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Milou au Congo

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Celui qui te souhaite de profiter de l’Afrique comme on dirait à un Africain de profiter de la Suisse et, spécialement, de sa pâte à tartiner Le Parfait, etc.

 

NOS ANGES GARDIENS. - J'avais rêvé que la nuit d'Afrique à gueule de crocodile m'avalait, comme Milou en est menacé dans Tintin au Congo, puis le sourire de ma bonne amie a éclairé mon réveil, j'ai bouclé mes valises, nous nous sommes quittés devant  la gare de Montreux le coeur un peu serré, elle m'a dit de penser à elle et j'ai souri en me disant que nos anges gardiens puisent en nous leur propre force - et déjà j'avais les tripes et le coeur en Afrique avant d'y mettre le premier pied, me replongeant, en train, dans la lecture entreprise la veille des Mathématiques congolaises de Jean Bofane; le tendre paysage de La Côte défilait aux fenêtres et je me trouvais entraîné dans la gabegie de Kinshasa, je voyais passer les villas de nababs du bord du lac et je lisais la scène atroce du gosse massacré par le sergent-chef Personne chargé de driller  les enfants-soldats; enfin je débarquai à Geneva Airport et retrouvai mon compère Max le Bantou avec lequel je me trouvais investi de la "haute mission", c'était marqué sur notre feuille de route, de représenter  la Confédération au Congrès des écrivains francophones à Lubumbashi - et Max me disait que son ange gardien à lui, sa mère à Douala, lui avait recommandé tout à l'heure,  au téléphone, de ne pas oublier d'emporter là-bas "La Parole"...                              

                                                                               (Dans l'avion de Rome, ce 23 septembre 2012)

 

DU CHAORDRE. - Tout de suite, touchant terre dans la touffeur de Lubumbashi, anciennement Elisabethville en son avatar colonial, m'a ravi le chaos organisé de cette Afrique-là.  Ah mais nos bagages étaient-ils arrivés, se trouvaient-ils dans l'entassement pyramidal jouxtant le tapis roulant ne roulant plus depuis longtemps, n'y avait-il pas de quoi s'inquiéter ? Mais non:   car dix, vingt, trente lascars aux gilets marqués de l'enseigne KATANGA EXPRESS nous pressaient de leur confier la recherche de nos précieux bagages moyennant quelque monnaie, et voilà que surgissait, rayonnant du plus alerte sourire d'accueil, le bien nommé  Chef du Protocole chargé de notre accueil solennel... 

Lushi1.jpgLE CAFARD. - L'hymne solennel de la francophonie avait  déjà marqué l'ouverture du Congrès de Lubumbashi mais nous avions manqué ça et roulions maintenant à tombeau entr'ouvert dans le 4x4 noir corbillard du Chef du Protocole à faciès de fossoyeur  hilare.

Nous étions tombés du ciel des songes dans la réalité cauchemaresque de la route congolaise où le spectre de l'Accident se trouvait déjoué à tout coup par le chauffeur entre déboîtements slalomés et déhanchements zigzaguants, mais curieusement je n'éprouvai aucune anxiété, tout à l'observation des visions  quasi surréelles qui se déroulaient le long des chaussées aux boutiques chamarrées et aux impayables enseignes; et partout des gens à vaquer, de bizarres arbres perchés sur des buttes, des femmes portant de hauts paniers en ondulant noblement, la ville s'annonçant dans les herbes, des terrains vagues et des friches - et voici que fièrement notre guide protocolaire  nous signalait les bâtisses de l'Administration Académique avant de bifurquer dans une zone défoncée entourée de bâtiments décatis aux diverses inscriptions de facultés - ainsi notre délégation suisse de deux pelés se pointait-elle au seuil du Grand Parloir où, tout soudain, une présence intruse se signalait dans ma chevelure encore mal démêlée de notre récent vol de nuit; et Max le Bantou  de chasser l'importun d'une chiquenaude élégante: bah, mais ce n'est qu'un cafard qui te souhaite la bienvenue ! 

 

L'AREOPAGE . - Ensuite plus beaux, plus lustrés, plus étincelants dans leurs costars à rayures  et leurs chaussures à reflets, plus dignes et plus fringants que les magisters universitaires africains: jamais je n'avais vu jusque-là, et jamais mêlée, surtout, à tant de théâtrale apparence, tant de débonnaireté; puis les écrivains nous accueillaient eux aussi tout sourires, plus décontractés en leur apparat, dont  j'identifiai quelques-uns rencontrés, entre Paris ou Saint-Malo, dans l'autre Afrique essaimée, d'un Sami Tchak l'autre...

 

Lushi5.jpgVOLEURS ET VIOLEURS. -  De nos premiers débats de francophones aux multiples provenances se dégagea, dès ce premier après-midi au Grand Parloir, le thème délicat assurément du vol de la langue et du viol de celle-ci. Les avis étaient partagés, contrastés, aiguisés par la présence de quelques dames se tenant les côtes.

Tel estimait que son usage de la langue française relevait d'un indéniable vol, et qu'il en ressentait quelque gêne, tandis que tel autre affirmait que les langues africaines  pouvaient se prévaloir d'une antériorité  remontant au siècle d'Hérodote ou à de plus haute sources encore dont le français ne faisait que découler; et la question du droit de cuissage exercé par l'écrivain fut également l'objet d'un volubile échange tandis que l'orage y allait de ses arguments grondants.

Or le premier jour des travaux tirait à sa fin. Le vent et la pluie à larges gouttes nous circonviendraient bientôt. Je n'en finissais pas pour ma part, déjà, de m'enchanter d'un peu tout. Nous filions enfin le long d'une route aux boues ocres éclaboussée par les sacs de pluie crevant dans les nuées. Nous nous trouvions comme dans un rêve éveillé sur une chaussée élastique bordée de campements à feux couverts. L'on voyait des silhouettes bouger entre vapeur et fumée. C'était l'Afrique tout cela, me disais-je, mais comment le dire en français ?       

      

 (Extrait d'un livre en chantier)

 

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