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  • Filles de joie

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    Nous en avons assez des lugubres. Nous manifestons contre les sinistres. Nous exhibons nos visage et nos bras au risque d’être fouettées mais nous sommes les messagères d’un nouveau monde: sus aux rabat-joie !

    Nous irons jusqu’au bout de notre rêve de galanterie. Car c’est cela, n’est-ce pas ? qui nous disconvient dans le comportement des coléreux: c’est cette muflerie de tous les instants et cette mauvaise humeur.

    Nous sommes les fille faciles. Nous en avons soupé de la méchanceté des prétendus sages et des prétendues saintes. Ces prétendus sages et prétendues saintes s’astreignent du matin au soir et ne pensent qu’à soumettre le monde entier à ce joug, et c’est cela qu’ils appellent honorer l’Unique.

    Nous ne voulons pas de leur Dieu sombre. Nous n’aimons pas ce père sans égards. Nous attendons de Dieu qu’il sourie et qu’il nous tienne la porte à la bibliothèque ou à la disco.

    Nous n’avons aucune peur. Nous sommes les filles de l’air. Ils ne peuvent plus rien contre nous que nous violer ou nous tuer.

    (Extrait de La Fée Valse)

  • Romeo et Giulietta


    littérature,textes courts

    Romeo ne parle que de ça, vraiment ça l’obsède. Il me la faut, il me la faut, il me la faut, répète-t-il en salivant comme une bête, et ce qui suit est étrange.

    Dès qu’elle lui est livrée il se met à fréquenter les cinémas de province. La logique voudrait qu’il se montre en ville avec elle, mais pas du tout; et personne ne comprend à quoi rime le choix des toiles qu’il se paie.
    Personne n’a pigé qu’elle ne devait pas avoir de rivale.

    Personne n’a remarqué qu’il ne supportait plus les femmes à robes rouges.

    Personne ne remarque non plus que le mal qui le rongeait s’est résorbé, vu que personne n’était au courant.

    C’est grâce à elle que, de cinéma en cinéma de province, il découvre l’arrière-pays et la peinture sur le motif.

    Personne ne sait qu’il lui parle comme à un amante italienne:
    - Giulietta mia, ti voglio bene, ce genre d’inepties dont il est le premier à sourire.

    Lorsqu’il rate un virage et se précipite avec elle contre un chêne, il en réchappe mais restera paralysé. Elle, on l’envoie à la casse en dépit des râles du malheureux.

    Il en parlera toujours comme de l’amour de sa vie, mais personne ne comprendra de qui il s’agit.

    Certaines caissières de cinémas de province se souviennent de cet étrange garçon.

    (Extrait de La Fée Valse)

  • Les vieilles sirènes

    littérature


    L’avantage avec notre queue c’est que nous restons vierges. Cela facilite la concentration dans les travaux typiquement féminins.

    Contrairement à ce qu’il en est des humaines, c’est durant notre jeunesse que nous connaissons la mélancolie, ensuite de quoi nous devenons philosophes et beaucoup plus joyces.

    A l’asile, le long de la route poudreuse de fin juillet, nous restons sur les margelles de la fontaine et battons ainsi la mesure en tâchant d’attirer l’attention des faneurs demi-nus.

    Les faneurs demi-nus ne sont pas indifférents au battement de queue des vieilles sirènes des établissements médico-sociaux.

    Tout en attendant quelque bonne fortune, nous nous racontons nos rêves en cherchant un peu de fraîcheur sous les saules.

    L’une d’entre nous prétend qu’elle a passé la moitié de sa vie dans un bassin d’acclimatation de l’arrière-pays de Biarritz, dont le gardien prénommé Nestor lui mordillait les tétons avec un art qu'une geisha de passage dans le Sud-Ouest lui avait enseigné.  Nous l’avons d’abord prise pour une affabulatrice, puis elle nous a fait une imitation de la langue basque qui nous a fait pouffer, comme au bon jeune temps...

    Image: Le faucheur, de Gustave Roud