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  • Ceux qui se shootent au Benidorm

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    Celui qui se came au Dragibus Tagada / Celle qui lit sur l'emballage que la kétamine est un anesthésiant pour chevaux et comprend alors la lassitude de Peter entre ses concerts de black metal / Ceux qui sont en quête (disent-ils) du blanc du temps / Celui qui a la phobie de l'en deça de l'au-delà / Celle qui connaît la formule des bains chimiques assurant la conservation des morts célèbres / Ceux qui ont mis à mal les waterbeds de Sin City / Celui qui demande l'asile politique aux îles flottantes / Celle qui se fait dépuceler dans un container martelé par la grêle / Ceux qui ont surtout apprécié la cafète du Gugenheim de Bilbao / Celui qui ne sait quel jour blanc s'est glissé la semaine passée entre elle et sa mémoire / Celle qui découvre un trou noir dans son emploi du temps perdu / Ceux qui savent qu'un certain gentleman apprécie aussi la griffe de Versace / Celui qu'une peur errante poursuit de son ombre / Celle qui répond à ce Monsieur Rorschach qui l'interroge sur ce qu'elle voit dans cette tache qu'elle y voit une tache / Ceux qui cherchent des trouvères sans brevets de chercheurs / Celui qui ne sait pas le goût de la rhubarbe ni du manioc / Celle qui fantasme un plan cul avec Philémon le magasinier sourd-muet de l’Entreprise / Ceux qui se lavent au borax / Celui qui découvre dans le JDD que ce Robbe-Grillet qui vient de d c d n’est autre que le blaireau qui draguait sa meuf à Courchevel il y a bien quarante ans de ça / Celle qui n’admet pas l’idée de son chef de projet selon lequel les sentiments ne sont que des scories de l’évolution / Ceux qui estiment que la tache suspecte apparue au front de Madame Dupanloup signale une punition céleste / Celui que ses besicles font ressembler à un carcajou / Celle à qui son père n’a jamais parlé que badminton et surpoids / Ceux qui se comportent en visiteurs même chez eux / Celui qui est connu pour ses trépignements d’impubère en dépit de ses trente ans de service aux Pompes funèbres de Pontarlier / Celle qui flaire le bicandier / Ceux qui ne sauraient situer le Daghestan sur la carte malgré leur culture générale plutôt top / Celui qui choisit médecine pour emmerder son oncle Fernand / Celle que la mort prématurée de son père dans un accident de métro a poussée vers l’ingénierie des puits de forage / Ceux qui trouvent une certaine ressemblance entre l’écrivain Christian Bobin et le pharmacien de leur quartier surnommé Camomille / Celui dont les poèmes « interrogent le silence du monde » à ce que prétend son amant luxembourgeois / Celle qui fait réellement chier sa parentèle avec ses projets de barjo rêvant d’accoucher dans un bassin plein de dauphins / Ceux dont l’altruisme a fait des tyrans / Celui qui s’affaire à recycler les dogmes mitchouriniens de Lyssenko dans son jardin bio / Celle qui estime que boire son urine matinale la rend plus réceptive à la musique de Scarlatti / Ceux qui mettent tout sur le dos du syndrome d’alcoolisation fœtale / Celui qui polit les ongles de sa chienne Nestorine / Celle qui se fixe la date de péremption de son dernier yoghourt à la banane pour rompre avec son ami Berthier de Susanfe / Ceux qui savourent leur déjeuner à base soja et de surimi, etc.

    Peintures: Basquiat, Indermaur.

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  • Chemin faisant (93)

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    Derniers feux. - On n'en finirait plus de marcher le long de la mer au déclin du jour, mais ces après-midi d'hiver il tombe soudain contre toute attente, et voici que la lumière cristalline tourne soudain à l'indigo flammé d'orange et que  la côte aux forêts de pins se découpe bientôt sur le velours noir semblant tendu derrière la mer qui frémit d'ultimes reflets.

    Entretemps on a marché sur la corniche de pierre orangée longeant les hauteurs de la baie, au-dessus des roches où se regroupent les oiseaux de mer, et l'on se rappelle les jours passés, les années au même rivage, les aubes et les crépuscules, nos vies qui refluent...      

     

    044.jpgD'autres rivages. - C'est entendu: il y a Benidorm et d'aucuns se lamentent: il y a tous les lieux gâchés par le béton ou pourris par l'argent, mais la mer et la terre ont encore des immensités à parcourir, et quarante jours durant nous l'aurons respiré, ce grand large encore possible, ces horizons, ces espaces, ces forêts immenses et ces collines, aussi, cultivées à main d'homme, ces dunes hier et ces terres maraîchères gorgées de riches alluvions du delta de l'Ebre - et tout ce qui non seulement nous soulève de joie sauvage mais se fertilise à vues humaines - le sauvage et le civilisé...

     

    015.jpgNotre joie demeure. - Magnifique est le monde et magnifiques sont les oiseaux. Devant la mer, ce soir, je me rappelle le vieil Alexandre Issaïevitch ouvrant les bras au monde et célébrant sa magnificence.

    "Le monde est magnifique !" clamait Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne dans la forêt moscovite où le filmait Sokourov, lequel venait de lui rappeler ses années de bagne et l'horreur du goulag - oui les hommes ont inventé le bagne et n'en finissent pas de s'entretuer, convenait le vieil indomptable, mais que de grâce dans le geste de l'enfant et de l'oiseau.

    Ah, les enfants: magnifiques sont les oiseaux, et magnifique est le monde...  

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