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Conversation sous les étoiles

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Sur le dialogue. - Nous étions l'autre soir une chic équipe de poulains et parrains littéraires, sur la terrasse presque estivale d'un café du coeur de Lausanne, à parler de choses et d'autres en nous régalant de cuisine italienne, quand la plus jeune du quintet, prénom Isabelle (Isabelle Aeschlimann, auteure jusque-là d'un seul livre, Un été de trop), lança comme ça la question du dialogue: bonne question.

La question du dialogue est en effet des plus intéressantes, rarement évoquée par la critique, en cela qu'elle est ce moment du roman où le personnage se dessine par ce qu'il dit et se définit par rapport à son interlocuteur. Le dialogue n'est évidemment qu'un moment du roman, il peut être explicite ou implicite, mais si ce détail sonne faux, gare à l'ensemble. Au cinéma, c'est pareil, où tant de films sonnent faux parce que leur dialogue reste artificiel - l'observation est assez accablante pour le cinéma suisse romand, notamment. Mais un certain cinéma français très dialogué pèche aussi, souvent, par excès de mots d'esprit et autres vannes flattant le public. Le vrai dialogue est une sculpture mobile dans l'espace. Le dialogue travaille le verbe en 3D. En passant, j'ai indiqué à la jeune Isabelle la piste des romans de la chipie anglaise Ivy Compton-Burnett, essentiellement tissés de dialogues qui "tiennent" l'espace et le temps d'incomparable façon.

Or  Jean-Michel Olivier, présent à notre table et d'ailleurs parrain de la jeune Isabelle, a lui aussi faufilé tout son dernier roman, Après l'orgie, par le truchement d'un dialogue étincelant entre une jouvencelle chinoise déjantée  et un psy confit de jobardise; et l'autre jeunote de la compagnie , Anne-Frédérique Rochat (auteure pour sa part d'Accident de personne et Apnée), s'est déjà fait remarquer pour ses dialogues de théâtre incisifs voire barbelés; enfin l'ami Quentin Mouron, également de la partie. nous étonnera encore dans le même registre: cela ne fait pas un pli. Autant dire que la conversation sous les étoiles n'avait rien d'artificiel ou d'académique !  

 

Simenon5.jpgDétour par Michel Audiard

Cette question du dialogue est abordée, non sans pertinence mordante, dans un petit livre d'Alain Paucard, Président du Club des Ronchons, récemment réédité chez Xénia et consacré à Michel Audiard en ses oeuvres de verbe et de celluloïd, au titre de grand dialoguiste comparable à un Henri Jeanson.  

Anar réac assumant jovialement sa liberté d'esprit, Alain Paucard distingue bien le dialogue français authentique monté de l'humus populaire et sa contrefaçon argotique de salon ou de bar chic. Grand connaisseur de cinéma, il oppose en outre les observateurs tendrement pessimistes  de la société (les Marcel Aymé, Duvivier et consorts) et les   artisans de cinéma  point trop sophistiqués ou moralisants (John Ford contre Hitchcock ou Kubrick), aux intellos des années 60 jugeant le cinéma populaire du haut des Cahiers qu'on sait...

Et Paucard de préciser cela de très juste: "Le dialogue de film n'est pas de la littérature. Audiard, qui aime Simenon, l'a adapté plusieurs fois et n'a pas gardé une ligne du dialogue originel que pourtant il appréciait." Cependant un écrivain, poulain ou parrain, aurait beaucoup à apprendre des meilleurs artisans du dialogue, que ce soit au théâtre (relire Anouilh !)  ou au cinéma. L'une des faiblesses récurrentes du cinéma romand et de la littérature de même souche est d'ailleurs là, je le répète lourdement: platitude ou pédanterie du dialogue, sans parler des carences de scénars...

 

Eva.jpgQuestion métier. - Bref, il faut revenir aux maîtres du genre, et par exemple aux nouvelles ciselées en finesse de Scott Fitzgerald ou aux premiers récits, à la fois comiques et plombés de mélancolie, de Tchékhov. Ou bien, exercice du jour pour votre atelier d'écriture, Madame, ou pour votre cours magistral, Monsieur, en l'Institut littéraire à fronton de Haute Ecole Spécialisée productrice de diplômes d'écrivaines  et d'écrivains (point trop vaines on espère. et non moins vains), cette leçon formidable que reste la revoyure, pour la énième fois, du chef d'oeuvre de Mankiewicz intitulé All about Eve, à détailler plan par plan pour le dialogue et sa mise en bouche par Bette Davis et Ann Baxter. autant que pour sa mélodie d'images...     

Commentaires

  • En lisant votre note aujourd'hui j'en suis resté un quart d'heure bouche bée. Mais bon sang comment savez vous ça, jean-louis? On ne peut pas vous échapper. Vous avez des yeux et des oreilles partout. Mais puisque vous en êtes la alors laisser moi vous raconter l'anecdote qui a précédé, et que je ne suis pas prêt d'oublier. La vie du chrétien est une suite d'énigme et de miracle. Je suis apiculteur mais la MSA ne m'en a jamais conféré le statut, je suis prof vacataire, peut être prof dans l'âme, mais mes pairs n'ont jamais voulu le reconnaître non plus ; de sorte que j'habite vit et travail dans un pays ou je n'ai aucun droit et presque aucun papier; ni couverture maladie, ni assurance santé, ni retraite etc ; par ailleurs, comme pour tout paysan, l'hiver est une période chômée. Il y a de cela quelques années j'avais fais une demande de dossier pour vacataire au rectorats. J'avais renvoyé les papiers et les choses en étaient restées la. Une année pourtant l'académie me confia un poste. Dans un gros lycée un peu huppé de la périphérie toulousaine. Les élèves m'adoptèrent de suite et selon leurs dire je les électrisé. Il faut dire que j'aime mélanger les genres : expliquer les paradoxes de la relativité a partir du paradoxe Abrahamique, ou lire le « pot a lait » dans un cours sur le désir....En outre je n'enseigne pas en vue de produire des diplômés, mais tout le contraire, en vue d'armer les gosses d'une vision claire du chaos de la vie, qui leur permettra de la traverser sous la motion d'un ciel idéal. Une sorte de rumeur ne tarda pas a se répandre dans le lycée. Mais en discutant avec les autres profs, les vrais, je me rendit de suite compte qu'il n'y avait aucune unité, aucun lien entre les matières; et que donc cela devait bien être la même chose dans l'esprit des enfants dont les week-end très alcoolisés me rappelait mon adolescence borderline et du besoin non satisfait par l'école que j'avais ressentie, d'y voir clair dans la vie; mais l'école en france fait tout le contraire, elle divise mentalement l'unité de la vie, elle tue ainsi toute réflexion et toute imagination nécessaire a la synthèse des savoirs ; or pour un philosophe aucun principe n'est aussi important que celui de l'unité ; les dialogues entre spécialistes dans la salle des profs, étaient quasi inexistant, aussi je m'efforçais d'interroger socratiquement tout ceux que je fréquentai entre les pauses de cours, pour dénouer par l'absurde un peu de cette sclérose en plaque qu'on vend aux têtes blonde pour de la culture. De sorte que peu a peu, les beaux jours arrivant, une grande partie du corps enseignant se rejoignait dehors entre les cours pour discuter, échanger comparer et les habitudes commencèrent a changer dans le lycée. Les matières se heurtaient les unes aux autres, les vérités circulaient, j'étais content ; parce que vous comprenez, jean louis, je ne sais rien de la culture romande mais je sais que la culture francaise est en train de mourir, d'être trop séparée, nomenclaturée dans des compartiments étanches qui sont le contraire de la vie. J'eus aussi le bonheur de dire a un prof de physique qui se la péter en ironisant sur ma religiosité, qu'en l'absence d'unité je ne donnais pas cher de son equilibre mental....bref j'y allais franco...parce que la suprématie de l'inculture du chiffre est assurément un facteur aggravant dans la crise de culture actuelle Certainement je ne me fis pas que des amis . La rumeur s'amplifia a mon sujet et on me colla une inspection (alors qu'en france on n'inspecte jamais les bouches trou remplaçant dans mon genre). Ma « réputation » était telle que tout le monde voulait me parler et me toucher ; du cuistot a la bibliothécaire du cdi. C'était une sorte de moment de gloire qui a la fois me fit plaisir et honte. J'achetais des lunettes de soleil et je rasais les murs. Bien sur on me vira purement et simplement. Certainement était on convaincu que je n'étais qu'un punk troublions; certainement aussi prit-on pour trouble a l'ordre public, ce que je prenais moi pour une émulation revivifiante de la culture francaise par le dialogue entre les sciences mortes parce que morcelées. Quoiqu'il en soit je ne su jamais rien des raisons de mon exclusion. On ne me réembaucha plus c'est tout; aucune explication ne me fut donnée; je ne reçu aucun compte rendu de mon inspection, aucun blâme officiel; tous se passa comme une sorte de conciliation pour nier jusqu'à mon existence même; et quand j'appelais une énième fois le rectorat pour en obtenir une, on me signifia que mon dossier avait disparu....souvent les gens s'imaginent que des que je suis la çà y est c'est le bordel, mais non, pas du tout, c'est très cohérent pour moi toute cette démarche; puis a nouveau ce fut le silence jusqu'à cette année ou un proviseur de lycée de ma région dînant avec son pair de mon ancien lycée, lui fit part d'une certaine guerre larvée entre deux prof de philo de son établissement, et son besoin urgent d'un prof qui prennent la classe a l'origine du conflit d'emploi du temps...le type lui a refilé mon nom, et m'a embauché en mettant le rectorat le nez dans son cacas...je vous dis pas la gueule de l'inspectrice, lorsqu'en cours d'année, elle me voit réapparaître a la commission d'évaluation du bac....mais n'aller pas croire que j'en ait tirer une quelconque vengeance; je me tamponne au dernier degrés des pseudo érudits diplômés, et c'est je crois ce qui fais qu'un philosophe en est un plus que sur papier; mais ils me l'ont fait payé.

  • Cher Jérôme,

    Je vous capte 5 / 5. Vous êtes un pur mais hélas mal adapté à la Machine. Je vois très bien ce dont vous parlez mais seul le délire sage peut remédier. Ou le travail genre facteur Cheval philosophe. Continuez de vous tamponner de tout ça et sachez que mon Isba d'été vous est ouverte avec 5555 livres et une bouteille de rhum renouvelable. Bien à vous. Jls

  • Merci pour la séance de lecture enrhumée sur les alpages et pour le reste...un jour
    peut-être, qui sait?
    Je vous embrasse, Jerome.

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