dire que la chimpanzée blonde nous matait elle aussi, dans le Bain Japonais, soucieuse de nous voir échanger, comme elle disait, en clair : produire de l’ocytocine à surdose.
    Moi l’un en avait la rage, tandis que Moi l’autre s’en amusait folâtrement, mais ce furent mes sept épouses, dans les reflets des sept miroirs constituant l’enceinte du Bain Japonais, qui me furent alors de meilleur conseil : «Raconte lui sept histoires à dormir debout et ça lui remettra ses lunettes roses, qu’elle nous foute la paix et qu’on puisse enfin exulter comme un dimanche à Salerne…»
    Ainsi me vinrent les sept récits de l’Heptaméron du Bain Japonais, qu’on se procure à 2€ pièce à la boutique numérique de La Désirade ou sur demande (ne pas oublier le petit timbre).

  • Sollers à Sorrente

     

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    Une visite à Maxime Gorki, souvenir futur, des années après la disparition de Philippe Sollers, écrivain français s'estimant méconnu de son vivant mais redécouvert par les Chinois vers l'an 2055.

    Sorrento, le 29 janvier 2068. – C’est peu avant de lire Une vie divine, en janvier 2006, que j’avais entendu parler pour la première fois de la cure de rajeunissement transgénique, et ce fut à la même époque, en passant boire un scotch (enfin un, façon de parler) à Ravello, avec mon ami Gore Vidal, que j’appris que le vénérable Alexeï Maximovitch Pechkov, alias Gorki, y avait eu précisément recours 70 ans après sa feinte mort de 1936 et qu’il savourait sa vendange tardive dans une humble cabane des hauts de Sorrente, comme au bon jeune temps.

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    C’est par fidélité à la mémoire de Tchékhov, son maître à vivre bien plus qu’à écrire, que Gorki vivait alors de si modeste façon. L’ombre de la vergogne était descendue sur son front lorsque le petit père des peuples avait fait débaptiser Nijni-Novgorod, sa ville natale, pour l’appeler Gorki-ville, mais les camarades l’avaient achevé en donnant au Théâtre d’Art de Moscou le nom de Théâtre Gorki, alors que de toute évidence seul Tchékhov méritait cet honneur.

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    A 138 ans, et malgré sa mise de moujik post-apocalyptique (l’Europe s’était remise du Grand Djihad décrit avec exagération dans Cosmos incorporated, mais ça craignait encore pas mal jusque dans les provinces de la Botte…), Gorki avait l’air aussi fringant qu’à l’époque de Thomas Gordeïev ou que sur la fameuse photo de sa visite à ce vieux hippie avant la lettre de Léon Tolstoï.

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    « Staline m’a tuer », raillait-il en évoquant sa fausse mort, « ou plutôt il a liquidé l’un de mes sosies en demandant à Benito de prendre soin de son ami écrivain, et j’ai fait croire que les jeunes fascistes pures et dures de l’époque ont fait le reste. Tu connais ma célèbre phrase, on l’ânonnait dans tous les collèges américains avant que la political correctness n’y mette bon ordre : « J’ai vécu avec ma femme durant quatre ans, je n’ai pu me décider à vivre avec elle davantage. Il est plus commode de vivre tout seul; on est alors maître de sa vie, ce qui n’est pas si mal ! Et puis, pourquoi avoir un cheval à soi quand il y a des chevaux d’emprunt »...
    Et Maxime de conclure avec malice : « En réalité, les chevaux d’emprunt m’ont toujours fatigué après deux ou trois cavalcades, si bien que je n’ai jamais lâché ma Doussia, avec laquelle nous ne pratiquons plus que le French kiss depuis 1968, année de libération comme tu sais. Or je ne fais plus, aujourd’hui, que relire Oblomov et les récits de mon cher Anton Pavlovitch en regardant la mer qui scintille de tout son strass entre les lauriers roses… »

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