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  • Ceux qui culpabilisent

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    Celui qui se tait longuement pour mieux reprocher à son épouse pourtant à son affaire durant l'année de ne pas l'avoir réveillé à l'heure un matin de Noël  / Celle qui se sent coupable de reprocher à sa fille de quinze ans de s'allumer un nouveau joint /   Ceux qui vous regardent avec une infinie lassitude quand vous vous risquez à leur demander de déplacer leur 'tain de voiture de votre place de parc / Celui qui n'ose reprocher son "alcoolisme secret" à sa mère vu qu'elle le partage avec trois autres dames influentes du Parti / Celle qui perçoit un reproche dans la moindre observation qu'on lui fait sur sa cuisine pourtant strictement dans la ligne de la tradition alsacienne / Ceux qui se disent toujours désolés de ceci ou de cela comme si l'Entreprise leur demandait d'être des nettoyeurs parfaits / Celui qui craint d'avoir blessé sa cousine Paule en soupirant quand elle lui a annoncé l'union ouverte de son fils aîné Pipo avec son ex-gendre Popi / Celle qui a parfois l'impression que Dieu veut la punir de sa mammectomie à motif purement esthétique / Ceux qui ressentent de l'abattement en constatant que leur corps est moins fiable au niveau des connexions cérébrales que leur Mac Pro / Celui qui dit "fais-moi signe quand tu auras décidé de grandir" à sa mère repliée sur le balcon de la maison de retraite avec un couteau à longue lame / Celle qui accable sa mère adoptive de reproches au motif qu'elle ne l'a pas assez mise en garde contre la cruauté particulière des beaux garçons /Ceux qui s'excusent auprès de leur fille adoptive qui leur répète qu'ils ne sont pas ses parents tout en continuant de faire l'amour pour leur seul plaisir /Celui qui a appris à désamorcer tout réquisitoire féminin à l'approche des règles de sa conjointe ou de leurs filles votant déjà selon la loi belge / Celle qui dit à son père paraplégique qu'elle l'aime "grand jusqu'à la lune" pour lui faire oublier qu'elle l'a oublié ces derniers mois / Ceux qui ne se sentent aucunement coupables de la Shoah vu que leurs parents n'étaient même pas nés à l'époque / Celui qui n'a jamais eu honte de peloter les joues des enfants au jardin public où tous les jours il va faire pisser son pitbull Roudoudou dont ils tirent la queue sans plus de gêne ni de risque / Celle qui ose s'acheter des fringues chez Bennetton en dépit du regard lourd de sa mère écolo tendance éthique punitive / Ceux qui prennent tout sur eux comme s'ils étaient les co-créateurs de ce monde assez mal foutu dans l'ensemble alors qu'ils ont juste de quoi nouer les deux bouts dans leur pavillon en banlieue, etc.     

     

    Kasischke.jpg(Cette liste a été rédigée dans les marges d'Esprit d'hiver, magnifique dernier roman de Laura Kasischke, très probablement l'une des plus belles lecture à faire en cette fin d'année. Portrait merveilleusement nuancé d'une femme américaine en prise aux démons de la culpabilité, ce roman a paru, comme les précédentes traductions françaises de l'auteure, chez Christian Bourgois. La traductrice, Aurélie Tronchet, n'a pas à se sentir coupable plus que le lecteur ni la lectrice (!), bien au contraire...)               

     

     

  • Ceux qui ont plusieurs voix

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    Celui qui est ténor extra ou basson selon l'humeur / Celle qui est mezzo sur scène et colorature au lit /Ceux qui modulent en fonction de la jauge de la salle de bain / Celui qui se casse la voix et les pieds des autres genre Patrick Bruel en tournée belge / Celle qui se trouve en Rossini comme dans un champ d'oiseaux / Ceux qui donnent autant de la voix que de fil à retordre / Celui qui retrouve les aigus durant ses épisodes d'énervements financiers / Celle qui prend sa voix de garage  pour tancer son fils par trop téméraire trottinettiste / Opéra02.jpgCeux qui entendent des voix durant leur monté au ciel après quoi tout se tait quand Jupiter tonne / Celui qui a eu ses périodes Dalida et Janet Baker mais successivement / Celle qui est sensible au vibrato sexuel de la voix de Johnny Cash sans oser l'avouer à son psy aphone / Ceux qui ont l'oreille absolue mais pas de voix assortie dans le matos génétique / Celui qu'insupporte la voix doucereuse de l'abbé Crampon / Celle dont la voie a semblé tracée dès son contre-ut à la maternité des Bosquets / Ceux qui du dictionnaire préfèrent la "voix" rose / Celui qui se rappelle la voix enregistrée de Bergson comme blanchie par la technologie sommaire de l'époque / Celle qui fuit naturellement les voix aigres / Ceux qui n'ont pas voix au chapitre de l'évêché de Vesoul / Opera04.jpgCelui qui se rappelle avoir interviewé Teresa Berganza en chaussettes d'intérieur style laine des Andes mais sans le bonnet à pattes / Celle qui fond quand elle entend Romeo l'apprenti mécano roucouler sous la fenêtre de son castel en banlieue / Ceux que tannent les voix de l'opéra chinois et pareil pour le kabuki / Celui qui pouffe lorsque Brünhilde vocalise dans son étole de bison / Celle qui affirme qu'ont sent le franc-maçon quand Saratoustra prend sa grosse voix / Ceux auxquels certaines dames prêtent imaginairement des verges d'or au jugé de leur voix d'airain et de leur nez saillant / Celui qui se nommait Chaliapine à son corps de garde défendant / Celle qui prend sa toute petite voix pour demander à son père la permission de sortir en boîte / Ceux qui ont la voix gainée de soie comme les mains invisibles des banquiers sans visages / Celui qui prend une voix docte genre Philippe Sollers parlant de Nietzsche (prononcer Nitch, comme le nain Atchoum) devant un parterre de dames que réjouit la perspective du Buffet offert par France Culture / Celle que la mue de son fils Alban réjouit au motif que les Petits Chanteurs à la Croix de Bois le lui rendront bientôt / Ceux qui avaient des voix d'anges alors qu'ils rêvaient déjà à leur première Harley-Davidson, etc.         

  • Ceux qui parlent tout seuls

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    Celui qui a vu toutes les portes se refermer / Celle qui semble rejetée tacitement / Ceux qui restent interdits devant l’arrachage des arbres du Grand Parc aux fins de projet immobilier financé par les Russes / Celui qui voit ce qui se passe réellement et en conçoit une douleur non moins réelle / Celle dont l’innocente ritournelle est devenue litanie démente / Ceux qui ne retrouvent plus la paix qu’ils ont connue durant la guerre / Celui qui ne supporte plus l’euphorie battante de sa compagne Petula / Celle que leurs poèmes à l’eau de rose sur Internet fait gerber / Celle qui a vu ses fils partir à la guerre économique et en revenir battants ou battus ce qui revient au même à ses yeux / Ceux que le mépris des instruits paralyse / Celui qui aime son travail dont plus personne ne veut sauf quelques-uns qui auront peut-être des enfants amateurs de menuiserie ancienne va savoir / Celle qui n’admet pas l’inattention des hyperactifs / Ceux qui parlent comme des dératés / Celui qui parle à ses chiens Wilie et Sam qui lui répondent d’un même regard responsable et doux / Celle qui s’évade dans les films d’animaux / Ceux qui reprochent aux échos de leur répéter ce qu’ils leur ont dit sans la moindre touche perso / Celui qui se sent si désarmé qu’il pourrait se flinguer / Celle qui découvre qu’elle a été abandonnée par ceux qui l’ont adoptée / Ceux qui n’ont pas renoncé à leur devoir social en dépit de leurs droits bafoués / Celui qui a grandi tandis que ses succédaient sous ses fenêtres un garage en faillite puis un discount de matelas puis un Burger King puis un Multiplex dont les lumières du parking l’empêchent de dormir / Celle qui n’a plus besoin de mots après une bouteille / Ceux qui s’entendent le mieux en parlant fort les fenêtres ouvertes / Celui qui découvre sa première arme dans le miroir de la salle de bain de sa mère célibataire / Celle qui sait pourquoi son fils l’a abandonné et prend donc tout sur elle / Ceux qui évoquent les Coréens et les Chinois pour défendre leur Projet municipal pharaonique / Celui qu’on appelle le métrosexuel de l’Entreprise et qui ne parle à personne qu’aux ascenseurs / Celle qui n’agit dans l’Entreprise qu’en agissante assidue / Ceux qui se considèrent comme des chefs de meute et mordent à l’avenant / Celui qui reste celui qui gagne en martelant les parois intérieures du container dans lequel il a élu domicile après l’effondrement de l’Entreprise / Celle qui a tout perdu sauf le soutien du regard bleu acier de son Barbie Mec / Ceux qui suivent les rails désaffectés d’une voie de garage du Trans/Europe/Expresse en chantonnant des airs italiens , etc.

     Peinture: Pierre Lamalattie

     

  • Opinions sur rue

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    Variations cingriesques (12)

    On trouve, à l'entame de trois feuillets inédits de Charles-Albert Cingria, cette remarque qui me semble essentielle pour le bon usage de ses Propos: "Il y a cet insupportable genre aujourd'hui d'allouer au transitoire - à ce que Platon appelait ce qui est de l'opinion par opposition à ce qui est du connaître - le caractère du définitif".

    Cette distinction entre le point de vue momentané et la connaissance fondée paraît plus importante encore aujourd'hui qu'au temps de Charles-Albert, tant la foison des opinions et leur répercussion tendent aujourd'hui au chaos du n'importe quoi, à l'opposé de tout effort de connaissance. Dire son opinion pour se donner l'impression d'exister...

    Gustave Thibon, que Cingria considérait comme un "tout grand bonhomme", professait la même défiance envers l'expression des opinions: "Gabriel Marcel dit que pour connaître la valeur profonde d'un homme, le dernière chose dont il faut s'enquérir ce sont ses opinions".

    Ceci noté pour relativiser les affirmations souvent péremptoires de Charles-Albert, ou pour inciter le lecteur à les prendre avec un grain de sel.

    On lit par exemple ceci sur un autre feuillet inédit tiré d'un cahier d'écolier: "Je crois que le plus émouvant français est actuellement, comme il l'a toujours été, celui des prospectus pharmaceutiques". Or cette opinion caractérisée est à vrai dire plus qu'une boutade ou qu'un propos en l'air si l'on se rappelle le sérieux avec lequel le poète considère l'aspect usuel de la langue; et puis il fut un temps où la réclame pour onguents ou potions - de la Griffe du Diable à la Musculine Bichon - avait plus de poésie qu'en nos temps de plate technicité. "Ce langage est émouvant parce qu'il est beau et beau parce qu'il est persuasif. La persuasion qui vaut presque la foi déclenche un Niagara de certitude fraîche que peut-être l'équivalent du plus haut lyrisme, un lyrisme qui nous inonde torrentiellement"...

    Plus que l'opinion lancée, c'est évidemment sa formulation qui compte en l'occurrence, qui nous vaut ce "Niagara de certitude fraîche" relevant, bien plus que du jugement: de l'enluminure.

    "Il faut se garder, écrivait Jacques Chardonne, de prendre les écrivains au sérieux", ce qui se discute évidemment, et cela encore: "Il n'y a que l'écrivain qui ait le droit d'écrire n'importe quoi, de publier mille sottises, de se tromper toute sa vie", concluant que "le style n'est pas l'intelligence". À prendre comme une opinion de Chardonne, recevable en cela que nous pouvons très bien aimer un écrivain sans partager ses opinions voire ses idées.

    Cependant est-ce à dire que l'opinion n'ait aucune importance et que l'écrivain, comme l'affirme Chardonne le désabusé, peut écrire n'importe quoi pourvu que ce soit avec style ? Sûrement pas ! Mais encore s'agit-il de distinguer, une fois de plus, ce qui procède du contingent ou du passager, voire de l'ironie, et ce qui ressortit à la pensée ou au sentiment profond de l'auteur. 

    "Je sais bien que je dirai le contraire tout à l'heure", s'exclame Charles-Albert à propos d'une opinion qu'il vient de formuler, pour ajouter aussitôt: "Oui, mais tout à l'heure est tout à l'heure, et ce n'est pas maintenant".

    Reste cependant à dire aussi l'idée qu'il y a là-dessous, ou la "base d'airain", la permanence de chair et d'être qu'il y a sous le flux des opinions.

    L'oeuvre de Charles-Albert Cingria ne tient pas ensemble que par le style et le brio baroque d'une langue aux incessantes surprises: elle est aussi fondue en unité par une sentiment de l'être, non pas un concept ontologique abstrait à la manière allemande (Dasein und so weiter) mais un composé charnel et poétique, poreux et polyphonique de "l'être qui se reconnaît"...

    Charles-Albert Cingria, Oeuvres complètes, tome V (Propos 1). L'Age d'Homme, 1095p

     

  • Ceux qui font l'opinion

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    Celui qui rédige son édito hebdomadaire avec l'intention manifeste de déranger son lectorat de centre-gauche obsédé par la gastro alors qu'une social-démocratie saine doit opter selon lui pour le développement durable forcément bio / Celle qui dans sa rubrique du Temps décide de ce qui est faisable ou non en termes de dressing code visant prioritairement les cheffes de projet libérées et les cadres supérieurs disposant de quelque argent / Ceux qui prônent la différence à tous les niveaux qui fait pièce à toute idée malsaine d'égalité entre les sexes mais aussi de salaires enfin quoi / Celui qui invoque les lois du marché comme d'autres l'immaculée conception ou la justice du Très-Haut / Celle qui fait remarquer à son futur gendre Kevin qu'avec les idées qu'il a professées au brunch de la famille Du Perron (de la branche aînée) il ne va pas monter comme on l'espérait de lui - donc maintenant on réfléchit / Ceux qui changent d'opinion au gré des sondages et du taux d'humidité / Celui qui reproche leur embourgeoisement aux investisseurs lésinant sur les accords avec la Chine pour motifs humanitaires et autres aléas mineurs / Celle qui défait son tricot mais reste sur ses positions quant à la fiabilité de l'horoscope / Ceux qui ont mis au point un logiciel de repérage des opinions inappropriées en matière politique et sociale donc forcément économique et religieuse mais aussi privée voire intime genre Patrice Bonnier qui se dit sur Facebook plus performant en management que la nouvelle responsable du marketing dont l'orientation sexuelle différente et l'origine malgache n'a de toute façon pas à être révélée sous peine de déroger aux règles tacites d'Ernst & Young / Celui qui n'a jamais imposé son opinion à ses fils et héritiers vu qu'ils pensent comme lui / Celle qui a toujours raison depuis qu'elle a gagné au Loto / Ceux qui occupent les plus hauts placés des lits du dortoir et en retirent un aplomb particulier quant à l'expression des idées générales et même particulières, etc.  

  • Ceux qui sont à pitbulls

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    Celui qui a des dents de murène sous sa moustache de postier convivial  / Celle qui a appelés ses Poutine et Raspoutine /Ceux qui les soûlent à la Budweiser à leur corps défendant / Celui qui pense que le chien dressé s'élève à hauteur d'homme / Celle qui se sent sexuellement protégée par son Rottweiler Gilda / Ceux qui aiment le roman Demain les chiens de Clifford Simak / Celui qui achète un body à son fox Peppermint / Celle qui met des boulons dans les boulettes qu'elle balance au barzoï  de ses voisins Bantous  /Celui qui compte sur sa puce pour tracer sa Shi tzu nympho /Celle qui compte sur son bichon Lula pour la brancher sur un Sailor qui assure / Ceux qu'on invite à l'émission protestante  Tous frères avec leur épagneul breton Jean-Baptiste / Celui qui constate que son dogue Moloch salive quand il voit passer la chienne des Pavlov /Celle qui déclare à la radio que les chats sont naturellement de droite tandis que les chiens ça dépend du milieu / Ceux qui sont contre l'acclimatation des toucans / Celui qui craint la duplicité typiquement féminine des bichons maltais / Celle qui n'a pas épousé Gaston de la Mire pour ses chiens mais qui les a gardés après leur divorce  /Ceux qui aboient au téléphone mais ne dorment pas dans le même panier /Celui qui dope sa levrette au tabasco / Celle qui passe ses soirées dans un aspace sans chiens qu'elle appelle le grand monde par dérision / Ceux qui sont dressés à rattraper le temps perdu / Celui a recueilli Satan dns une gadoue / Celle qui explique à la famille circonspecte qu'en tout état de cause Satan est propre depuis son adoption / Ceux qui ont béni Satan quand à la sortie de la paroisse il a sauvé la levrette du pasteur de la noyade, etc.