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  • La vie cadeau

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    (Dialogue schizo)

     

    Rencontres au Livre sur les Quais. Littérature nouvelle à L’Âge d’Homme. Pilloud et la dormeuse. Max et Julien. Nos voisines de palier. Que JE est les autres…

     

    Moi l’autre : - Ce qu’on peut dire c’est qu’on est « décu en bien », selon l’expression  des Dames de Morges…

     

    Moi l’un : - Cette expression m’a toujours fasciné : c’est le nec plus de l’esprit vaudois, champion de la litote et de la malice du populo en terre occupée. Notre mentalité a été forgée par l’occupation bernoise. Merci à leurs Excellences ! Quant aux Dames de Morges, qui incarnaient jadis le moralement correct genre darbyste, elles parlent comme le peuple en nos contrées même quand elles se montent le collet. Voir Gens du lac de la camarade Janine Massard, ce magnifique tableau évoquant l’Occupation allemande d’en face et ses échos en nos contrées…

     

    Moi l’autre : - C’était cool d’entendre, hier, JLK parler en italien à la radio tessinoise, avec Anne Cuneo et Max Lobe…

     

    Moi l’un : - C’était coolissime, pour parler comme JLK quand il singe les youngsters. Surtout que Giorgio Thoeni avait bien préparé sa présentation des trois livres...

     

    Maxou10.jpgMoi l’autre : - Le Milou, comme Max appelle JLK avec son insolence de créature de la forêt, en a profité pour rappeler que c’est à Morges, précisément, qu’il a rencontré Max Lobe pour la première fois, avant de l’accompagner dans la composition de 39, rue de Berne. Et maintenant, le Maxou fait sa star sur les quais sans perdre de son bon naturel ni de sa lucidité de fils de sa mère. La Trinité bantoue est un autre sacré bouquin !

     

    Moi l’un : On a bien aimé, également, ce qu’Anne Cuneo a raconté sur son dernier livre, où il est question de ce Tessinois qui fait fortune à Londres…

     

    Moi l’autre : - Cette Suisse oubliée de nos immigrés vaut d’être redécouverte !

     

    Moi l’un : - Et comment ! D’ailleurs j’ai senti que JLK avait envie de la ramener avec ses deux grands-pères, tous deux montés en grade dans l’hôtellerie, l’un à Paris et l’autre à Moscou, pour finir au Caire où leurs familles ont commencé de frayer avant de se mélanger…

     

    Moi l’autre : - Ces doux mélanges sont le sel même de la vie !

     

    Moi l’un : - Et les livres sont là pour le rappeler, non tant par devoir que par bonheur de mémoire.

     

    Moi l’autre : - La vie c’est vraiment cadeau, si tu en attends autre chose que du flafla…

     

    Moi l’un : - C’est ce que j’ai senti que se disait JLK en observant la ruée des gens Douglas Kennedy disparaissant sous la grappe grouillante,  le seul constat s’imposant alors, et les médias suivistes ne retiendront que ça avec l’énorme envie rampante qui fausse tout en la matière: que pour lui « ça cartonne »…

     

    Moi l’autre : - Tant pis ou tant mieux ? Tu ne vas quand même pas dire que l’insuccès est le rêve d’un écrivain qui se respecte ?

     

    Moi l’un : - Absolument pas ! Et d’ailleurs JLK a été le premier à se réjouir du phénoménal succès de Joël Dicker, après avoir apprécié son livre bien avant la ruée du public et des médias suivistes. Mais de quoi parle-t-on ?

     

    Moi l’autre : - Parlons de livres et de vraies rencontres…

     

    Moi l’un : - De fait, on peut être agoraphobe comme le pauvre JLK, et tout de même y retrouver son compte, recontsruire sa« cabane », sa sphère immunitaire dans le tapage et l’agitation. Le premier moment du processus, en l’occurrence, a été la rencontre de JLK avec son voisin de droite Julien Bouissoux, et ensuite avec son livre, Une autre vie parfaite.

     

    Moi l’autre : - Tu as aimé ces nouvelles toi aussi ?

     

    Moi l’un : -  J’en ai raffolé de part en part. En général, JLK  les notes de 0 à *****, comme les hôtels. Les nouvelles complète d’Alice Munro culminent entre *** et *****, rarement au-dessous. Sur les neufs récits d’Une autre vie parfaite, JLK a noté deux fois *** et sept fois ****.

     

    Moi l’autre : - Aucune***** ?

     

    Moi l’un : - Non,pas encore : faut pas pousser. On n’est pas encore dans la densité extrême d’un Paul Bowles ou d’une Flannery O’Connor, mais la justesse d’observation, la finesse de l’écoute de ce vrai médium, l’intérêt constat des thèmes qu’il traite et la justesse sans faille de son expression sont exceptionnelles. Ce type a un potentiel rarissime, comme d’ailleurs le Maxou dans un tout autre registre, mais il est le premier à savoir (et à dire) que ces nouvelles annoncent quelque chose plus qu’elles ne concluent.

     

    Moi l’autre : - Moi celle que j’aime le plus est Ma prunelle.

     

    Unknown-5.jpegMoi l’un : - C’est la plus Munro de toutes, et je sais que c’est ce genre d’histoires que JLK va raconter dans La vie des gens, son recueil en préparation. Le thème d’Alice Munro est : ce que la vie a fait de nous à travers les années. Et Julien Bouissoux dit ça merveilleusement dans Ma prunelle, récit d’une fille moche qui raconte son premier amour pour un type, un peu gauche à l’époque, devenu quelqu’un au cinéma. Tout ça dit en fines brèves phrases extraordinairement précises, limpides et pleines de blessures non dites. Mais quand on chiale,dans les nouvelles de Julie Bouissoux, comme le voiturier dans la plus mystérieuse de ces histoires, à Los Angeles, intitulée Valet parking, on chiale sec.

     

     

     Moi l’autre : - Andonia avait l’air de se réjouir que ce livre plaise à JLK…

     

    10458039_10204761383901307_1810959982002823768_n.jpgMoi l’un : - Y a de quoi, et moi je vois en Julien, comme en Dunia Miralles et en Olivier Sillig, dont j’ai commencé ce matin le roman noir, en Philippe Testa, en Antoine Jaquier et en Jacques Tallote – tous deux absents -, entre autres, un réel renouveau de L’Âge d’Homme qui ne peut que réjouir les vieux sangliers à la JMO ou à la JLK…  

     

    Moi l’autre : - Tu crois que JLK va se convertir, pour autant, à la cuisine végane ?

     

    Moi l’un : - Pas avant d’avoir mangé Snoopy, mais qui sait ?

     

    Moi l’autre : - Ce qui est sûr, c’est qu’on le retrouve cet après-midi au Mont-Blanc pour une table ronde sur le thème Je est un autre, à 16h.30. Il y sera question d’autofiction, de carnets intimes et autres marges de la fiction...

     

    Moi l’un : - Et je sens que JLK va se poser en défenseur farouche de la fiction. Mais en attendant, il faudra qu’il raconte Pilloud et la dormeuse dans ses carnets…

     

    Moi l’autre : - Deux histoires à la Munro-Bouissoux. Ce que la vie a fait de nous, ainsi de suite. Pilloud, d’abord…

     

    Moi l’un : - Hier après-midi, sur les quais, se pointant à la table de JLK, les yeux fixés sur lui. Se présentant : Michel Pilloud, de la classe de 

    Mademoiselle Chambovey, Chailly sur Lausanne, 1954-55.

     

    Moi l’autre : - Pilloud avait repéré le nom de JLK. Celui-ci ne l’a reconnu qu’au nom déclaré…

     

    Moi l’un : - Et là c’est le flash, soixante ans aprés, merde ! Cette tête de souris douce, ces yeux perçants, ces sourcils en circonflexe, les mêmes tifs mais tout blancs, ce sourire de la photo de classe, putain de souvenir précis comme une gravure. Et tu sais la mémoire de mammouth de JLK : tout de suite le son de sa voix, et le souvenir de lui-même sur la photo, en pantalon court qui lui fout la honte (sa mère n’a pas les sous pour du long), tenant à deux mains sabretelle en geste de timide…

     

    Moi l’autre : - Lesdeux vioques ont deux filles, Pilloud a été véto pendant quarante ans mais lebétail se faisant rare il a bâché. Ainsi de suite. JLK, en rupture de stock deson chef d’œuvre immortel, prend son adresse pour lui envoyer Le pain de coucou où il raconte leursenfances et la mort de Toupie, leur camaradefauché par la leucèmie – lesouvenitr de sa table vide dans la classe de Mademoiselle Chambovey…

     

    Moi l’un : - Etensuite  la dormeuse. Une heure aprèsMichel Pilloud, juste après avoir fourguéL’échappéelibre à son prof de philo du Gymnase de la Cité (il lui évoque Maveric et leurs échanges dans les coulisses de Facebook), voilà donc que se pointe cette Jacqueline, à peu près son âge, qui prétend qu’elle a dormi une nuit avec JLK, quand ils avaient cinq ou six ans !

     

    Moi l’autre : - Le pompon, vu que JLK ne se rappelait nib de rien !

     

    Moi l’un : - Elle lui a parlé de sa tante Madeleine instite, qui lui aurait rappelé une nuit passée entre enfants dans ce chalet de pierre des Ormonts, mais pour lui c’est le trou noir et ça l’étonne vu qu’il se rappelle l’année 1953 comme d’hier,quand l’incendiaire Gavillet courait les campagnes alors que la smala séjournait dans le Jura, du côté de Montricher…  

     

    Moi l’autre : - Mais la bonne dame s’intéresse à autre chose : à la littérature romande, dont elle voit que L’échappée libre parle pas mal. Donc c’est parti pour la dédicace à Jacqueline, à laquelle JLK enverra aussi son Pain de coucou que le susnommé Maveric,seize ans et la culture d’un dinosaure, détailles ces jours du côté du Ballon d’Alsace…

     

    Moi l’un : - Et JLK qui dit agonir les salons du livre, et que d’ailleurs celui-ci sera le dernier, et que je t’en fous !

     

    Moi l’autre : - On connaît ces définitive déclarations ! Et la vie te rattrape !

     

    Moi l’un : Tant mieux que la vie nous rattrape ! Même qu’elle nous dépasse c’est encore cadeau !

     

  • Sur les quais

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    Ma première découverte sur les quais de Morges: mon voisin de droite à la table des signatures: Julien Bouissoux. Et son recueil de nouvelles: Une autre vie parfaite...

     

    Je me demandais ce que j'allais foutre là-bas, pourquoi j'avais accepté leur putain d'invitation, comment je vivrais cette horreur de l'alignement de plumitifs lançant aux gentils lecteurs: "Et moi ! Et moi ¨Et moi !" ?

     

    Unknown-5.jpegJ'y allais donc à reculons, le noeud au ventre, mais pas envie du tout, et je me suis retrouvé là, très gentiment accueilli par les dames de Payot, et finalement très content du climat bon enfant de tout ça, content de faire connaissance avec Dunia Miralles, ma voisine de gauche, l'auteure d'Inertie, récit prenant d'une femme qui a de la peine à vivre, d'une écriture pure et dure à la Bukowski, et bientôt intrigué par mon voisin de droite, ce Julien Bouissoux dont il me semblait que le nom me disait quelque chose, en train de lire Seeland de Robert Walser. 

     

    Unknown-4.jpegEt voici que revenant, hier soir, de cette première épreuve adoucie, après avoir écoulé sept de mes immortels chefs-d'oeuvre, je trouve le livre de Julien, Une autre vie parfaite,  dans les envois récents de L'Age d'Homme, pour commencer de le lire. J'y reviendrai plus souvent qu'à mon tour. Je n'en ai pas encore lu les neuf nouvelles, mais j'affirme haut et fort que Janvier et Un homme à la mer, deux d'entre elles, relèvent de la meilleure littérature, du côté d'Alice Munro ou de Michel Houellebecq en plus fin, plus doux, plus tendrement mélancolique.  Si j'étais un jeune réalisateur, je ferais illico un court métrage de Janvier. Pour Un homme à la mer, ce serait plus coton vu que ça se passe dans la tête flottante du narrateur. 

     

    Mais bref, en attendant d'y revenir, dix ans après sa date de parution, je tombe sur cet entretien avec Julien Bouissoux. Relevons ce qu'il dit, à propos de Nancy dont Morges est la copie au bord du lac Léman, des salons du livre...

     

     

    Jeune auteur d'à peine 30 ans, Julien Bouissoux a vécu successivement à Clermont-Ferrand, Rennes, Paris, Londres, Toronto, Seattle, Budapest, avant de revenir à Paris. 

     

    Rencontre au "livre sur la place" à Nancy avec un auteur discret et charmant à découvrir à travers son troisième roman "Juste avant la frontière" qui parait aux éditions de l'Olivier, alors que ses deux précédents ont été réédités en poche.

     

    Comment es-tu venu à l’écriture ?

    En fait ’ai commencé à 17 ans à écrire dans l’optique d’un roman, c’était plus des petits fragments d’écriture comme ça. Je pensais que ça allait se raccorder un jour, mais ça c’est pas fait… mas l’envie était là. J’ai persévéré, et au bout du troisième manuscrit ça a commencé à prendre forme et puis voilà… y’a eu fruit rouge et la suite.

     

    Tes personnages ont quelque chose de mélancolique, on les sent un peu largué, un peu dépassés par la vie… c’est quelque chose que tu ressens toi aussi ?

    Oui par moment c’est vrai, et aussi par la force des choses… de ne pas avoir de boulot, de ne pas en chercher...

     

    Écrivain est donc ton métier ?

    Totalement ! J'ai fait fait mes études, mon service à l’étranger et maintenant Je vis de l’écriture… mal certes, mais c’est de ça que j'ai envie de vivre (rires).

    Pour en revenir à mes personnages et leur coté mélancolique, on ne peut pas dire que ça soit volontaire, souvent je le découvre seulement à la fin de l'écriture du roman. J’ai une lecture qui est très différente des gens. En fait avant tout j’essaie d’être honnête, de faire des personnages honnêtes, y’a pas ce coté "pipoteur" chez mes personnages. J’essaie d’écrire sans trop réfléchir, à l’instinct. Y’a pas vraiment de profil type, les traits des personnages se dégagent au fur et à mesure que j'écris.

    je pense que de la mélancolie découle parfois la drôlerie. C’est souvent le cas... regarde chez Chaplin par exemple, son cinéma est drôle et mélancolique à la fois.

     

     

    Tu dis dans Juste avant la frontière : "Il y a des villes où on peut commencer quelque chose, d'autres où refaire sa vie, et plein d'autres pour la finir. Sûrement Paris c'est tout ça à la fois."

    Paris n’est pas une ville qui me fascine ; En fait à Paris on apprend tout sauf l’humilité. J’habite Paris depuis 3 ans parce que  j’y ai un point de chute… mais plus ça va moins je m’y sens bien. Cette ville, plutôt que de stimuler mon écriture, la stérilise. Mais bon j’arrive à créer ma petite bulle malgré tout, à me préserver. Paris est une ville qui exclue je trouve, les ouvriers ont quasiment disparus, y’ a de moins de moins de mixité, de mélange. Et le coût de la vie, le prix des loyers fait que Paris devient une ville qui chasse ceux qui ont des moyens limités.

     

    Tu dis aussi : "Je rêve encore de changer les choses à l’intérieur et à l'extérieur de moi."

    J’aimerais par exemple que dans les salons du livre comme ici à Nancy, les gens ne soient pas effrayés par les romans qu'ils voient sur les tables, qu’il y ait plus d’échange, de contact entre les écrivains et les lecteurs. Les rapports deviennent de plus en plus biaisés je trouve, on se préserve de tout, on s’assure pour tout… les gens ne veulent plus prendre de risque... oui c'est vrai, tout ça j’aimerais que ça change un peu, que les gens arrivent à la table et sourient simplement. (sourire)

     

    Y a t-il des fils conducteurs entre tes trois romans ?

    Non pas vraiment… en fait comme je l'ai dit tout à l'heure, je veux que chaque personnage soit honnête. C’est quelque chose auquel je tiens beaucoup. Tu vois dans la vie si quelqu’un te dis « j’aime pas ton livre », qu’il te le dise franchement sans tourner autour du pot. Donc oui, peut-être retrouve t-on dans chacun de mes livres une forme d'honnêteté... au sens chrétien du terme presque, d’honnêteté intellectuelle envers soi.

     

    Qu est ce que tu pourrais faire si tu n’écrivais pas de livres ?  Euh, je sais pas... jardinier, diplomate, scientifique, chercheur au CNRS... être payé et faire un peu ce que je veux, je sais que c’est sans doute caricatural et réducteur… mais oui, avoir une grande liberté dans mon travail, être détaché des contingences matérielles. Et finalement écrivain correspond bien à ça.

     

    Pour terminer, dernier disque acheté :

    Le Murat A bird on a poire... sinon il y a quelques temps, mon concierge a mis la main sur des vieux vinyles dans une cave laissés là par un ancien propriétaire, une sorte de discothèque idéale… j’ai découvert des tas de disques de jazz et de classique… c’est vraiment bien de découvrir des choses comme ça par hasard.

     

    Dernier livre lu :

    Karine Reysset En douce: c’est une belle écriture.

     

    Dernier film vu 

    Exils de Tony Gatlif j’y allais un peu à reculons, mais j’ai été très surpris un film que j’ai trouvé très fort, très visuel, des cadrages très beau.

     

    Propos recueillis par Benoît Richard

     

    Le 18 Septembre 2004

  • A proposito dell'Echappée libre

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    Prova di presentazione nella lingua del Dante, prima dell’emissione in italiano su Rete Due.

    Domani saremo tre scrittori della Svizzera francese (Anne Cuneo, Max Lobe ed io) a parlare insieme dei nostri libri sulla Rete 2 della Radio svizzera italiana. Perricolo per me ! Ma cosa potrei dire del mio libro, io che difficilmente parlo la lingua del Pavese e del Berlusconi ? Prima di tutto dirò che questo libro è una specie di patchwork. Diario in parte, tra gli anni 2008 e 2013, ma il sottotitolo di Letture del mondo suggerisce che questo diario non è soltanto intimo al modo di un Amiel, ma fatto da pezzi vari : note di lettura, pensieri, incontri numerosi (Guido Ceronetti in Toscana), un importante scambio di lettere con un amico scrittore a Ramallah, evocazioni diversi, omaggi a parecchi scrittori spariti (Georges Haldas, Maurice Chappaz, Jacques Chessex), viaggi numerosi (in Italia, Grecia, Tunesia, Portugal o Congo, ecc.).

    Dirò anche, e sopratutto, che ciò che m’interessa dapprima è di restituire l’immagine composita della realtà e di modular la sua musica dalla musica dei vocaboli e delle frasi. Non è un libro di giornalista, sebbene la sperienza del giornalista può aiutare. È un libro che vorebbe trasmettere anche la musica del mondo, la musica delle voci, la musica del tempo. Un critico ha parlato di « capharnaüm » babeliano, ma penso che questo libro ha suo ordine forse segreto. Non è un ammasso azzardato. È un montaggio, et questo montaggio segue una linea costante se non evidente.

    Naturalmente, si può legger L’Echappée libre cosi come una cronaca sulla letteratura di questo tempo, riflesso della coltura, ecc. Si può becchettare là dentro al modo delle galline. Lettura superficiale insomma. Si può anche leggere questo libro una linea dopo l’altra, con personale presenza. Per me, la letteratura non è soltato evasione, ma anche invasione, presenza aumentata, concentrazione, lavoro sul serio ma anche fantasia, fantasticheria. In francese si dice : rêverie…

    Buzzati2.jpgMi piace il titolo del diario famoso di Cesare Pavese, Il mestiere di vivere. Un grande filosofo tedesco attuale, Peter Sloterdik,intitola il suo proprio patchwork Le linee ed i gorni. E Dino Buzzati : In quel preciso momento.

    Per me , l’idea, e la realtà, della libertà, fu sempre decisiva. Quindi ho intitolato mio libro L'échappée libre. Ma vorrei, anche, che non sia una scappatoia. Il lettore sarà giudice…

    Morges. Le Livre sur les quais, le samedi 6 septembre. Radio suisse italienne, Rete 2, Passatempo, de 15h.30 à 16h. Avec Anne Cuneo, Max Lobe et Jean-Louis Kuffer. Animation Giorgio Thoeni.

  • En échappée libre

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    Du vendredi 5 au dimanche 7 septembre 2014, rendez-vous sur les quais de Morges, avec plus de 300 auteurs en signature au bord du lac. J'y présenterai mon dernier livre paru à L'Âge d'Homme, L'échappée libre, entre autres titres. 

     

    L'échappée libre constitue la cinquième partie de la vaste chronique kaléidoscopique des Lectures du monde, recouvrant quatre décennies, de 1973 à 2013, et représentant aujourd'hui quelque 2000 pages publiées.

     

    À partir des carnets journaliers qu'il tient depuis l'âge de dix-huit ans, l'auteur a développé, dès L'Ambassade du papillon (Prix de la Bibliothèque pour tous 2001), suivi par Les Passions partagées (Prix Paul Budry 2004), une fresque littéraire alternant notes intimes, réflexions sur la vie, lectures, rencontres, voyages, qui déploie à la fois un aperçu vivant de la vie culturelle en Suisse romande et un reflet de la société contemporaine en mutation, sous ses multiples aspects.

     

    Après Riches Heures et Chemins de traverse, dont la forme empruntait de plus en plus au "montage" de type cinématographique, L'échappée libre marque, par sa tonalité et ses thèmes (le sens de la vie, le temps qui passe, l'amitié, l'amour et la mort), l'accès à une nouvelle sérénité. L'écho de lectures essentielles (Proust et  Dostoïevski, notamment) va de pair avec de multiples découvertes littéraires ou artistiques, entre voyages (en Italie et en Slovaquie, aux Pays-Bas, en Grèce ou au Portugal, en Tunisie ou au Congo) et rencontres, d'Alain Cavaier à Guido Ceronetti, entre autres. De même l'auteur rend-il hommage aux grandes figures de la littérature romande disparues en ces années, de Maurice Chappaz et Georges Haldas à Jacques Chessex, Gaston Cherpillod ou Jean Vuilleumier.

     

    Dédié à Geneviève et Vladimir Dimitrijevic, qui furent les âmes fondatrices des éditions L'Âge d'Homme, L'échappée libre se veut, par les mots, défi à la mort, et s'offre finalement à  "ceux qui viennent".   

     

    L'Âge d'Homme, 424p.

     
    Extraits:
     À la vie à la mort On n’y pense pas tout le temps mais elle est tout le temps là. La mort est tout le temps là quand on vit vraiment. Plus intensément on vit et plus vive est la présence de la mort. Penser tout le temps à la mort empêche de vivre, mais vivre sans y penser reviendrait àfermer les yeux et ne pas voir les couleurs de la vie que le noir de la mort fait mieux apparaître.
    L’apparition de la vie va de pair avec une plus vive conscience de la mort. En venant au monde l’enfant m’a appris que je mourrais, que sa mère mourrait et que lui-même disparaîtrait après avoir, peut-être, donné la vie ?
    La première révélation de la mort est de nous découvrir vivants, la première révélation de la vie est de nous découvrir mortels, et c’est de ce double constat que découle ce livre.
    Le livre auquel j’aspire serait l’essai d’une nouvelle alliance avec les choses de la vie, au défi de la mort.
    La mort viendra, c’est chose certaine, mais nous la défierons en tâchant de mieux dire les choses de la vie avec nos mots jetés comme un filet sur les eaux claires aux fonds d’ombres mouvantes, ou ce serait une bouteille à la mer, ou ce serait une lettre aux vivants et à nos morts. 


    À L’ENFANT QUI VIENT
    Pour Declan, Nata, Lucie et les autres...
    Je ne sais pas qui tu es, toi qui viens là, ni toi non plus n’es pas censé le savoir.

    Ce que je sais que tu ne sais pas, c’est que tu es porteur de joie. Tu ne sais pas ce que tu donnes, que nous recevons. Après quoi nous te donnerons ce que nous savons, que tu recevras ou non.

    Du point de vue de l’ange on pourrait dire que tu sais déjà tout, sans avoir rien appris. C’est une vision très simple que celle de l’ange, toute claire comme le jour où tu es venu, et qui se troubleau fil des jours, mais qu’un premier sourire, puis un rire suffisent à éclaircir.

    On ne s’y attendait pas: on avait oublié, ou bien on ne se doutait même pas de ce que c’est qu’un enfant qui éclate de rire pour la première fois; plus banal tu meurs mais ils en pleurent sur le moment, à vrai dire l’enfant qui rit pour la première fois recrée le monde à lui seul: c’est l’initial étonnement et tout revit alors — tout est béni de l’ici-présent.

    Tu vas nous apprendre beaucoup, l’enfant, sans t’en douter. Ta joie a été notre joie dès ton premier sourire, et mourir sera plus facile de te savoir en vie.

    Du point de vue de l’ange, on pourrait dire que nous ne savons rien, sauf un peu de chemin. C’est l’ange en nous qui a tracé, un peu partout, ces chemins.

    Ensuite il t’incombera de choisir entre savoir et ne pas savoir, rester dans le vague ou donner à chaque chose ton souffle et son nom, leur demander ce qu’elles ont à te dire et les colorier, les baguer comme des oiseaux, puis les renvoyer aux nuées.

    Les mots te savent un peu plus qu’hier, ce premier matin du monde où tu viens, et c’est cela que nous appelons le temps, je crois, ce n’est que cela : ce qu’ils feront de toi aux heures qui viennent, ce que fera de toi le temps qui t’est imparti sous ton nom — les mots sont derrière la porte de ce premier jour et ils attendent de toi que tu les accueilles et leur apprennes à s’écrire, les mots ont confiance en toi, qui leur apprendras ta douceur.


    (À La Désirade, ce 30 juin 2013) 
    Ces textes constituent les exergues, le prologue et l'envoi final de L'échappée libre, qui vient de paraître aux Editions l'Âge d'Homme. 
     
     
     
    Falconnier3.jpgL'échappée libre vue par Isabelle Falconnier, dans L'Hebdo du 15 mai 2014.
     
    «Quel homme, quel livre. Je n’ai qu’un mot à la bouche: merci. Merci d’être ce mémorialiste de la meilleure espèce depuis l’âge de 18 ans.»

    Extraordinaire. Quel homme, quel livre. Quels hommes plutôt! Quels livres, rassemblés en un seul long fleuve de 400 pages. Entrer en Kufférie, c’est rencontrer le journaliste qui lit comme d’autres respirent et converse avec tous les écrivains du moment, l’écrivain qui ne laisse pas passer une journée sans prendre la plume, galère pour trouver un éditeur, se fâche avec Dimitrijevic ou Campiche, trouve Rebetez ou Morattel, le lecteur fou de Dostoïevski soudain pris de fougue pour Sollers ou Houellebecq, le compagnon aimant de sa «bonne amie», le père de ses grandes filles, l’ami exigeant, le nomade qui baguenaude à Rome ou à Tunis, l’ermite heureux dans sa Désirade surplombant le Léman, le bon vivant qu’un verre ou un séjour naturiste au Cap-d’Agde rendent heureux et, surtout, surtout, le témoin de la vie culturelle foisonnante dans laquelle il est immergé: romande bien sûr, suisse évidemment, parisienne autant qu’européenne.

    Bien sûr, je suis ravie de figurer entre «Ezine Jean-Louis» et «Fallois Bernard de» dans son index, mais mon ego n’aveugle pas l’essentiel. Je n’ai qu’un mot à la bouche: merci. Merci d’être ce mémorialiste de la meilleure espèce depuis l’âge de 18 ans, de raconter la mort de Chappaz, Dimitrijevic ou Chessex, la naissance d’écrivains comme Aude Seigne, Quentin Mouron ou Max Lobe, de prendre au sérieux cette histoire littéraire non comme un sociologue ou un universitaire mais comme un être de chair imbibé de cette matière, qui la vit comme si la littérature lui coulait dans les veines et sa vie en dépendait, avec démesure, outrance, hypersensibilité, lucidité, modestie, patience et panache. Raconter au lecteur d’aujourd’hui, transmettre aux générations futures, ne pas oublier, rester vivant – rien de moins que sens de l’écriture. Sur 400 pages, ce patchwork de textes alternant journaux intimes, récits de voyages et chroniques littéraires coule comme un fleuve, reflet exact de la vraie vie lorsqu’elle n’est pas ailleurs.
    Isabelle Falconnier, cheffe de la rubrique culturelle de L'Hebdo et Présidente du Salon du livre de Genève.

    isabelle.falconnier@hebdo.ch
    Programme de JLK Sur les Quais... 
    Vendredi
    13h30-15h30 Dédicaces
    17h00-19h00 Dédicaces

    Samedi
    13h30-15h00 Dédicaces
    15h30-16h00 Passatempo : « Trois auteurs » (rencontre en italien) sur Rete Due, avec Anne Cuneo et Max Lobe
    16h30-18h30 Dédicaces

    Dimanche
    14h00-16h00 Dédicaces
    16h30-17h45 Je est un autre. Table ronde avec Raphaël Aubert, Alain Bagnoud et Stéphane Blok, animée par Alain Maillard. Hôtel Mont-Blanc.
    18h00-19h00 Dédicaces.
     
     
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  • Soglio les yeux fermés

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    images-3.jpegNotes en chemin (127)

     

    Virée intérieure. - Je n’ai pas eu besoin de redescendre à Soglio pour y être: il m’a suffi de fermer les yeux, tout à l’heure, pour m’y retrouver entre Hélène de Sannis et Violanta. Et les fantômes diaphanes de Rilke et de Jouve fermaient les yeux de leur côté en écoutant pour la énième fois les chants du Compagnon errant de Mahler, et de l’autre côté de la vallée ils voyaient les créneaux gris sabre de la Disgrazia.

     

    Ainsi s’ouvre la nouvelle de Pierre Jean Jouve intitulée Dans les années profondes : « Il y a dans la rapport de ces régions quelque chose d’inépuisable et de mystérieux. Il y a une qualité qui ne parvient pas à son terme. Il y a plusieurs régions étagées, enfermées dans les cent vallées bleues des montagnes creuses, ou au contraire sur le piédestal de roc de lumière et d’abstraction, tout en haut. »

     

    Unknown-3.jpegSouvenir de Sogno. – En fermant les yeux je revois le plan-séquence au panoramique tournant de 360° scandé par un trot de cheval et marquant l’arrivée à Soglio, dans le filmViolanta de Daniel Schmid, du personnage incarné par François Simon, dont il me semble qu’il fermait alors, lui aussi, les yeux. 

     

    Comme le disent volontiers les médias en leur niaiserie récurrente: « Daniel Schmid a rejoint François Simon ». Autant dire que tous deux ont « rejoint » Rilke et Jouve, de même que Maria Schneider, l’une des interprètes de Violanta avec Lucia Bosè, laquelle fermait les yeux quand on a dispersé les cendres de Maria devant le rocher de la Vierge à Biarritz.

     

    Dans sa nouvelle, Jouve remplace le nom de Soglio par celui de Sogno, signifiant le rêve en italien. Et sans doute le film Violanta découle-t-il d’un rêve éveillé de Daniel Schmid.

     

    AVT2_Jouve_5435.pjpeg.jpegJouve à L’Âge d’Homme.– « Maladie ! Canicule ! Catastrophe ! », s’exclame Pierre Jean Jouve à son arrivée, dans la Rolls du palace lausannois Beau-Rivage, au pied de la tour du Métropole où l’attend Vladimir Dimitrijevic, qui vient de publier la traduction, par le poète, duLulu de Wedekind, adapté à l’opéra par Alban Berg.

     

    La catastrophe, en cet après-midi de l’an 1972, est liée à la fois à Blanche et Bianca : Blanche, l’épouse, vient en effet de faire une mauvaise chute dans l’escalier de marbre du Beau-Rivage, et Bianca, la mécène américaine, tarde à lui verser son chèque mensuel. Inquiétude, tourments, convulsions : terrible est la condition du poète !

     

    Mais nous rions, autour de lui, dans les fauteuils défoncés de L’Âge d’Homme, quand Jouve nous raconte les tourments et convulsions de Pierre Boulez, lors des répétitions de Lulu à l’opéra, à chaque fois qu’Alma Mahler, en communication spirite avec Alban Berg, harcelait le chef français pour lui faire corriger tel ou tel détail de son interprétation…

     

  • JE est un autre

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    (Dialogue schizo)

     

    Préambule à une table ronde du Livre sur les quais de Morges. À propos de journaux intimes et extimes. De l’autofiction. De la (nécessaire) confusion des genres. 

     

    Moi l’autre : - Donc nous participerons, ce dimanche prochain, à une table ronde sur le thème Je est un autre avec les camarades Raphaël Aubert, Alain Bagnoud et Stéphane Blok, animé par l’excellent Alain Maillard. Cela t’inspire ?

     

    Moi l’un : - Pourquoi pas ? C’est intéressant, non ?

     

    Moi l’autre : - Le thème est vaste comme un bateau, mais je présume qu’il y sera question du journal intime et de l’autofiction où, à l’enseigne de la firme JLK, nous avons passablement sévi…

     

    Echappéejlk01.jpgMoi l’un : - Jacques Poget, l’un des organisateurs du Livre sur les quais, a même classé JLK « diariste ». Ce qui est à la fois vrai et restrictif, et notamment pour ce qui concerne L’échappée libre, dernière production de la firme JLK, dont la partie relevant du journal intime/extime est assez minime : disons une vingtaine de pages sur 420, alors que l’ensemble est plutôt un montage transgenre, si j’ose dire...  

     

    Moi l’autre : - Tu oses. Mais le JE est bel et bien central dans ce livre, même s’il s’alimente de multiples affluents découlant de multiples NOUS et autres ELLES et ILS. Autant dire en anglais : non fiction.

     

    Moi l’un : -  C’est ça. Et c’est le moment, avant de dire ce que la fiction a d’irremplaçable en littérature, notamment dans le roman, de rappeler aussi l’intérêt latéral et parfois primordial des journaux intimes, à commencer par celui d’Amiel, des journaux littéraires à la Léautaud ou des journaliers à la Jouhandeau, sans parler du trésor épistolaire de toutes les époques : là où le JE se décline ouvertement sans passer par le truchement du personnage.

     

    Moi l’autre : - Emmanuel Carrère en parle à la page 148 de son Royaume, quand il évoque son enquête amorcée avec la figure de Luc,qui sort du bois en tant que narrateur personnel dans les Actes des apôtres : « J’aime , quand on me raconte une histoire, savoir qui mela raconte. C’est pour cela que j’aime les récits à éa première personne, c’est pour cela que j’en écris et serais même incapable d’écrire quoi que ce soit autrement. Dès que quelqu’un dit « je » (mais « nous », à la rigueur, fait l’affaire) j’ai envie de le suivre et de découvrir qui se cache derrière ce « je »…

     

    Moi l’un : - Là encore, Carrère est trop restrictif par rapport à lui-même et à la littérature en général, qu’il serait ridicule de réduire à une confession en première personne.

     

    Moi l’autre : - Le fameux « nombrilisme » qu’il est de rigueur de décrier…

     

    Moi l’un : - Oui, mais là encore tous les malentendus sont au rendez-vous. Chez Amiel par exemple, qui s’observe à n’en plus finir, son Journal intime devient passionnant à proportion de son ouverture au monde phénoménale, quand le JE devient un autre précisément : toutes les femmes dont il fait défiler les personnages, les paysages qu’il traverse en marcheur infatigable, ses immenses lectures, ses débats avec les philosophes de l’époque, ses portraits au vitriol ou ses méditations matinales ou crépusculaire. Ceux qui ne l’ont pas lu le réduisent à la dimension d’un branleur impuissant, mais son journal est un « roman » cent fois plus intéressant que maintes romances de l’époque, comme Tolstoï l’a reconnu le premier.

     

    Moi l’autre : - Michel Tournier, lui, a parlé de journal « extime » à propos du Vent paraclet je crois…

     

    Moi l’un : - Oui, et il y ades tas de prétendus « romans », aujourd’hui, qui relèvent de ce genre : le romans de Philippe Sollers en sont un exemple, où la part de lavraie fiction est minime, ce qui n’enlève rien à leur intérêt au demeurant.Mais si tu veux voir la différence entre un journal extime et un roman, comparele Journal d’un écrivain de Dostoïevski et Les Frères Karamazov

     

    Moi l’autre : - Que préfères-tu ?

     

    Moi l’un : - La question nese pose pas du fait que la comparaison n’a pas raison. Mais le Journal éclaire les coulisses  duroman, ou son arrière-plan idéologique, que le roman fait ensuite valdinguer vuque, dans le roman, le JE des personnages fait éclater celui de l’auteur…

     

    Moi l’autre : - Et L’échappée libre, c’est quoi ?

     

    BookJLK8.JPGMoi l’un : - C’est un kaléidoscope, un montage très élaboré de ce que JLK appelle la vision panoptique. Ceci dit il ne pense ces jours que fiction, affirmant que c’est là qu’un écrivain est le plus libre. Il l’avait seriné dès le début de la composition du Viol de l’ange, roman virtuel évoquant les multiples occurrences d’un roman en train de s’écrire…

     

    Moi l’autre : - Donc la fiction serait le lieu de la liberté ?

     

    Moi l’un : - Il faut lire ou relire Mensonge romantique et vérité romanesque de René Girard pour mieux le comprendre.

     

    Moi l’autre : - Henry James disait que, dans un grand roman, tous les personnages ont raison…

     

    Moi l’un : - C’est exactement ça. C’est en quoi le JE de l’écrivain devient autre – et tous les autres dans la foulée. Le vrai romancier est un médium. C’est peut-être ce qui manque à Emmanuel Carrère dans L’Adversaire, superbe « reportage » mais pas roman pour autant. Manque de folie, et de poésie aussi.

     

    Moi l’autre : - Le roman est également une forme close, tandis que le « journal » court…Le journal suit le cours du fleuve temporel, comme celui de Stendhal, mais Le Rouge et le noir se boucle en forme. Or cette forme laisse plus de liberté au lecteur que celle du journal…

     

    Moi l’un : - C’est vrai. Et c’est ce qui marque la supériorité de la Recherche proustienne, par rapport au journal des Goncourt, même si l’intérêt littéraire de celui-ci  reste considérable.

     

    Moi l’autre : - Je me rappelle le critique Angelo Rinaldi ramenant les Goncourt à des scarabées bouseux chargés de leur crotte, et le critique Jérôme Garcin réduisant Amiel à moins que rien…

     

    Moi l’un : - Ce sont des préjugés de lettreux  qui manquent un peu de curiosité, je crois. La littérature inclut bien plus qu’elle n’exclut. Ce qui ne justifie en rien la foutaise actuelle qui voudrait tout inclure dans le même magma.

     

    Moi l’autre : -  On ne serait donc pas tous des Rimbaud en puissance, selon toi: tous capables de dire que Je est un autre ?

     

    Moi l’un : Des clous ! Il n’y a qu’un Rimbaud de seize berges pour balancer cette sentence à la fois plate d’apparence et profonde comme un puits, qui implique la transmutation du presque rien en presque tout, de la chair au chant, du bois au clairon, du moi-je à ces autres qui nous attendent donc, ce dimanche, sur les quais où Marlon Brando s’est fait excuser…

     

    Morges, Le Livre sur les quais. Hôtel Mont-Blanc, dimanche7 septembre, de 16h. 30. Aà 1h.45. Table ronde sur le thème Je est un autre. 

     



  • Ceux qui croient L'Avoir rencontré

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    Celui qui lit attentivement Le royaume d’Emmanuel Carrère / Celle qui ne montant plus à Verbier ne risque pas de tomber sur Emmanuel qui a rencontré Jésus sur un sentier valaisan des hauts de Vollèges / Ceux qui  se sont convertis sans se rappeler le nom de la station supérieure du téléphérique / Celui  qui est tombé à genoux quand il a distingué la Face dans le feuillage de la photo floutée par le Saint Esprit / Celle qui a dit à son filleul Emmanuel lui racontant Sa rencontre que maintenant LE chemin restait à parcourir et qu’à présent coco tu Lui lâches plus la main / Ceux qui préfèrent la réflexologie avec Madame Schlupp qu’ils disent une si « belle personne » / Celui qui confiant à sa psy qu’il a rencontré le Seigneur s’entend répondre « Mmm » sur le même ton que prend Jennifer Melfi quand Tony Soprano lui balance quelque énormité difficile à gérer au niveau freudien / Celle qui a donné le sein au fils de Marie occupée au lancement de sa start up / Ceux qui se demandent si  la Révélation d’Arès tient la route au jour d’aujourd’hui / Celui qui à choisir entre la Vérité et le Christ préfère suivre celui-ci à Goa / Celle qui préfère ne pas mordre à l’hostie en invoquant « l’immense et malheureuse foule desincroyants »  sur un ton qui flatte la narine du céleste Nez / Ceux qui constatent que « personne n’a jamais parlé comme cet homme » avant de le crucifier comme si de rien n’était,etc.

       

    (Cette liste a été jetée en marge des 100 premières pages du Royaume d’Emmanuel Carrère, d’un intérêt crescendo à vérifier sur les 500 pages suivantes)