UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ceux qui culpabilisent

PanopticonT3.jpg

Celui qui se tait longuement pour mieux reprocher à son épouse pourtant à son affaire durant l'année de ne pas l'avoir réveillé à l'heure un matin de Noël  / Celle qui se sent coupable de reprocher à sa fille de quinze ans de s'allumer un nouveau joint /   Ceux qui vous regardent avec une infinie lassitude quand vous vous risquez à leur demander de déplacer leur 'tain de voiture de votre place de parc / Celui qui n'ose reprocher son "alcoolisme secret" à sa mère vu qu'elle le partage avec trois autres dames influentes du Parti / Celle qui perçoit un reproche dans la moindre observation qu'on lui fait sur sa cuisine pourtant strictement dans la ligne de la tradition alsacienne / Ceux qui se disent toujours désolés de ceci ou de cela comme si l'Entreprise leur demandait d'être des nettoyeurs parfaits / Celui qui craint d'avoir blessé sa cousine Paule en soupirant quand elle lui a annoncé l'union ouverte de son fils aîné Pipo avec son ex-gendre Popi / Celle qui a parfois l'impression que Dieu veut la punir de sa mammectomie à motif purement esthétique / Ceux qui ressentent de l'abattement en constatant que leur corps est moins fiable au niveau des connexions cérébrales que leur Mac Pro / Celui qui dit "fais-moi signe quand tu auras décidé de grandir" à sa mère repliée sur le balcon de la maison de retraite avec un couteau à longue lame / Celle qui accable sa mère adoptive de reproches au motif qu'elle ne l'a pas assez mise en garde contre la cruauté particulière des beaux garçons /Ceux qui s'excusent auprès de leur fille adoptive qui leur répète qu'ils ne sont pas ses parents tout en continuant de faire l'amour pour leur seul plaisir /Celui qui a appris à désamorcer tout réquisitoire féminin à l'approche des règles de sa conjointe ou de leurs filles votant déjà selon la loi belge / Celle qui dit à son père paraplégique qu'elle l'aime "grand jusqu'à la lune" pour lui faire oublier qu'elle l'a oublié ces derniers mois / Ceux qui ne se sentent aucunement coupables de la Shoah vu que leurs parents n'étaient même pas nés à l'époque / Celui qui n'a jamais eu honte de peloter les joues des enfants au jardin public où tous les jours il va faire pisser son pitbull Roudoudou dont ils tirent la queue sans plus de gêne ni de risque / Celle qui ose s'acheter des fringues chez Bennetton en dépit du regard lourd de sa mère écolo tendance éthique punitive / Ceux qui prennent tout sur eux comme s'ils étaient les co-créateurs de ce monde assez mal foutu dans l'ensemble alors qu'ils ont juste de quoi nouer les deux bouts dans leur pavillon en banlieue, etc.     

 

Kasischke.jpg(Cette liste a été rédigée dans les marges d'Esprit d'hiver, magnifique dernier roman de Laura Kasischke, très probablement l'une des plus belles lecture à faire en cette fin d'année. Portrait merveilleusement nuancé d'une femme américaine en prise aux démons de la culpabilité, ce roman a paru, comme les précédentes traductions françaises de l'auteure, chez Christian Bourgois. La traductrice, Aurélie Tronchet, n'a pas à se sentir coupable plus que le lecteur ni la lectrice (!), bien au contraire...)               

 

 

Commentaires

  • Celle qui ne sait pas s'en remettre aux mots de son cru :)

Les commentaires sont fermés.