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Ceux qui parlent tout seuls

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Celui qui a vu toutes les portes se refermer / Celle qui semble rejetée tacitement / Ceux qui restent interdits devant l’arrachage des arbres du Grand Parc aux fins de projet immobilier financé par les Russes / Celui qui voit ce qui se passe réellement et en conçoit une douleur non moins réelle / Celle dont l’innocente ritournelle est devenue litanie démente / Ceux qui ne retrouvent plus la paix qu’ils ont connue durant la guerre / Celui qui ne supporte plus l’euphorie battante de sa compagne Petula / Celle que leurs poèmes à l’eau de rose sur Internet fait gerber / Celle qui a vu ses fils partir à la guerre économique et en revenir battants ou battus ce qui revient au même à ses yeux / Ceux que le mépris des instruits paralyse / Celui qui aime son travail dont plus personne ne veut sauf quelques-uns qui auront peut-être des enfants amateurs de menuiserie ancienne va savoir / Celle qui n’admet pas l’inattention des hyperactifs / Ceux qui parlent comme des dératés / Celui qui parle à ses chiens Wilie et Sam qui lui répondent d’un même regard responsable et doux / Celle qui s’évade dans les films d’animaux / Ceux qui reprochent aux échos de leur répéter ce qu’ils leur ont dit sans la moindre touche perso / Celui qui se sent si désarmé qu’il pourrait se flinguer / Celle qui découvre qu’elle a été abandonnée par ceux qui l’ont adoptée / Ceux qui n’ont pas renoncé à leur devoir social en dépit de leurs droits bafoués / Celui qui a grandi tandis que ses succédaient sous ses fenêtres un garage en faillite puis un discount de matelas puis un Burger King puis un Multiplex dont les lumières du parking l’empêchent de dormir / Celle qui n’a plus besoin de mots après une bouteille / Ceux qui s’entendent le mieux en parlant fort les fenêtres ouvertes / Celui qui découvre sa première arme dans le miroir de la salle de bain de sa mère célibataire / Celle qui sait pourquoi son fils l’a abandonné et prend donc tout sur elle / Ceux qui évoquent les Coréens et les Chinois pour défendre leur Projet municipal pharaonique / Celui qu’on appelle le métrosexuel de l’Entreprise et qui ne parle à personne qu’aux ascenseurs / Celle qui n’agit dans l’Entreprise qu’en agissante assidue / Ceux qui se considèrent comme des chefs de meute et mordent à l’avenant / Celui qui reste celui qui gagne en martelant les parois intérieures du container dans lequel il a élu domicile après l’effondrement de l’Entreprise / Celle qui a tout perdu sauf le soutien du regard bleu acier de son Barbie Mec / Ceux qui suivent les rails désaffectés d’une voie de garage du Trans/Europe/Expresse en chantonnant des airs italiens , etc.

 Peinture: Pierre Lamalattie

 

Commentaires

  • Oui je suis confus de mes confusions, mais je voulais juste dire que je retrouvais chez Cingria, cette pâte particulière de la réalité paradoxale de l'amour qui nous angoisse tous jusqu'à la mort...jusqu'à ce que l'expression de l'amour de dieu, d'abord envers soi, soit intériorisé et comme confondu a l'amour de soi ou substitué a cette pulsion sans langage, d'ou nait et ou retourne pourtant tout amour, c'est a dire toute logique du désir et toute réalité (la tache étant bien évidemment de faire advenir la réalité paradoxale de l'amour, par tout ceux qui ne craignent pas de s'y sacrifier) qui se fait "langue", au sens de pâte, dans un sens trés matériel, au sens ou dieu ne pense pas mais crée, qui subvertie toute immédiateté et parachéve l'individu dans sa propre réalité transcendée...que Cingria et Ramuz (dont j'ai adoré "la taille de l'homme") rendent bien. Et qui se faisant ne font que repeter le geste du Pere de la foi, lorsqu'il leva le couteau sur la signification terrestre de sa paternité.
    PS: personnellement je ne connais pas d'autre ouverture et fermeture des portes du monde que celle la.
    Bien a vous, jerome.

  • Ceux qui claquent des dents en entrant au collège / Ceux qui prennent de l'âge en peu de temps / Celle qui passe ses journées accroupie à faire tourner sa toupie rouge / Celui qui déclenche son mécanisme de détresse à la moindre alerte / Ceux qui s'aiment et passent sans rien voir / Ceux qui s'atrophient la cage thoracique en se planquant / Ceux qui stoppent les frais de descendance / Celui qui est arc-bouté sur son obsession / Ceux qui se parlent tous les jours avec les mêmes phrases...

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