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Mémoire vive (44)

 

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Cité du soleil, au Cap d’Agde, ce mercredi 21 mai 2014. – Rêve fou cette nuit. Je me trouvais à Damas, ville verticale aux rues pavées très en pente le long desquelles se tenaient de vénérables enturbannés à longues barbes. En ces murs se donnait un spectacle d’avant-garde, plus précisément dans une sorte de grande église-mosquée tapissée de soieries, puis nous nous retrouvions, tout un groupe, couchés, et là se remarquait un jeune junkie genre punk portant sur lui l’inscription I’M IMPORTANT. Dans la foulée de mon réveil, j’ai pensé raconter ce rêve dans mes Tours d’illusions sous le titre de LATERNA MAGICA.

 

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Une ville est apparue, très impérieusement verticale comme le vieux Damas, dont les ruelles semblent accrochées aux cintres d’uninvisible cadre de scène, le long desquelles se tiennent, devant leursboutiques, maints vénérables enturbannés à narguilés et fines jointures. Or ces mages apparents sont muets et tous les livres alentours sont fermés tandis qu’une lasse incantation perdure, feinte ou sainte on ne sait trop.

La turbulence des images est donc ralentie, mais la mélancolie damasquine se révèle peu à peu sous forme de formes agréablement jonchées, entourant la forme d’un jeune émule  à torse tatoué de lettres majuscules :

 

I’M IMPORTANT.

 

On en déduit ce qu’on veut, mais l’inscription signifie plus que les images ou plus exactement : les relie dans la lumière d’entre les lamelles à la bienvenue du corps en diffusion splendide cette nuit ou jamais, toute pareille alors aux visions des boîtes de nuit selon notre définition nouvelle.

Le sommeil est une ressource d’énergie et de rebond poétique régénérateur que relancent donc, aussi, les contenus incontrôlés des boîtes de nuit remplaçant désormais les boîtes de bruit des Tours d’illusion, hauts lieux d’abrutissement programmé et d’insignifiance mécanisée.

Comme il en va de l’exercice onirique, l’usage résolument gratuit et libre des boîtes de nuitdernier cri suppose, de chacune et de chacun, once  de fantaisie et paille de délire – on n’a rien sans rien.  (Les Tours d’illusion, 68.)

 

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À en croire Godard, les animaux ne communiquent pas mais communient en revanche - j’aime assez la nuance, qui vaut à vrai dire ce qu’elle vaut…

 

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Sètes12.JPGHéliopolis, ce 23 mai. - Nous avonsfait cet après-midi escale à Sète, dont j’aime décidément l’aspect de petite ville portuaire à canaux et ruelles, point trop policée et d’un grand charme avec ses maisons à trois étages aux façades à la fois élégantes et décaties, l’étagement de ses places ombragées et de ses « marches » ascendantes, jusqu’au Mont Saint-Clair; et l’heure passée à la librairie de L’Echappée belle a été des plus fructueuse, dont nous avons ramené une quinzaine de nouveaux livres. Riches de notre butin, nous nous sommes ensuite arrêtés sur une terrasse jouxtant le marché couvert, ma bonne amie se plongeant aussitôt dans un essai sur la démocratie de Dominique Schnapper (L’Esprit démocratique des lois) tandis que je tombais illico sous l’emprise du verbe cinglant et coloré d’In Kali Jean Bofane, dont le nouveau roman, Congo Inc., comme il avait commencé de nous le raconter à Lubumbashi, suit la trajectoire d’un jeune Pygmée découvrant, en lisière de forêt vierge, l’univers virtuel des jeux vidéo et de la puissance par procuration, fasciné par la technologie et quittant bientôt sa forêt natale pour la jungle urbaine de Kinshasa. 

Mes jours prochains au bord des dunes seront donc imprégnés d’Afrique puisque j’ai commencé l’autre jour, en descendant la vallée du Rhône, de lire à haute voix les nouvelles de La Minute mongole de notre ami tchadien Nétonon Noël Ndjékéry, qui mêle lui aussi superbement, comme Jean Bofane, l’observation politico-sociale du chaos (de la guerre civile au Tchad, pour sa part) et le magma vivant (et vivifiant) de la vie africaine et de ses gens.

Enfin, pour en revenir au Congo de toutes les violences, je me suis promis d’achever la (re) lecture annotée du tapuscrit d’un autre jeune auteur rencontré à Lubumbashi, Sinzo Aanza, intitulé La brigade des nettoyeurs et modulant le récit d’un enfant soldat ; et ce ne sera pas fini, puisque mon compère Bona Mangangu attend lui aussi un« retour » de ma part sur sesCarnetsdu Sahel également en quête d’éditeur. À croire qu’on me prend, parfois, pour un chasseur de têtes. Mais bon : je ne vais pas me plaindre dans la mesure où ces auteurs africains, chacun à sa façon, contribuent pour beaucoup à une lecture du monde non académique et tonifiante…

 

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Bofane01.jpgAu Cap d’Agde, ce lundi 26 mai. – J’ai marché tôt ce matin sur la plage en profitant du premier soleil de huit heures, resongeant à ma lecture du dernier roman de Jean Bofane, tout à fait intéressant et plus encore, sans qu’il me  transporte comme je l’ai été à la lecture de 2666 de Roberto Bolano. Néanmoins il y a chez l’auteur une verve et un travail sur le langage qui fait de lui un voleur et un violeur de notre chère langue française, tel que nous en avons fait l’éloge, en riant pas mal, lors du congrès de Lubumbashi où nousnous sommes connus en octobre 2012.

 

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En arrivant ce soir au bout de la lecture de Congo Inc.de Jean Bofane, force m’est de convenir qu’il s’agit là d’un assez formidable bouquin, à la fois épique et lyrique, satirique et tragique. J’ai forcé la dose en le qualifiant de « grand roman » sur Facebook, mais c’est un livre puissant et qui fera date, probablement, dans la littérature africaine de ces années.

 

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Contre l’angoisse sourde et la vague sensation de solitude : rien que le travail.

 

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Dans le genre des grappilleurs, j’ajoute ces jours le compère Alain Bagnoud, pour son recueil intitulé Passer, et l’épatant Yves Leclair de retour avec Cours, s’il pleut

 

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Au Cap d’Agde, ce mercredi 28 mai. -  Sept heures dumatin. Marchant sur la plage absolument déserte, je pense à ce nouvel exercice d’écriture que j’ai amorcé cette nuit, à la faveur d’une insomnie, consistant en notes poétiques versifiées que je n’ose trop qualifier de poèmes. Je vais en faire un nouveau recueil que j’ai d’ores et déjà intitulé Devant la poésie qui sera constitué de telles notes sensibles, chacune d’une page, cristallisant un sentiment ou une minute heureuse dans une forme claire et limpide.

 

 

Minutes heureuses

  

Pour L. 

 

Nos premières matinées amoureuses.

 

Les pluies d’été aux fenêtres ouvertes

 

de l’Albergo Toscana,

 

et la couleur orange

 

aux fins d’après-midi

 

sur le Campo.

 

Nuits siennoises.

 

Et les crêtes lunaires au bord du ciel,

 

vers Asciano.

 

Ensuite,

 

Le premier rire

 

du premier enfant ;

 

et le premier rire non pareil

 

du second.

 

Et tous les rires des enfants le dimanche.

 

L’apéro de la smala.

 

Le rôti des dimanches.

 

Présentation de la future.

 

Limoncello de tout ce qui commence.

 

Et puis,

 

les moments allégés d’après l’amour.

 

Les soupirs, les aveux, les pardons, les projets.

 

Et encore,

 

Les heures à se parler,

 

les silences apaisés,

 

 les heurts et douleurs,

 

les écarts et regrets.

 

Et enfin,

 

la douceur des jours

 

accordés.

 

Tout ce temps retrouvé... 

 

 

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Au Cap d’Agde, ce dimanche 31 mai. – Fait divers local : cinq jeunes gens ont perdu la vie avant-hier matin, sur une route voisine, après une course de vitesse qui s’est achevée, pour les deux véhicules se poursuivant, par un double crash contre le même tronc de pin. Je pensais aux proches des victimes, écrasées et brûlées vives,  en cheminant ce matin dans les rues ensoleillées de Sète. Tant de peine pour cette griserie d’une fin de nuit boostée par l’alcool et le cannabis. Pfff…  

 

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Wittgenstein.jpgLudwig Wittgenstein : « Le visage est l’âme du corps. On peut tout aussi peu voir de l’extérieur son propre caractère que sa propre écriture. J’ai une relation unilatérale à mon écriture, qui m’empêche de la considérer sur le même pied que les autres écritures et de les comparer entre elles ».

 

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