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  • Homo Faber

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    À propos du dernier film de Richard Dindo, tiré du fameux roman de Max Frisch.

    À mon goût, c’est le plus beau film de Richard Dindo, d’une grande valeur poétique et philosophique à la fois. Bien plus qu’une illustration du roman, c’est une transposition libre, à la fois elliptique et très concentrée, touchant au cœur de l’œuvre et modulant admirablement trois portraits de femmes. À ce seul égard, et s’agissant d’une succession de plans fixes intégrés dans le flux de la narration, le travail avec les actrices est impressionnant de sensibilité et de justesse. Marthe Keller, dans le rôle d’Hanna, irradie l’intelligence sensible à chaque plan, dans tous les registres de l’extrême douceur et de la véhémence blessée, de la mélancolie ou de la lucidité. Avec la jeune comédienne Daphné Baiwir, incarnant la jeune Sabeth, Dindo a  trouvé une interprète infiniment vibrante de présence elle aussi. Sans autre dialogue que le récit modulé par le comédien Arnaud Bedouet, Dindo parvient à exprimer en images l'essentiel du roman, dans lequel le personnage d' Ivy (Amanda Roark) est également parfait. Bref, tant ces trois présences féminines que le découpage narratif des plans, le remarquable choix musical et le montage relèvent d’une poésie  inspirée de part en part, jusqu'à la sublime déploration finale rappelant la mort de Didon de Purcell. Enfin avec la variation de perception philosophique marquée du début à la fin par le protagoniste, de son positivisme initial d’homme ne croyant qu'à ce qu’il voit, à une vision plus profonde des êtres et du Temps, Richard Dindo a  restitué ce qu’on pourrait dire le sentiment du monde de Frisch, tel par exemple qu’on le retrouve dans L’Homme apparaît au Quaternaire, l’un de ses plus beaux livres. 

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    SORTIE DE HOMO FABER
     
    4 février à Genève (Grütli) 
    11 février à Neuchâtel et à la Chaux de Fonds
    11 mars à Lausanne (Cinémathèque suisse, cinéma Capitole)

     

  • Soumission au peigne fin

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    HOUELLEBECQ Michel. Soumission. Flammarion, 2015.

     

    -      Exergue de Huysmans, tiré d’En route.

     

    -      François est un type dont la « triste jeunesse » a été éclairée par « un ami fidèle », feu Joris-Karl Huysmans.

     

    -      Auquel,en 2007, il a consacré une énorme thèse de doctorat à la Sorbonne.

     

    -      800pages qui lui ont pris 7 ans.

     

    -      Rappelle la morne vie de fonctionnaire d’Huysmans.

     

    -      Pour François, un auteur est « d’abord un être humain ».

     

    -      Diablement original, ça…

     

    -      Après sa soutenance, il a rejoint le troupeau en espérant un poste de maître de conférences.

     

    -      Il apprécie l’"humour généreux » de Huysmans.

     

    -      Daube sur les études de lettres qui ne mènent nulle part.

     

    -      Sa vie sera plate et prévisible comme celle de Huysmans.

     

    -      N’a pas de vocation pour l’enseignement.

     

    -      Et n’aime pas les jeunes.

     

    -      Pas d’amis non plus.

     

    -      Juste quelques « copines » avec lesquelles « des actes sexuels ont lieu ».

     

    -      Nommé à Paris III Sorbonne, il continue de coucher avec ses étudiantes.

     

    -      A connu une Myriam, dont il s’est séparé.

     

    -      Puis une Aurélie et une Sandra.

     

    -      Va sur Youporn où les corps s’emboitent sur fond de « putain je jouis » et autres « oh God ».

     

    -      Travaille un jour par semaine, dur labeur du facultard.

     

    -      Son collègue Steve, qu’il n’aime pas trop, a signé une « vague thèse »sur Rimbaud et progresse en « broutant le minou » de la Présidente.

     

    -      Ladite Chantal Delouze dirige la Sorbonne.

     

    -      Steve ne parle que des nouvelles nominations et autres ragots de fac. Signale un jeune type qui a fait une thèse sur Bloy.

     

    -      À propos de celui-ci, François radote en le réduisant à un carriériste mondain.

     

    -      Ne dit pas en revanche que Bloy a déculotté Huysmans et jusque sur sa tombe,affirmant que « les tristes livres qu’il a laissés n’ont même plus leur ancien pouvoir d’ennuyer tant ils sont devenus indéchiffrables.

     

    -      En marge de Soumission, relire le Sur Huysmans de Bloy préfacé par Raoul Vaneigem. Me demande si MH en a connaissance…

     

    -      François a publié un ouvrage sur les Vertiges des néologismes  chez Huysmans et Bloy.

     

    -       François ne dit pas que Bloy considérait la religion de Huysmans comme « de bibelot » et « de bric-à-brac ».

     

    -      Ce qu’il dit d’un Bloy « constamment avide d’un succès commercial » est particulièrement idiot pour le pauvre Léon furieux.

     

    -      Ce qu’il dit ensuite sur les « catho-royalistes de gauche » qui divinisent Bloy et Bernanos n’est pas moins inepte.

     

    -      Il donne un cours sur Jean Lorrain dont le public principal est un groupuscule de Chinoises et quelques niqabées…

     

    -      Il est question de la nomination d’un certain Robert Rediger à la tête de la Sorbonne.

     

    -      Rappelle évidemment Robert Redeker, le contempteur des islamiste radicaux menacé de mort.

     

    -       Redeker « pris en otage » par MH, ensomme…

     

    -      Laprésidentielle est pour dans 3 semaines.

     

    -      En 2017, le Front national a atteint le second tour et la gauche a été reconduiteau gouvernement, avec un président socialiste dans une France massivement de droite.

     

    -      François évoque À rebours, chef-d’oeuvre de Huysmans, encensé par Maupassant.

     

    -      Il écrit dans le Journal des dix-huitiémistes.

     

    -      À propos de Myriam : « L’amour chez l’homme n’est rien d’autre que la reconnaissance pour le plaisir donné ».

     

    -      Et ceci de plus romantique encore : « Chacune de ses fellations aurait suffi à justifier la vie d’un homme ».

     

    -      Or la prénommée Myriam se repointe. 

     

    -      Qui le traite de macho. Ce qu’il assume.

     

    -      Myriam lui reconnaît « une sorte d’honnêteté anormale »…

     

    -      Ila (un peu) envie de la baiser, tout en écoutant Nick Drake. 

    -      Peu après la réélection de Hollande en 2017, Mohammed Ben Abbes a annoncé la création de la Fraternité musulmane, genre islam soft. (p.50)

     

    -      Un parti musulman soutenant mollement les Palestiniens et se montrant plutôt cool avec Israël.

     

    -      David Pujadas arbitre le débat entre Ben Abbes et Marine Le Pen. 

     

    -      Qui se montrent également fans de France…

     

    -      En marge, les identitaires font du tapage ainsi que quelques jeunes djihadistes.

     

    -      Le sentiment général, en 2022, est à un certain fatalisme : Il se passera ce qu’il se passera…

     

    -      Suit un cocktail universitaire.

     

    -      Où François rencontre Godefroy Lempereur, le spécialiste de Bloy genre droite bien peignée.

     

    -      Une fusillade éclate au loin.

     

    -      On apprend que François vit dans Chinatown, avenue de Choisy.

     

    -      Des CRS passent. Qui ont l’air de se foutre de l’éventuelle émeute. Pas concernés…

     

    -      Climat d’irréalité.

     

    -      Lempereur prophétise la guerre civile.

     

    -      Estime que l’humanisme laïc est condamné à brève échéance.

     

    -      Affirmeque l’armée française est l’une des premières du monde. 

     

    -      François pense déjà à se réfugier ailleurs.

     

    -      Le15 mai, au premier tour, le Front national enregistre 34,1 % des suffrages.

     

    -      François pense que les universitaires se croient « absolument intouchables ».

     

    -      Puis il croise Marie-Françoise Tanneur la spécialiste de Balzac.

     

    -      Dont le mari est un ancien de la DGSI (l’ancienne DST fusionnée avec les Renseignements généraux).

     

    -      LeditTanneur lui expose la situation. Selon lui les musulmans tablent sur la démographie et non sur l’économie, et vont truster l’enseignement.

     

    -      Lelendemain, François retrouve Lempereur qui lui conseille de changer de compte en banque et de se préparer à l’exode.

     

    -      À propos d’une Annelise, François décrit la « femme occidentale type », selon lui sans avenir. 

     

    -      Voit un chef-d’œuvre dans le roman En ménage de Huysmans.

     

    -      Rêve en somme d’une femme pot-au-feu.

     

    -      Evoque sa bite qui a « toujours eu de bons rapports avec Myriam ».

     

    -      Suit une scène chaude avec Myriam, qui lui apprend ensuite que ses parents vont émigrer en Israël.

     

    -      En2022, les Juifs français ne se voient plus qu’entre eux alors même que le Front national n’a plus rien d’antisémite.

     

    -      François dit ne pas s’intéresser à l’histoire.

     

    -      Myriam lui dit qu’elle aime la France. Et le fromage. Du pur Houellebecq ce genre de traits…

     

    -      Le lendemain il la renfile et lui arrache un « mon chéri, mon chéri », puis elle part en Israël. 

     

    -      Mohammed Ben Abbes annonce le résultat de ses négociations avec le PS.

     

    -      Les médias sont hypnotisés.

     

    -      MarineLe Pen convoque une manif monstre sur les Champs.

     

    -      La famille juive de Myriam est une tribu bien soudée.

     

    -      Alors que François le constate tristement : « Il n’y a pas d’Israël pour moi »…  

     

    -      Marinele Pen en appelle à une insurrection populaire.

     

    -      BenAbbes, lui, propose un débat cool sur la laïcité.

     

    -      « LaFrance, comme les autres pays d’Europe occidentale, se dirigeait depuis longtemps vers la guerre civile, c’était l’évidence ».

     

    -      Toutcela manque quand même de consistance et d’arrière-plan sociaux et politiques. 

     

    -      Le lendemain la Sorbone affiche fermé et 2 millions de personnes défilent entre les Tuileries et la Concorde.

     

    -      François pense déjà « couvre-feu » et vise, avec Huysmans, le « chemin d’une résignation partielle ».

     

    -      Le29 mai, il quitte Paris en Volkswagen Touareg.

     

    -      Onvoit ça d’ici…

     

    -      Surune aire d’autoroute, découvre une boutique de station-service explosée, dontla caissière est morte. Il enjambe le cadavre « à contrecoeur » et fauche au passage un sandwich thon-crudités et un guide Michelin.

     

    -      Puis avise deux jeunes Maghrébins également flingués. 

     

    -      Se dit que « quelque chose «  se passe en France, mais quoi ?

     

    -       Va rallier Martel et Rocamadour.

     

    -      Apprend que divers incidents ont été signalés dans l’Hexagone. Puis, dans un village du Lot, tombe par hasard sur Tanneur l’ancien de la DGSI.

     

    -      Qui ne voit pas la main des musulmans derrière les « incidents », mais plutôt les identitaire fascisants et autres jeunes djihadistes énervés.

     

    -      Tanneur pense que le véritable agenda de l’UMP et du PS, en 2022, est de fondre la France dans le giron d’une fédération européenne.

     

    -      Le 31 mai, le front républicain (UMP et socialistes) se rallie au candidat musulman, qui rafle la mise.

     

    -      FrançoisBayrou, « appuyé sur son bâton de berger », sera premier ministre de Ben Abbes.

     

    -      Tanneur trouve ce choix très futé, voyant en Bayrou le comble de la stupidité avide de pouvoir personnel.

     

    -      « Les catholiques avaient pratiquement disparu » en 2022.

     

    -      Tariq Ramadan, taxé de crypto-trotzkisme, a perdu tout crédit au profit de la mouvance « humaniste ».

     

    -      Ben Abbes prône la restauration de la famille, de la morale traditionnelle et du patriarcat.

     

    -      Les « momies progressistes » de Mai 68 vont râler, mais les médias de centre-gauche s’aligneront…

     

    -      Le vétéran espion Tanneur voit en Ben Abbes un véritable homme d’Etat, qui a une vraie vision historique à la Mitterrand. 

     

    -      François,lui, a transféré son compte en banque et ne sait pas trop que penser de tout ça. 

     

    -      Après100 pages assez plates, d’une moquerie plutôt facile, le roman devient plus amusant et plus consistant aussi… (p.150)

     

    -       Ben Abbes n’a rien à voir avec les fondamentalistes, affirme-t-il.

     

    -       Il lui parle du Moyen Âge chrétien et lui recommande de faire le voyage de Rocamadour.

     

    -       Puis il se met à lui réciter des strophes entières de Péguy.

     

    -       Selon lui le poète qui a le mieux compris le Moyen Age chrétien.

     

    -       François est « un peu » intéressé.

     

    -       Il va donc faire le pèlerinage.

     

    -       En Israël, une branche dissidente du Hamas a repris les attentats.

     

    -       Il se rend donc à Rocamadour.

     

    -       Devant la Vierge noire, il médite sur ce qui distingue le style roman, serein, du gothique plus pathétique. (p.167)

     

    -        Entretemps les élections législatives ont eu lieu à Paris.

     

    -       Il assiste encore à une lecture publique consacrée à Péguy.

     

    -       Puis se retrouve devant la Vierge chez laquelle il décèle « quelque chose de mystérieux, de sacerdotal et de royal ».

     

    -       De retour à Paris, il retrouve les problèmes quotidiens, et notamment une lettre de l’administration relative à la mort de sa mère, qui le contrarie.

     

    -       Apprend que cette « putain névrosée » est morte toute seule, et se demande ce qu’est devenu son chien.Puis il va faire un tour dans le quartier.

     

    -       Constate que les robes et les jupes ont disparu.

     

    -        Plus possible de contempler le cul des femmes.

     

    -       Mauvais point pour le nouveau régime.

     

    -       Puis il apprend que son enseignement a été supprimé et qu’il va toucher une retraite confortable.

     

    -       Retrouve la Sorbonne islamisée.

     

    -       Où il croise Steve qui va donner un cours sur Rimbaud où il insistera sur la conversion du poète à l’islam.

     

    -       Le salaire de Steve a triplé et il aura bientôt droit à deux épouses.

     

    -       Myriam s’étant éloignée à l’horizon, François a recours à deux escort girls, une Nadia la beurette et une Babeth la salope.

     

    -       Puis la compagne de son père lui annonce la mort de celui-ci.

     

    -       Il va devoir s’occuper de l’héritage.

     

    -       Apprend que la fin de vie de son paternel, dont il n’avait que foutre,  a été « sympa ».

     

    -       Suit l’état de grâce de Ben Abbes.

     

    -       Dont les réformes visent à rendre « toute sa dignité à la famille, cellule de bas de la société.

     

    -       Ben Abbes, en outre, prône un nouveau système économique, de type anti-capitaliste, imité du distributivisme cher à G.K. Chesterton et Hillary Bellocq.

     

    -       Cependant François se gratte pour des problèmes de peau.

     

    -       En janvier, il va si mal qu’il a une grosse crise de larmes.

     

    -       Puis il va faire une retraite au monastère de Ligugé, où Huysmans a séjourné jadis.

     

    -       Cela se passe moyennement vu l’interdiction de fumer en cellule.

     

    -       Il pense au côté féminin du christianisme, décrié par « cette vieille pétasse » de Nietzsche.

     

    -       Se moque d’une brochure édifiante qu’on lui a remis, de style new age.

     

    -        Quand il revient à Paris, constate que le Figaro loue le nouveau régime sous l’angle du luxe et de l’immobilier.

     

    -       Ouis il rencontre Bastien Lacoue, un ancien collègue devenu patron de la collection La Pléiade chez Gallimard.

     

    -       Lequel lui propose d’assurer l’édition de Huysmans en Pléiade.

     

    -       On l’invite ensuite à un raout à la Sorbonne, sous l’égide des Saoudiens.

     

    -       Après quoi Rediger l’invite chez lui, dans la maison où a vécu Jean Paulhan et où Dominique Aury a écrit Histoire d’O.

     

    -       Pour Rediger, le roman érotique est une bonne métaphore de la soumission de la femme à l’homme, comme l’homme devrait se soumettre à Dieu.

     

    -       Rediger est l’auteur d’une thèse sur Guénon et Nietzsche

     

    -       Rediger, qui admira la thèse de François, lui dit qu’il « le veut ».

     

    -       Se lance dans un réflexion contre l’athéisme, invoquant la croyance de Newton et même d’Einstein, au nom d’une sorte de déisme universaliste qui s’accommoderait de l’islam.

     

    -       Voit en le Coran un immense poème de louange.

     

    -       Cocasse quand on se rappelle les invectives de Redeker contre le Coran fauteur de violence…

     

    -       Evoque le « retour du religieux » comme une raison d’adhérer à l’islam modéré. Selon lui le christianisme est dépassé.

     

    -       Remet à François un ouvrage de vulgarisation sur l’islam qu’il a composé et vendu à des millions d’exemplaires.

     

    -       François aborde la question de la polygame et de l’inégalité entre les hommes.

     

    -       Rediger lui explique que Mahomet n’est pas à l’origine de la lapidation ni de l’excision, mais a prôné l’affranchissement des esclaves et l’égalité entre les hommes, étant entendu que la femme reste soumise à l’homme Quant à l’inégalité entre les hommes, elle participe de la sélection naturelle. Les plus intelligents et les plus instruits sont placés plus haut que les autres.

     

    -       Rediger et Ben Abbes préparent en somme le réarmement moral de l’Europe fondé sur le rejet de l’athéisme et de l’humanisme, la soumission de la femme et le retour au patriarcat, le rejet du mariage homosexuel, de l’avortement et du travail de la femme.

     

    -       François n’est pas sûr de ne pas être tenté par tout ça. 

     

    -       De plus en plus flagada question sexe, il se dit qu’en somme la chasteté n’est pas mal non plus.

     

    -       Puis il se rappelle les « plaisirs simples » prônés par Huysmans, genre gouter entre amis, bons cigares et bons bouquins. 

     

    -       Rediger le tente en outre en vantant la « haute valeur érotique » d’un prof d’université dont le savoir tiendra lieu de sex-appeal…

     

    -       Bref François est prêt à se convertir à l’islam comme Huysmans a fini par se convertir au catholicisme sous les ricanements véhéments de Léon Bloy – ce que MH se garde de préciser.

     

    -       Et voilà pour ce drôle de roman, typique en somme d’une drôle d’époque.

     

    -       Houellebecq islamophobe ?

     

    -       Nullement. Evidemment ironique, simplifiant à l’excès un islam acclimaté, mais pas irrévérencieux pour autant.

     

    -       Jusqu’à quel point s’identifie-il à son protagoniste ? Je n’en sais rien et m’en fiche.

     

    -       François est à la fois effrayant de veulerie et touchant, du genre loque affective et caricature de lettré exsangue. 

     

    -       Gilles Kepel, spécialiste du monde arabo-musulman, trouve le roman remarquable par sa façon de cadrer l’arrière-plan de la « fachosphère » identitaire et la « frérosphère » musulmane à variantes salafistes. Cf. son papier enthousiaste dans L'Obs du 8 janvier.

     

    -  Je trouve, pour ma part, que ces aspects sont au contraire édulcorés et mal filés du point de vue narratif.

     

    -       Le roman reste une fable peu incarnée, parfois comique et parfois pénétrant, mais finalement du second rayon houellebecquien...

     

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  • Ceux qui font assaut de pureté

     

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    Celui qui demande le coussin de parole pour s’adresser aux masses / Celle qui réclame une autorité de surveillance en sorte de « traiter » les impurs / Ceux qui ont le sang pur et se sentent tout drapeau / Celui qui exige une Marseillaise pour initier chaque petit beur / Celle qui réclame le rétablissement de la peine de vie / Ceux qui sont descendus dans la rue pour se voir à la télé / Celui qui fait sienne la pensée de Simone Weil (philosophe notoirement impure du fait de sa double qualité de juive et de zélatrice du Christ) selon laquelle « la pureté est le pouvoir de contempler la souillure » / Celle qui sait d’expérience que la réalité du monde est impure / Ceux que dans la tradition de l’islam on appelle « les gens du scrupule » / Celui qui tel le soufi Abû Yazîd al-Bistâmi est sûr de ne jamais parvenir à la pureté sans cesser de s’imposer les plus intenses exercices spirituels  / Celle qui s’est réclamée de l’impur lorsqu’elle a appris que son oncle Usâma Ben Laden avait fait de la pureté une arme de destruction massive / Ceux qui se souviennent du désespoir de la belle Wafâ ‘ Dufour qui rêvait de devenir pop star aux States pendant que son oncle Usâma Ben Laden fomentait les attentats dont elle apprit la nouvelle lors d’un voyage en Suisse – « Cette nuit-là, j’eus le désir de m’envoler et de disparaître à jamais dans la stratosphère » / Celui (Albert Caraco, philosophe juif aussi méconnu que génial) dont la mère scotchait les mains afin qu’il ne se touche point en son enfance / Celle que ses frères ont cloîtrée dès ses premières menstrues / Ceux qui estiment que « tout est pur pour ceux qui sont purs » comme le dit à peu près saint Paul mais pas tout à fait si vous en croyez Augustin et ensuite c’est plutôt le contraire mais pas toujours / Celui (le soufi Abû Yazîd) qui estime que le sang menstruel des femmes les purifie alors que les hommes restent impurs même en versant le sang des autres /  Celle que le tchetniks ont violée après qu’elle a prétendu (dans un journal impur publié en Allemagne ) que les Bosniaques n’étaient que des Serbes islamisés / Ceux qui au nom de la limpieza de la sangre ont justifié les bûchers de l’Inquisition catholique / Celui (Abdelwahab Meddeb, mort à Paris le 6 novembre 2014) qui affirme que « le fantasme du pur inaugure le mal moderne » / Celle  qui rappelle à ses élèves que la nazis ont fait du juif le signifiant de l’impureté / Celui qui appelle Axe du Bien sa justification de prédateur / Celle qui estime que son argent participe d'un coeur pur / Ceux qui par dévoiement islamique voient en les « judéo-croisés » les agents actuels de la pollution universelle appelant un nettoyage divin abolissant l’humanité de l’humain / Celui qu’on pourrait dire un djihadiste du souverainisme français / Celle qui espère que Dieudonné ne donnera point de gage aux diables impurs / Ceux qui rappellent le verset coranique considérant la « mêlée » des peuples comme une donnée engageant la reconnaissance mutuelle dans la préservation des différence, à savoir : « Nous vous avons créées d’une mâle et d’une femelle et avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous vous connaissiez mutuellement » / Celui qui a constaté que plus une eau était pure et que moins elle contenait de poissons / Celle qui est restée pure et chaste sans se voiler la face / Ceux que la conviction d’être plus purs que les autres dessèche et racornit comme des caricatures de Suisses, etc.

     

  • Anne Cuneo la lutteuse

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    Femme de coeur et de cran, romancière très appréciée du grand public pour ses sagas scrupuleusement documentées (l'un des rares auteurs suisses à avoir dépassé les 100.000 exemplaires) Anne Cuneo nous a quittés hier à l'âge de 78 ans. 

     

    Le mélange des tribulations personnelles et des convulsions de notre époque imprègne l'oeuvre d'Anne Cuneo, principalement dans sa première partie à caractère autobiographique. Dans le sillage d'autres femmes de grand mérite, telles Alice Rivaz ou Yvette Z'Graggen, Anne Cuneo a vécu l'émancipation de la femme du triple point de vue existentiel, littéraire et politique, non sans s'imposer comme l'un des auteurs suisses les plus lus et les plus traduits du moment. 

     

    Les difficultés n'ont pas été épargnées, et dès son plus jeune âge, à celle que la mort tragique du père antifasciste (en 1945), l'exil et le cancer marqueront à travers les années, entre autres épreuves surmontées avec autant de détermination que d'énergie dans le travail tous azimuts du journalisme, de l'écriture romanesque et théatrale, mais aussi du cinéma. De façon très remarquable, elle a su déjouer à sa façon les problèmes du déracinement et de l'identité en poussant à l'extrême le particularisme helvétique du multilinguisme puisqu'elle ajouta, à sa langue maternelle, la pratique professionnelle du français, de l'allemand et de l'anglais. Journaliste de métier, figure bien connue de la télévision romande, chroniqueuse à 24 Heures de la vie alémanique et zurichoise (elle vivait dans le quartier populaire du Niederdorf), Anne Cuneo avait tiré, de sa pratique journalistique, le souci d'une écriture claire et simple, coupant court à toute ornementation littéraire pour transmettre au lecteur les éléments de son observation ou de son émotion.

     

    Le projet d'Alice Rivaz, grande dame non moins engagée de la génération précédente, d'assumer pleinement une écriture de femme sera vécu, par l'auteure de Gravé au diamant (1967), l'un de ses mémorables  premier livres, dans une intense présence au monde et sur les multiples fronts de l'écriture-exorcisme, du roman historique ou policier, entre autres.

     

    Née à Paris en 1936 dans un milieu cultivé opposé au fascisme mussolinien, passée d'Italie en Suisse après la mort de son père, Anne Cuneo a connu, dès son adolescence à Lausanne où sa mère fut obligée de la "caser" dans un internat catholique où, pauvre, elle faisait à la fois office d'élève et de servante, les conflits de classes qu'elle théorisera plus tard en bonne marxiste de ces années-là.

     

    Lorsqu'elle s'explique,en 1971, sur ce qui la pousse à écrire, Anne Cuneo se campe dans une posture à la fois défensive et intraitable,en contraste avec le ton souvent éthéré des lettres romandes dominées par les figures du prof et du pasteur.

     

    "Je me suis toujours considérée comme un reflet (un des reflets) du groupe social dans lequel je vis", affirme-t-elle alors avant de préciser: "reflet d'une situation, je ne pouvais me faire que miroir. Je ne pouvais pas écrire n'importe quoi. Il y a un ordre d'urgence. Quoi que cela me coûte, le temps presse trop pour que je chante les pommiers en fleurs, la pleine lune qui, réellement, me brûle et me tord. L'urgence ,ce sont les problèmes quotidiens".

     

    Dans La Vermine datant de la même époque où je la revois présenter les oeuvres de Chester Himes ou de Scott Fitzgerald dans un cercle d'étudiants progressistes impatients de se cultiver hors de la grisaille académique, elle parle au nom des laissés-pour compte de la nouvelle société d'abondance, de même qu'elle introduira le thème des immigrés dans le diptyque du Portrait de l'auteur en femme ordinaire (1980-82).

     

    Entretemps, son témoignage personnel "en situation" aura cristallisé, après une très attachante chronique de ses premières années lausannoises intitulé Le Temps des loups blancs,  dans Une cuillerée de bleu (1979) évoquant le cancer qui l'a frappée et sa découverte de la médecine "de classe". 

     

    Dès la fin des année 80, la romancière va se déployer dans les plus grandes largeurs de romans-enquêtes historiques très documentés, retraçant les trajectoires de personnages d'exception méconnus du grand public, tel le virginaliste Francis Tregian (dans Le Trajet d'une rivière) ou l'imprimeur Antoine Augereau dans Le maître de Garamond, un troisième "pavé" se trouvant consacré, sous le titre d'Objets de splendeur, à Shakespeare et son époque.

     

    D'inégale densité, tant sous l'aspect du contenu que de l'écriture, l'oeuvre d'Anne Cuneo témoigne, avec sincérité et batailleuse vigueur -notamment dans ses écrits les plus personnels, tel le journal d'une grossesse non désirée dans Mortelle maladie - de la condition de la femme dans lea seconde moitié du XXe siècle, et plus encore reflète une trajectoire personnelle jamais alignée.  

  • Ceux qui se citent en bas de page

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    Celui qui estime qu’il y a trop de lettres dans le nom de Nietzsche / Celle qui citait déjà Levinas dans la cour de la maternelle / Ceux qui disent volontiers « selon mon analyse » en laissant entendre qu’ils ont derrière eux Feuerbach et Althusser / Celui qui voit en Pierre Michon l’Auteur Majuscule de la réhabilitation des humbles portés par ailleurs  sur les petites gorgées de bière du bon vieux temps / Celle qui déclare à Jean-Tertullien qu’avec lui sa vie a retrouvé ses majuscules / Ceux qui ont reçu ce Pierre Michon un soir qui a bu plus que tous les SDF invités à s’éclater / Celui qu’un écoeurement sincère (voir le rayon Sincérité au rez-de-chaussée du Bon Marché de la rue du Bac côté parfums de synthèse) saisit à chaque fois que les seuls noms de Levinas Emmanuel et d’Arendt Hannah lui sont balancés pour « élever le débat » / Celle qui lit Deguy dans son hors-bord en sorte d’oublier Debord en son orgie / Ceux qui ne citent jamais les Grands Auteurs sans préciser qu’eux-mêmes ne sont pas dupes de l’élitisme / Celui qui ne cite jamais les auteurs qu’il pille au motif que la littérature est un pot commun où personne n’a rien inventé même pas à l’époque d’Homère qu’on sait même pas s’il a existé sans parler des doutes sur Shakespeare et compagnie / Celle qui objecte à Jean-Cosme qui lui ramène toujours son Cyrulnik qu’elle demande à voir cette résilience et tout le toutim / Ceux qui ont des lettres dans leur soupe originelle / Celui qui tient Victor Segalen pour l’un des auteurs majeurs du XXe siècle sinon le plus top au motif qu’il lui a consacré plusieurs années pour sa thèse de doctorat jamais finie ni publiée ce qui prouve que l’édition actuelle est un panier de crabes / Celle qui se dit royaliste de gauche par fidélité à Ségolène / Ceux qui se citent volontiers entre eux à charge de revanche, etc.

     

    Image:Philip Seelen