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  • Neiges de Pâques

     

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    (Dialogue schizo)

     

    Sur la lecture de Cosmos de Michel Onfray. De l’inanité de la pensée binaire. La réponse du poète dans L’Opéra du monde de Jacques Audiberti.

     

    Moi l’autre : - Tu ne le trouves pas grave courageux, JLK, de persévérer dans la lecture de Cosmos ?

     

    thumb_Jean-Louis.Kuffer©Ph_23575F.2.jpgMoi l’un : - Bah, tu connais sa curiosité de vieille chouette omnivore. Hier soir encore il regardait la série tirée de Fargo. Un vrai toxique, mais pas pire en somme que le toxique du penseur binaire. Et c’est ça qui le branche je crois : la mesure du taux de toxicité des phénomènes actuels. Certaine fascination, aussi, devant la bêtise, ou disons le manque de sens commun, de certains intelligents claquemurés dans leur système. Flaubert ne faisait pas autre chose quand il établissait le catalogue de la Redoute des niaiseries universalistes de Bouvard et Pécuchet. Or le projet de Michel Onfray de Tout Savoir, genre encyclopédie pour les ados, relève de la même nigauderie mégalo. 

    Moi l’autre : - Je te trouve sévère ce matin. C’est la neige qui t’énerve ?

    Moi l’un : - Pas du tout ! D’ailleurs tu te rappelles le constat du poète : « Le plus favorable moment, pour parler de l’été qui vient, c’est quand la neige tombe »…

    Moi l’autre : - Tu cites L’opéra du monde de notre cher Audiberti…

    Unknown-2.jpegMoi l’un : - Et j’enchaîne de mémoire : « Le rotativisme des saisons est un des charmes les plus démoniaques du système. Dans notre monde familier les saisons se suivent régulières à varier avec monotonie la figure du temps, promesse de mourir. Printemps. Automne… Cariatides d’une symbolique sentimentale… Vieilles rosses, mais pimpantes, d’un manège place du Combat… »

    Moi l’autre : - Tu sais L’opéra du monde par cœur ?

    Moi l’un : - Tu crois que je faisais quoi, à douze ans, à l’âge où Michel Onfray lisait la Critique de la raison pure en BD ? Je cultivais mon jardinet candide…  

    Moi l’autre : - Et la suite, puisque aussi bien Onfray parle de notre perception altérée du temps ?

    Moi l’un : - Ah oui, le temps de la campanule et du bambou ! Ses pages délicieuse sur le temps biologique redécouvert par Michel Siffre dans son gouffre. Plutôt intéressant question docu, mais Audiberti prend la tangente irrécupérable : « L’été, nous ne l’apercevons bien qu’à travers la neige. La neige, sous le manteau d’une coutume en forme de loi, nous enseigne que l’hiver cherra comme elle choit pour laisser la place à la petite varice évidente à la guibolle des baigneuses du Mourillon. Pour jouir de l’hiver dans l’hiver et de l’été dans l’été, faudrait être glaçon ou lézard. Nous, nous-qui-sont-l’homme, notre destin, les philosophes s’énervent à nous le seriner, c’est de nous « projeter » sans cesse et de nous attendre, parfois en trépignant, à une courte portée de calendrier. Ainsi n’existons-nous jamais qu’en arrière et en avant »…

    Moi l’autre : - Tout ça tombe pile-poil ! C’est génialement la réponse du poète au prof de philo qui redécouvre qu’il y a plusieurs temps et qui prétend, dans la foulée du géologue faisant l’expérience du non-temps nocturne du gouffre souterrain, découvrir un subconscient biologique reléguant le pauvre Freud à la dimension d’un sondeur de canapés…

    Moi l’un : - De là ton étonnement devant la patience de JLK ? 

    images.jpegMoi l’autre : - Non, je visais plutôtles énormités du chapitre suivant de Cosmos, intitulé Construction d’un contre-temps où, après avoir décrit le « temps mort » que nous vivons dans notre civilisation selon lui en toute fin de bail, il affirme crânement que « nous sommes des ombres qui vivons dans un théâtre d’ombre » et que « notre vie, c’est souvent la mort »… 

    Moi l’un : - Lieu commun qui se tient, comme Eschyle l’avait dit en revenant du bain…

    Moi l’autre : - À cela prêt que d'après Onfray l'on ne sortira du temps mort de notre civilisation que par la porte de secours du « temps hédoniste », à l’opposé du « temps nihiliste » dominant. Alors le scout de sortir son kit de survie : « Revitaliser le temps passe par un changement de notre mode de présence au monde »…

    Moi l’un : - Là encore, fameuse découverte, qui me rappelle la collection Marabout-Junior rayon « Mieux vivre »…

    Moi l’autre : - Et le pompon des constats : à savoir que nous n’accéderons vraiment à la présence au monde qu’en « supprimant les écrans qui s’interposent entre le réel et nous, à commencer par « la quasi totalité des livres », jouant ce rôle d’écran, et « les trois livres du monothéisme, bien sûr »…

    Moi l’un : - Bien sûr ! Que n’y avons-nous pensé ! 

    Moi l’autre : - Je n’ai pas fini, et c’est Michel Onfray qui parle : « Le temps mort nous tue. Dans nos temps nihilistes, l’adolescent prisonnier de l’instant creux va transformer savie en juxtaposition d’instants creux jusqu’à ce que la mort emporte ce corpssans âme. »

     

    Moi l’un : - Je vois le topo :tous ces adolescents aux corps creux sans âme. Et les filles de Lady L. et JLK qui errent présentement entre le temps du Costa Rica (passé minuit à notre midi) ou Khao Lak (l’heure du tchaï des thaïs !), et le petit Maveric prisonnier de son instant nihiliste…

     

    Moi l’autre : - Et pourtant l’espoir brille encore grâce au plan marketing du philosophe dans le mouroir :« Seule la fidélité au passé nous permet une projection dansl’avenir… » 

    Moi l’un : - Eh mais, il se contredit ! Tout à l’heure il balançait la quasi-totalité des livres-écrans aux orties…

    Moi l’autre : -Minute papillon : « Car le passé, c’est la mémoire, donc les choses apprises… » 

    Moi l’un : - La poule découvre lecouteau suisse multifonctions dans la cour du lycée !

    Moi l’autre : -« … le souvenir des odeurs, des couleurs, des parfums, du rythme des chansons… »

    Moi l’un : - Tagada, tagada, voilà les Dalton !

    Moi l’autre : - « des chiffres, des lettres, des vertus, des sagesses, des leçons de choses, du nom des fleurs et des nuages, des émotions et des sensations vécues, des étoiles dans le ciel au-dessus de sa tête d’enfant et des anguilles dans la rivière des ses jeunes années, des paroles qui comptent, des habitudes, des voix aimées, des expériences acquises qui constituent autant de petite perceptions emmagasinées dans la matière neuronale : elles nous font être ce que nous sommes comme nous le sommes »…

    Moi l’un : - Ma « matière neuronale » percute ! On est là dans le summum de la phénoménologie poétique à filets scientifiques. Quand l’hiver cherra, l’été sera, et l’ANGE pansera ses engelures… 

    Moi l’autre : - Tu auras remarqué l’inscription figurant sur le bandeau publicitaire de Cosmos : Vers une sagesse sans morale…

    Moi l’un : - À moins qu’il ne s’agisse du contraire, au vu des citations moralisantes que tu nous as balancées : vers une morale sans sagesse. Mais attendons la suite de la lecture de JLK pour ne pas conclure en précipice…

    Moi l’autre : - Revenons donc plutôt à l’été de L’Opéra du monde et à la réponse du poète au scientiste…

    Moi l’un : - De mémoire toujours, donc, hardi : « L’été qui vient, comment s’appelle-t-il ? Atome. Avant l’automne, l’atome. Le grand été d’une non terrienne brillance et d’une indescriptible bigarrure va s’horizontant, un peu mexicain, derrière les collines et les docks. Il bourdonne déjà, chant d’un coq sur une crête, mais la crête se disjoint en hauteur comme les portes d’une écluse préceleste »…

    Moi l’autre : On en redemande !

    Moi l’un : Donc voici pour nous lancer sur la passerelle  courant de la poésie poétique à la science scientifique telle que, mieux que Michel Onfray, Michel Serres l’a parfois décrite. La mémoire de nos enfances n’est pas tarie,de loin pas : « Certes, le soleil, encore, éclairera des groupes d’éclaireurs à couteau suisse sur le quai des gares, vive lesvacances ! ». Mais Audiberti fait la nique au scientiste en renversant l’ordre des préséances, où l’immémoriale incantation se révèle plus neuve ce matin que les compilations computées de poussières d’étoiles. Car« le soleil accrochera une virgule de gaieté à l’angle amer de la bouche d’un spectateur neutral ». 

    Moi l’autre : - Encore ! Soyons plus précis !

    Moi l’un : - « Dans l’été qui vient par les cactus de l’Arizona, le savant newtonien, polytechnique et bachelier, contraint de fignoler toujours davantage son turbin de détective universel, ne peut plus feindre d’ignorer que plus il s’occupe de la matière, sans cesse mesurée et dénombrée par lui par un enfantin scrupule de sécheresse et de probité, plus il s’écarte du centre vivant du problème, dont,cependant,voici qu’il se rapproche, pour autant qu’il en vient à trifouiller une mystlrieuse étoffe qui n’est plus la matière du monde, censément objective,mais celle de sa propre énergie mentale (si l’on admet que l’atome la constitue intrinséquement elle aussi ). Un jour d’été (bocks, feuillages verts, jeunes filles) le soleil, le brave vieux soleil des chevauchées et des automobiles, celui de François Pizarre, de Buffalo Bill etde Guy de Maupassant, pénétrera par les grands vasistas corbusiers d’un collegium scientifique »…

    Moi l’autre : - Envoyez la soudure !

    Moi l’un : - Le soleil donc à pleins photons : «Il flattera de sa clarté conservatrice le visage d’un chercheur post-cartésien, ultra-newtonien. Celui-ci vient d’établir la formule mathématique de la valeur expérimentale qui préside à la cohésion d’un quelconque agrégat de molécules (un corps d’homme, un platane, uncaillou) ».

     

    Moi l’autre : - Je remarque au passage que, lorsque Michel Onfray parle de la mort de son père, celui-ci s’élève mystérieusement au-dessus du « quelconque agrégat de molécules »...

    Ange.jpgMoi l’un : - Tout est là, et ce n’est pas qu’affaire d’affectivité ou de livret de famille. Mais je continue l’angélique exposé : « Notre chercheur a posé : A (force explosive de l’atome), N (nombre infini), G (gravitation), E (espace). Et puis il est passé dans le bureau voisin pour contrôler, de visu, si les atomes constitutifs des jambes de sa dactylo Rosa-Nancy, fidèles à la poussée agrégative et à l’équilibre cohésif (algébrisés, à l’instant, sur le papier, demain de maître) décrivant toujours entre elles, hors du léger surah de la petite robe imprimée, cet angle rond qui fait bondir le cœur des messieurs. Ou bien alla-t-il donner un coup de pouce au compteur d’électrons, installé dans le vestibule d’honneur, pour l’instruction des visiteurs et la fierté des commanditaires. De retour à sa table, il jette les yeux sur la formule toutefraîche.

    Quelit-il ?

    ANGE.

    Ah ! C’était bien la peine ! C’était bien la peine d’avoir tenu pour obscurantistes et trétrogrades les aquinistes, les dantesques, les mallarmeux et toute la clique latine »…

    Moi l’autre : - On dirait que ton hugolien délirant vient de lire Cosmos et lui fait la nique ! 

    Moi l’un : - C’est mieux qu’une leçon de catéchisme hédoniste puisque l’érotisme de la langue s’y exerce sans naturisme intellectuel formaté, à bouche d’or que veux-tu. Je continue donc tellement c’est bon : « C’était bien la peine d’avoir sué desmilliers de locomotives, d’avoir inventé le kilowatt, d’avoir empesté de pétrole et de broadcasting l’atmosphère des villes et des campagnes pour en arriver, au bout de cette colossale fatigue à travers les gares du Nord et les usines de Billancourt, à se trouver nez à nez avec un vocabulaire qui n’était, semblait-il que des enfants, des vieilles femmes et des décorateurs de gâteaux trop jolis pour qu’on les mange. L’ange, le djinn et le génie, froufroutant aux grandes salles, bondissant des eaux marbrées, décousant l’écorce des platanes, s’imposent au cartésien qui n’a plus qu’à jeter ses cartes »…

    Moi l’autre : - Mais n’est-ce pas de cela justement que Michel Onfray rêve lui aussi, à sa façon ?

    Moi l’un : - Ce n’est pas exclu car le garçon n’a pas mauvais fond, juste trop engoncé dans son corps professoral, bridé comme un chapon dans les ficelles médiatiques, abusé par son hubris, sans fibre poétique réelle ni réelle folie frappadingue à la Sloterdijk. Mais là encore attendons la suite du feuilleton.  Je reviens au mystique Acrobate : « Quand l’homme se convaincra, par un beau soir de grands jardins brésiliens, que les événements s’accomplissent au-dedans de sa tête, dans le mystérieux nucléus autour de quoi voltige, avec ses logarithmes et ses générators, comme le huitième électron coronaire du baryum, et qu’il n’est toutefois pour rien dans ce qui se passe en lui, même si ce qui se passe en lui lui revient sur la figure ou sur la poitrine sous la forme de grandes gifles mortelles ou de légions d’honneur, il se couchera dans un peu de douceur et de fraîcheur encore, délaissant générators et logarithmes, pour sommeiller, les yeux ouverts, dans le parfum impérial et séminal des grands baisers d’espérance et de nouvelle origine.

    Parce qu’enfin il pensera qu’il va mourir»...

    Michel Onfray. Cosmos. Flammarion, 565p. 

    JacquesAudiberti. L’Opéra du monde. Grasset, les Cahiers rouges, 335p.

  • Crucifixions de Dürrenmatt

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    Remarques personnelles sur le motif.

    Dans une série de notes sur le processus de son travail pictural, Friedrich Dürrenmatt explique que, par rapport à ses œuvres littéraires, ses dessins ne constituent pas un « travail annexe » mais les « champs de bataille » où se jouent, par le trait ou la couleur, ses combats, ses expériences et ses défaites d’écrivain.
    Ses propos concernant ses Crucifixions sont particulièrement éclairants en termes de pensée dramaturgique.
    « Dans mes Crucifixions je me suis posé la question dramaturgique: comment puis-je représenter aujourd’hui une crucifixion ? La croix est devenue un symbole, on peut s’en servir aussi bien comme d’un bijou d’ornement, par exemple entre les seins d’une femme. La pensée que la croix fut un jour un instrument de torture s’est perdue.
    Dans ma première Crucifixion, j’essaie, par la danse autour de la croix, de la retransformer en croix, d’en faire l’objet de scandale qu’elle représenta jadis. Dans la deuxième Crucifixion, la croix est remplacée par un instrument de torture encore plus atroce, la roue, et d’autre part ce n’est pas un homme qui est ainsi roué, mais plusieurs ; un seul personnage est crucifié, c’est une femme décapitée et enceinte; un bébé pend de son ventre ouvert. Des rats trottinent autour des échafauds, Dans la troisième Crucifixion, c’est un gros Juif qui est crucifié, ses bras sont taillés à la hache, il est pris d’assaut par les rats. Ces planches ne sont pas nées d’un « goût pour l’horrible » : d’innombrabes humains sont morts d’une manière incomparablement plus horrible que Jésus de Nazareth. Ce qui devrait être notre scandale, ce n’est pas le Dieu crucifié, mais l’homme crucifié. Car la mort – si horrible soit-elle – ne peut jamais être aussi affreuse pour un Dieu que pour un homme. Le Dieu, lui, s’en relèvera… »
    Extrait de Dürrenmatt dessine, pp. 11-12. Editions Buchet-Chastel, 2007.
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    Crucifixion I (Encre, 1939 ou 1942); Crucifixion II (Encre, 1975); Crucifixion III (Encre, 1976) 

     

  • Cosmos au notoscope

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    ONFRAY Michel. Cosmos. Flammarion, 565p.

     

    -      En sous-titre:  une anthologie matérialiste.

    -      Premiertome d'une trilogie intitulé Brève encyclopédie du monde.

    -      Ce premier tome propose une "philosophie de l'histoire".

     

    -      Préface. La mort. Le cosmos nous réunira.

    -      Evoque la mort de son père "dans ses bras".

    -      Né quand son père avait 38 ans.

    -      Donc pas un "père copain".

    -      Un paysan qui vivait au temps de Virgile.

    -      Fils lui-même d'un "père Onfray" qui incarnait la "parole autorisée".

    -      Quant au père de Michel, il parle peu.

    -      Lui apprend "ce que parler veut dire".

    -      Son père entretient, avec la vie, un rapport à la fois païen (paysan) et chrétien de coeur.

    -      Ne l'a jamais vu communier.

    -      Pratique un christianisme de pardon, de bienveillance et de paix, d'indulgence et debonté.

    -      Le christianisme de Jésus et non de Paul.

    -      Connaît parfaitement l'alphabet de la nature.

    -      Raconte le ciel à sonfils.

    -      "Le ciel étoilé offre une leçon de sagesse à qui sait le regarder: s'y perdre, c'est se trouver".

    -      Michel, lui, est très volubile.

    -      "Il n'avait rien, donc il possédait tout".

    -      Son père ne lit pas,n'écoute pas de musique, mais lorsque son fils lui demande où il irait s'il avait unbillet d'avion il lui répond: au pôle nord.

    -      Où son fils l'emmène aussi bienpour ses 80 ans.

    -      Mais "le Nord avait perdu le nord", et le père est un peu déçu par ce que c'est devenu.

    -      Sauf qu'il y rencontre un vieil Inuit, mi-chamane mi-pasteur, qui lui raconte ce que sa vie fut et ce qu'elle est devenue.

    -      Symbole du désastre; ces chiens empalés par les Américains après la déportation des Inuits, pour les dissuader de revenir.

    -      Puis Michel raconte la mort de son père.,un jour de l'Avent.

    -      Et conclut: "Mon père m'a transmis un héritage. Il m'invitait à la rectitude contre les chemins de traverse, à la droiture contre le zigzag, aux leçons de la nature contre les errances de la culture, à la vie debout, à la parole pleine, à la richesse d'une sagesse vécue.

    -      Et cela de très bien: "Il me donnait une force sans nom, une force qui oblige et qui n'autorise pas". (p.21)

    -       

    -       Introduction- une ontologie matérialiste.

    -      Présente Cosmos comme son premier livre,

    -      Il lui a fallu faire son deuil.

    -      Evoque ce que disent les philosophes à ce sujet, d'Epicure à Nietzsche.

    -      Mais la mort est toujours vécue de façon unique, et nul réconfort dans la parole selon laquelle "philosopher c'est apprendre à mourir".

    -      Cite en outre les 500 pages de Jankélévitch sur le sujet, dont aucune réponse n'est à tirer.

    -      Puis envisage la mort de son père sous l'aspect de l'héritage, précisément.

    -      "Transformer une catastrophe en fidélité, voilà ce que propose Cosmos.

    -       

    -       Première partie.

    -       LeTemps - une forme a priori du vivant.

    -      Présente les chapitres à venir.

    -      DansLes Formes liquides du temps, se propose de partir à la recherche du temps perdu depuis 1921, date de naissance de son père, à travers les millésimes d'un champagne.

    -      Invoque alors Bergson et Proust, les synesthésies et les correspondances chères aux poètes.

    -      Invoque aussi l'"intuition de l'instant" selon Bachelard, et cite la "poétique du grenier" ou "le parfum dominical d'un rôti", équivalents de la madeleine de Proust.

    -      Ensuite il va célébrer Les géorgiques de l'âme, en hommage à la terre, la "civilisation" des Tziganes et la culture des jardins.

    -      Parle du jardin comme l'a fait Sollers, comme lieu de convergence de la nature et de la culture.

    -       

    -      1.Les formes liquides du temps

    -      Le temps perçu comme "vitesse de la matière".

    -      Là encore les philosophes ont glosé à n'en plus finir, mais lui voudrait parler d'un temps personnel.

    -      D'où son idée de viser une date précise: celle de l'années de lanaissance de son paternel, 1921.

    -      "J'avais envie de partir à la recherche du temps non pas de façon conceptuelle, nouménale, mais sur le mode nominaliste. Je voulais un temps perdu, et non le temps perdu. Je n'avais pas encore vu mourir ma compagne, sinon j'aurais probablement eu envie de retrouver un temps qui aurait été le nôtre, ici ou là, dans des espaces vécus, dans des lieux arpentés, dans des durées taillées dans le marbre de deux mémoires devenues une".

    -      Au lieu de cela, il part donc de 1921, dont il détaille les événements survenus cette année-là,où il voit une bascule entre deux mondes. (p.36)

    -      Très bien tout cela: naturel et lesté d'émotion vraie.

    -      Evoque ensuite une visite en Champagne, au début2012, avant la mort de sa compagne.

    -      Parle de sa découverte du domaine de Dom Pérignon, et de sa rencontre du maître des lieux,Richard Geoffrey.

    -      Rappelle son livre sur La raison gourmande, dans lequel il parlait des "communautés de principes".

    -      Qu'il trouve par exemple, au XVIIE-XVIIIe, entre Watteau et Vivaldi ou Dom Pérignon, "artistes de la joie".

    -      Le13 décembre, après la mort de son père, MO se rend en Campagne où des amis connaiseurs lui ont préparé une dégustation"biographique", suivant les dates de sa vie et de sa carrière, en remontant le temps, de 1959 à l'année de naissance de son père.

    -      Suivent des pages détaillées sur cette dégustation.

    -      "Le présent de la dégustation fonctionne comme un exercice spirituel".

    -      Mouais.

    -      "Le vin est la preuve de l'existence du corps".

    -      Et c'est parti pour des pages où l'on célèbre les millésimes les yeux au ciel.

    -      Pages rasantes à mon goût...

    -       

    -      2.Les géorgiques de l'âme

    -      "Plus je lis, plus je constate que le dictionnaire constitue le livre des livres".

    -      Où la boutade de Cocteau devient sentence qui se discute...

    -      Et cette autre bourde: "Rien d'obscur ne demeure après consultation du bulletin de naissance sémantique d'un mot"...

    -      Comme si l'étymologie épuisait les polysémies et l'invention poétique multiforme !

    -      Relie ensuite les termes de "culture" et d'"agriculture", non sans pesanteur.

    -      Oppose ensuite la culture du paysan (paganus= païen) et la "folie monothéiste".

    -      Et cette conclusion non moins sentencieuse: "L'intelligence mythologique surpasse en raison le délire théologique".

    -      On ouvre ensuite les Géorgiques de Virgile.

    -      Puis on va consulter Le Théâtred'agriculture et ménage des champs d'Olivier de Serres.

    -      Derechef un côté Bouvardet Pécuchet entre sarcloret et binette...

    -      Où l'on voit "une fois de plus" que l'agriculture "prouve son avance sur la culture"...

    -      Versant idéologique de l'avancée en question:"De Virgile à Olivierde Serres (1539-1619) on passe du "polythéisme amoureux au monothéisme fasciné par la mort"...

    -      La culture est alors pointée comme "l'art d'une contre-nature".

    -      Mais le dépassement de cette situation peut se faire par l'exemple du paysan.

    -      "Lepaysan donne la matrice à toutphilosophe de ce nom. Le penseur des villes n'arrive pas à lacheville du penseur des champs".

    -      GustaveThibon le disait aussi mais de façon bien moins dogmatique, en vrai paysan-philosophe...

    -      MO emprunte l'expression "géorgiquesde l'âme" à Bacon.

    -      D'après lui, la culture "digne de ce nom" doit se constittuer comme un beau jardin.

    -      "Un rapport sain, apaisé, joyeux, courtois avec soi, les autres et le monde".

    -      Et pour compléter cet idyllique tableau: "Dompter l'animal sauvage sans le détruire, le conduire vers la sublimation de ses forces primitives".

    -      On voit Michel Onfray domptant la panthère et poussant la murène à sublimer ses forces primitives...

    -      Alors d'en appeler à la sage éthologie, Jean-Henri Fabre à l'appui, avant Jean-Marie Pelt.

    -      Dixit Bacon: "On ne triomphe de la nature qu'en lui obéissant". 

    -      Où l'on voit que la digue, le pare-avalanche et l'alerte au tsunami relèvent de la désobéissance naturelle...

    -      De l'éthologie, on passe ensuite à la neurobiologie-pour-tous.

    -      "L'imprégnation placentaire est le moment généalogique de l'être".

    -      Et ceci: "La vie intra-utérine offre déjà une possibilité de dressage neuronal".

    -      Parents, préparez le"jardinage neuronal" de Baby !

    -      Et ceci encore: "La culture suppose donc une sollicitation neuronale constituée d'émotions hédonistes".

    -      Et cela retombe dans le manichéisme polémique: "Les invites chrétiennes à détester la Femme pour lui préférer l'Epouse et la Mère, deux figures anti-érotiques par excellence, condamnent toute chair à la mort". (p.71)

    -      Selon lui,la culture urbaine serait essentiellement fauteuse de mal.

    -      Trace une filiation de Diogène à Nietzsche, via Montaigne, qui "pense la nature non comme une matière à détruire mais comme une force à dompter".

    -      Autre simplification relevant de la vulgarisation à bon marché.

    -       

    -       3.Après demain, demain sera hier.

    -      Après la célébration du vin et du jardin, voici celle de la "civilisation tzigane".

    -      Michel Onfray y voit "La tribu des temps préhistoriques",réalisant le même idéal socio-culturel que Raoul Vaneigem prête à l'hommedu néolithique et que la civilisation monothéiste a génocidée...

    -      "Les Tziganes sont ce que nous fûmes" en leur "clarté ontologique" qui est aussi "temps de la chevelure sale en broussaille mais temps de l'authenticité métaphysique". 

    -      Suit une évocation puissamment édifiante de la journée du gadjo, fondamentalement aliéné et voué au nihilisme existentiel, en opposition absolue avec la journée merveilleuse du Tzigane, toute d'équilibre naturel et proche du hérisson son ami.

    -       La "grande et belle civilisation orale tzigane a fleuri pendant des siècles"au gré d'un temps où "lecycle est cycle des cycles".

    -      Et cette phrase d'anthologie du Grand Sottisier Sempiternel: "Ce sont bien sûr les temps de la nature naturante et de la nature naturée".

    -      On grave cela dans le marbre.

    -      Sur quoi l'évocation d'une chasse au hérisson, menée conjointement par un Tzigane authentique (bonus) et un Tzigane inauthentique (malus) nous conduit au summum de cette célébration idéalisée non moins que "libertaire" de la civilisation tzigane ethnocidée par l'abominable chrétienté.(p.95).

    -      Tout cela, après les belles pages du début de Cosmos, fleurant (un peu) la démagogie et la jobardise intellectuelle. Dommage. On espère mieux de la suite...  

    (À suivre...)

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  • Monsieur Bonhomme en Tunisie

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    Flash-back sur le premier reportage de JLK, 23 ans, paru le 21 juin 1970 dans La Tribune de Lausanne…

    Après un atterrissage en douceur, et quelques formalités, la masse des vacanciers est dirigée vers les différents hôtels de la région de Sousse, où elle passera de quiètes vacances balnéaires. De son côté, le groupe du circuit se réunit autour de son guide et de son chauffeur, deux jeunes Tunisiens sympathiques. Le groupe est très réduit, ce qui se révélera fort agréable : trois couples romands, deux véritables jeunes filles suissesses alémaniques, et autant d’appareils photographiques et autres caméras, prompts à capter l’unique souvenir. Tous ont choisi le circuit parce qu’ils désiraient voir autre chose que les seules plages du pays, tous sont venus sur recommandation de leurs amis, tous montrent un désir louable de connaître d’autres paysages, un mode de vie, un peuple différent. L’expérience promet d’être passionnante…

    Deux mondes face à face

    La première étape nous conduit à Kairouan, à travers de grandes plaines cultivées qui ont terriblement souffert des inondations de l’automne passé. Mohsen, notre guide, nous explique que les grands lacs que nous détournons ne sont nullement des preuves de richesse en eau, mais bien plutôt les derniers vestiges d’une catastrophe nationale. D’emblée, mes compagnons sont ainsi confrontés à une réalité qui leur apparaîtra bien souvent : le sort difficile réservé aux Tunisiens par les invasions successives, le colonialisme et les fléaux naturels; le contraste souvent violent entre la désolation et la luxuriance, la pauvreté et le luxe.

     

    Jusqu’à la ville sainte, qui nous apparaît dans une brume surréelle, Mohsen ne cesse d’énumérer, chiffres à l’appui, les réalisations nouvelles de son pays sur le plan de l’agriculture, de l’industrie ou de l’enseignement. Les touristes applaudissent, déjà séduits par cet essor qu'il eur rappelle la belle prospérité de leur patrie. A Kairouan, nous descendons dans un hôtel somptueux, plein de fleurs et de jets d’eau, le premier de la chaîne de haut standing que nous visiterons successivement. Pour les vacanciers, l’hôtel est un élément important. S’ils acceptent de traverser des tempêtes de sable en autocar, s’ils s’intéressent aux coutumes des troglodytes, ils n’exigent pas moins que leur linge soit blanc, leurs salles de bains miroitantes et la climatisation de leur chambre parfaitement réglée. De palace en faux palace, ils collectionneront précieusement les prospectus colorés témoignant de leur passage dans des établissements qu’ils n’auraient pu sepayer individuellement. 

     

    Même chose pour la nourriture, qui doit être un irréprochable compromis entre les plats européens et les mets du pays. Ainsi,les touristes ne seront-ils pas trop brutalement arrachés à leurs habitudes et à leur confort, ainsi en auront-ils pour leur argent. Un peu moins de mille francs suisses: telle est la somme qui permettra à mes compagnons de découvrir le pays lors de la semaine qui vient, puis de séjourner huit autres jours dans une station balnéaire. 

    Tunisie1.JPGLe « circuit »

    De Kairouan à Tunis, en passant par la côte, les steppes, le désert, la montagne et les plaines verdoyantes, le circuit est remarquablement varié. Ordinairement, il s’effectue avec un autocar d’une trentaine de personnes, ce qui complique passablement la tâche du guide, et rend le programme plus rigide. Pour nous au contraire, l’horaire peut se modifier, et s’il prend à l’un la fantaisie de vouloir s’arrêter afin de voir une chose particulière, Habib le chauffeur stoppe volontiers. De cette façon, le voyage devient une sorte de randonnée familiale, où chacun peut trouver ce qui lui plaît. Cependant, les étapes sont bien prévues, et les curiosités scrupuleusement décrites par Mohsen. 

     

    Toujours à Kairouan le deuxième jour, nous visitons ainsi la Grande Mosquée, le monastère du Compagnon de Mahomet, le bassin des Aghlabides, un magasin de tapis, une jeune artisane à son métier, et les souks, tout cela en une matinée. Sans même se livrer à un marathon, le touriste picore ainsi de place en place, prenant de chaque chose le cérémonieux clic-clac. Et tandis que l’un choisit le tapis de ses rêves, l’autre s’affuble de la chéchia, qui le désignera définitivement comme étranger. Mais le voyage ne fait que commencer. 

    La prochaine étape nous conduit à Sfax, ville portuaire et industrielle, en passant par le grand amphithéâtre romain d’El Djem, où l’une de nos compagnes rencontre son premier chameau. Séduite, elle s’en payera un en peluche deux étapes plus loin. De Sfax, où nous sommes réveillés par la prière du muezzin, nous poursuivons notre route vers le Sud. Les oliveraies font place aux eucalyptus, la végétation se raréfie. Dans une région de steppes brûlées par le soleil, alors qu’un groupe de femmes s’affaire autour d’un puits, j’entends ces propos savoureux : à Mohsen expliquant que l’eau est la plus" grande richesse du pays, un touriste fait remarquer : « En fait, pour vous, l’eau c’est l’argent ! » Et Mohsen de répondre : « Non, c’est la vie... » 

    La vie, nous la retrouvons à Gabès, l’oasis bien connue des envahisseurs coloniaux et touristiques. Après les chants de la Légion, la palmeraie connaît la ronde quotidienne des calèches à la promenade. Près du bassin d’irrigation, des gamins nous offrent des abricots : « Moins beaux qu’en Valais, mais tout aussi bons ! » s’exclame notre chauvin de service. 

    Ce besoin de se raccrocher sans cesse à des choses qu’il connaît, le touriste le montre souvent. Devant une ruine, il s’écriera : « Eh !Valère... » Pour une usine, ce sera : « Ah ah ! les câbleries de Cossonay... » A l’endroit d’un beau paysage : « Comme du  temps de Jésus !... » Ou encore, en traversant un bidonville : « Que c’est typique ! » 

     

    Comme au cinéma… 

    Mais cela est bien compréhensible. En quelques heures, mes compagnons ont changé de monde, passé d’une petite vie tranquille et bien ordonnée, à une véritable aventure. Le bac paisible qui nous fait traverser le bras de mer de Djerba, devient radeau de la Méduse, et le désert que nous approcherons les jours suivants, se déchaînera un instant pour la traditionnelle tempête de sable. 

    Tunisie3.JPGAprès Djerba, nous sommes à Matmata. Matmata, c’est un plateau montagneux, un paysage lunaire dans lequel se sont réfugiés jadis quelques tribus berbères. Aujourd’hui encore, ceux-ci vivent dans leurs maisons troglodytiques, subsistant d’agriculture ou travaillant à la « Nouvelle Matmata» équipée d’installations modernes. Femmes très belles, hommes fiers, les habitants de l’ancien Matmata mènent une existence équilibrée, simple mais riche de sa simplicité. 

    Dans l’hôtel des cavernes, parfaitement aménagé, nous avonsle loisir d’admirer leurs danses folkloriques, nullement altérées par la vogue touristique du lieu. D’une jeune pécore de la banlieue parisienne, faisant partie d’un « club » en excursion, j’entends pourtant cette remarque hautement significative de la sensibilité et de la culture de la personne : « Quoi, lestroglos, c’est leurs prolos... » 

     

    Les «veaux» et les autres 

     

    Cette mentalité affligeante, on a tendance à la prêter à tous les touristes, sans distinction. En réalité, tous ne sont pas des veaux,tous ne suivent pas le guide sans se poser de questions, et ceux quej’accompagne m’en ont donné la preuve rassurante. Non, ils ne se sont pas préparés au voyage. Pas de livres compilés, très peu de connaissances de l’histoire, de la situation actuelle du pays. Pourtant, le choix de ce circuit leur impose des contraintes, a supposé de leur part une certaine ouverture d’esprit. Pour eux, plus que pour les amateurs de plages, la Tunisie représentera quelque chose. 

     

    Et puis, au fil des conversations qui s’échangent à tous propos dans notre mini-car, une compréhension meilleure des grands problèmes tunisiens aura été possible. Des veaux, les ruines de Carthage en regorgent, semblables à ceux de l’Acropole et du lac des Quatre-Cantons. Mais à Nefta, l’oasis merveilleuse qui déverse ses sources à la frange extrême du Sahara, je n’ai vu que des touristes attentifs, et curieusement troublés par le contrasteinsolent du palace des mille et une nuits dominant le très pauvre bled. 

    Tunisie7.jpgA Nefta, le prix de la construction de cet édifice eût suffi à repourvoir l’économie de toute la région. De cette réalité, les touristes du circuit ont pris conscience, et ce n’est pas négligeable. Au fur et à mesure qu’ils s’y acclimataient, mes compagnons tendaient à chercher plus de contact avec les gens, posaient des questions plus précises, montraient qu’ils n’étaient plus tout à fait à « l’étranger ».

     

    Du désert au Hilton 

    En six jours, le circuit d’Hotelplan nous a montré de nombreux aspects de la Tunisie : déserts aux serpents effrayant les jeunes Suissesses allemandes, villages et villes grouillant d’enfants et d’adolescents, campagnes ravagées par les inondations, mais partout restaurées (il faudra cinq ans auxTunisiens pour effacer les traces du sinistre), scènes pittoresques de toutes sortes, marchés de chameaux, bédouins; potier à l’ouvrage, souks - autant d’images que chacun se repassera bientôt dans le secret de son souvenir. 

    Tunisie25.jpgDes 52 degrés au soleil de Nefta à la fraîcheur des montagnes de Kasserine, de l’oued bondé de gosses en guenilles, au café des Nattes du marché aux minets de Sidi Bou Saïd, les touristes, ont vu ce qui se laissait voir. Peut-être diront-ils qu’ils ont «fait» la Tunisie. Peut-être se limiteront-ils à cette vision encore flatteuse et lointaine d’un pays fascinant, à connaître en profondeur. Du moins auront-ils pris la peine d’entrouvrir une première porte, d’enlever un instant leurs œillères.

    (Ce reportage a paru dans les colonnes du supplément dominical de  La Tribune de Lausanne, le 21 juin 1970.)

  • Le cosmos jardiné

     

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    À propos de la lecture de Cosmos, "premier livre" de Michel Onfray. 

    Je me trouve assez partagé à la lecture de Cosmos de Michel Onfray, entre l’attention sympathisante que suscite son premier hommage au père disparu, dont il célèbre la noblesse discrète de sage paysan, et l’agacement devant la présentation ronflante de son projet « cosmique », m’évoquant un peu Bouvard et Pécuchet en leur plan de jardiner l’univers. 

    L’auteur parle de son « premier livre » alors qu’il en a publié plus de quatre-vingt, et je le lis en effet comme un premier livre vu que tout ce que j’ai lu jusque-là (ou entendu à la radio) de ce brave prof de philo catapulté penseur médiatique mondial, m’a toujours laissé sur ma faim, à commencer par son si sommaire et péremptoire Traité d’athéologie me rappelant si fâcheusement les écrits non moins simplistes d’un Raoul Vaneigem (auquel il est d’ailleurs dédié) ou le scientiste Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins, tellement moins subtils et pénétrants que La Folie de Dieu d’un Peter Sloterdijk. 

    Cela étant, je tiens à lire Cosmos attentivement, dont les cinquante premières pages me font mieux comprendre pourquoi je vomis, aujourd’hui, le culte hédoniste esthétisant la gastronomie et divinisant les senteurs & saveurs du bon vieux terroir - tout cela qui me semble tellement affecté et, paradoxalement, si dénué de naturel.

    De fait, le long chapitre consacré à la quête « biographique » des millésimes ponctuant la vie et les œuvres de Michel Onfray, au fil d’une dégustation « sublime » entre connaisseurs titrés, m’a déjà semblé d’une complaisance narcissique et d’un pédantisme pseudo-poétique des plus douteux. 

    Ce « parcours » des meilleurs crus de champagne, suivant une remontée du temps qui vise finalement le millésime 1921, date de naissance du père du « philosophe », m’a plutôt assommé par sa surabondance de « notes » gustatives, et d’autant plus que me manquent une langue et un style – la langue et le style d’un Bachelard par exemple; me manquent une musique ou la folie d’une pensée réellement personnelle et originale, me manquent le « fruit » et la « bête » d’un Joseph Delteil puisque, aussi bien, c’est de sensualité pensante qu’il devrait s’agir là. 

    Aussi, la visée cosmique  de Michel Onfray, manque terriblement d’esprit « cosmi-comique », ou plus simplement dit: du moindre humour, et je maintiendrai, pour ma part, ses guillemets au « philosophe » tant qu’il se montrera fondamentalement si prof à la démonstration, pour ne pas dire si pion.  

    Mais il me reste 500 pages en sorte de mieux « apprécier » le ragoût…

     

    Michel Onfray. Cosmos. Flammarion, 568p.