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  • Ceux qui lisent dans les salles d'attente

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    Pour Lambert Schlechter

    Celui auquel les rires enregistrés foutent le cafard / Celle qui découvre toujours de nouvelles têtes dans Closer / Ceux qui suivent le mouvement de la foule encerclée / Celui qui trouve que Marc-Edouard Nabe ne mérite pas sa réputation ni dans un sens ni dans l'autre / Celle qui déjoue la méchanceté d’une certaine France suffisante et coincée à la fois / Ceux qui lisent Le Murmure du temps sans stresser / Celui qui revient toujours à ces livres qui sentent bon la littérature comme Le retour de Philippe Latinovicz de Miroslav Krleza découvert à vingt ans à Trieste dans le café d’Umberto Saba alors qu’il bruinait sur la ville / Celle qui cultive les amours difficiles avec d’autres femmes à cran / Ceux qui ont été heureux cet été-là à Positano où le personnage de Ripley est apparu à Patricia Highsmith qu’ils ont rencontrée au Miramar et avec laquelle ils ont eu un contact assez tendre / Celui qui se trouve plutôt bien à bord du Titanic actuel / Celle qui évoque la Révolution dite du jasmin avec un trémolo censé lui faire croire à elle-même qu’elle est concernée alors qu’elle n’est allée qu’une fois au Club Med de Djerba et que ça ne s’est pas superbien passé avec Brahim et les autres mecs qui n’en voulaient qu’à son chose et à ses dinars / Ceux qui disent j’hallucine chaque fois que tu sors une vanne inappropriée / Celui qui lance «à très vite» à ceux qu’il n’est pas autrement pressé de revoir / Celle qui a vécu des moments amicaux irremplaçables sans se rappeler précisément avec qui / Ceux qui découvrent les délices de la déconnection tout en restant hypersensibles à l’hypertexte / Celui qu’on cherche activement sur Facebook « dans l’intérêt de la famille » / Celle qui se planque downtown où personne n’aurait l’idée de la chercher / Ceux qui ne sont joignables que sur répondeur et seulement par identification vocale excluant les raseurs dont tu n’es pas mon chéri / Celui qui arrive de plus en plus en retard par réflexe de survie / Celle qui dit qu’elle est surbookée alors qu’elle lit tranquillement les notes rêveuse de cet écrivain luxembourgeois que lui a recommandé à l’époque l’adorable Gerhard Meier autre maître en rêverie / Ceux qui ont découvert Gerhard Meier par Handke / Celui qui relève une parenté certaine entre Le Poids du monde de Peter Handke et Le murmure du monde de Lambert Schlechter / Celle qui a pleuré comme une Madeleine lorsqu’elle a vu le film consacré à Gerhard Meier qu’on voit d’abord avec sa femme hyper-complice et ensuite sans elle à exorciser son chagrin dans son admirable Ob die Granatbäume blühen / Ceux qui ont fait le pèlerinage de Niederbipp comme d’autres ont fait celui de Carrouge pour goûter chez Gustave Roud / Celui qui profite de cette liste publiée sur Facebook pour faire remarquer à son ami Lambert que Meier ne s’écrit pas Meyer mais Meier / Celle qui a offert un exemplaire rare de la traduction française des Trois Ours de Tolstoï à Gerhard Meier le tolstoïen que celui qui rédige cette liste a retrouvé par miracle dans un lot de livres d’enfants de la bouquinerie de Philippe Jaussy, au lieudit Le Sentier, à l’enseigne de La Pensée sauvage / Ceux qui recopient ce matin serein (montagnes enneigées, ciel de traîne et silence sur le val suspendu) ces mots du Murmure du monde : «il y avait des hivers avec de la neige, il y avait des soirs avec des hirondelles, l’herbe poussait, et aujourd’hui l’herbe continue à Pousser », etc.

    Image : Les Trois ours de Léon Tolstoï. Traduction française avec les dessins de V. Lebedev. Exemplaire ayant appartenu à Gerard Meier, auteur de Borodino.

    (Cette liste a été établie en lisant Le murmure du monde de Lambert Schlechter, paru au Castor astral en 2006.)

  • Cinéaste du plus-que-réel

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    Le réalisateur lausannois Jean-Stéphane Bron décroche le Prix de Soleure pour Cleveland contre Wall Street.

    Le «génie helvétique» en matière de documentaire a été récompensé hier, au terme de la  46e édition des Journées du cinéma suisse, avec l’attribution du Prix de Soleure, d’une valeur de 60.000 francs, à Cleveland contre Wall street de Jean-Stéphane Bron, un documentaire traitant de la crise des « subprimes» aux Etats-Unis sous la forme d’un procès fictif. 

    Très remarqué dès sa sortie à la prestigieuse Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, non moins favorablement accueilli par la critique et les médias français et romands, nominé pour les prochains Césars, le 4e long métrage de Jean-Stéphane Bron a déjà « cartonné » en France (plus de 85.000 spectateurs) et en Suisse romande (28.000 spectateurs), et sera distribué aux Etats-Unis dès mars prochain. 7 ans après le Prix du cinéma suisse à Maïs im Bundeshuus ; le Génie helvétique, Jean-Stéphane Bron dit son bonheur d’être également reconnu « au village »…

    -         Que représente pour vous ce Prix de Soleure ?

    -         Je suis évidemment comblé, d’abord parce que les films nominés, tous genres confondus, étaient de haut niveau, et surtout parce que ce prix récompense un travail de longue haleine dans sa préparation, particulièrement difficile dans sa réalisation. Ainsi, le 22 juillet 2009, date du début du tournage de trois semaines, rien n’était joué : je n’avais aucune assurance quant à la réussite du « procès ».  J’ai eu l’énorme chance de tomber sur les bonnes personnes, plus précisément la plaignante de choc Barbara Anderson et l’avocat Josh Cohen, puis de compléter ma « distribution »  avec des témoignages-clefs. 

    -         Comment expliquez-vous que vos « acteurs »  des deux bords aient joué le jeu avec tant d’engagement ?

    -         Un prof genevois, Jérôme David, l’a remarquablement expliqué par le fait que je les ai fait jurer « devant Dieu », ce qui compte en effet aux Etats-Unis. Cette composante a en somme fait « oublier » le côté factice du procès filmé.  Part ailleurs, les Américains ont gardé cette capacité de critiquer ouvertement et radicalement le système auquel ils participent. Tous les intervenants ont senti l’enjeu symbolique de ce procès, y compris le fameux Peter Wallison, ancien conseiller de Reagan et chantre de l’ultra-libéralisme.    

    -           Qu’en est-il de la distribution du film aux Etats-Unis ?

    -         La situation vient de se débloquer, et le film sera projeté dans les plus grandes villes, à commencer par Cleveland, New York. Chicago, Los Angeles, San Francisco  dès la mi-mars. Pour la version américaine, la fin a été légèrement modifiée par l’ajout de « cartons » qui en actualisent l’impact tout en palliant ce que la conclusion pouvait avoir de frustrant. Je suis très curieux de la découvrir. Ce qui est important à relever, c’est que la réalité a dépassé ma conclusion en suspens…

    -         Vous voulez dire que le film a eu un impact sur la réalité économique ?

    -         Plus exactement, c’est la ville de Cleveland qui, à la suite du « procès », a enregistré de nouvelles plaintes, qui ont ensuite fait boule de neige dans d’autres villes des Etats-Unis. Par ailleurs, le succès d’Inside Job de Charles Ferguson, traitant lui aussi de la crise financière sur la base d’une investigation très serrée, nous fait espérer un bon accueil…

    -         Avez-vous des projets en chantier ?

    -         J’en ai plusieurs, dont un film qui devrait se tourner à Genève et dans lequel j’aimerais décrypter le fonctionnement de l’OMC…    

     

     

  • Ceux qui se font du cinéma

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    Celui qui prétend vivre une vie dangereuse en dépit de son salaire de fonctionnaire de la culture cachetonnant à la télé / Celle qui est toujours en instance de casting / Ceux qui citent volontiers ce qu’ils ont dit la semaine dernière à France Culture / Celui qui affirme que le palace de Gstaad n’est plus ce qu’il était avant l’arrivée des Hallyday / Celle qui envoie son dernier recueil de vers à PPDA pour « au cas où » / Ceux qui ont été de tous les aftères des années 90 après quoi y a plus qu’à tirer l’échelle / Celui qui annonce le tsunami éditorial de son prochain roman à clefs / Celle qui se fait un brushing ébouriffé genre après le viol sauvage de la Bête / Ceux qui ne parlent qu’en termes de goût pluriel / Celui qui remarque que celui qui lit du Sade n’engage que lui / Celle qui affirme que Sade doit être jugé en fonction des séquelles du sadisme dans les cours de récré / Ceux qui te reprochent ton « rire inapproprié » et auxquels tu réponds par un regard qui signifie que tu leur pisses au cul mais ces gens-là ne savent plus lire dans les yeux des malappris de ton espèce et ça vaut mieux pour l’ambiance / Celui qui te demande comment tu te situes dans le champ littéraire et auquel tu réponds que tu y pionces volontiers les côtes en long / Celle qui optimise la valeur « soleil » de sa journée de battante / Ceux qui n’en ont qu’au sous-texte / Celui qui suinte de compassion dès que la caméra tourne / Celle qui ouvre un Espace Lecture où elle espère s’éclater avec de jeunes poètes attentifs à des muses d’un certain âge / Ceux qui ont les enfants en horreur surtout en piscine couverte / Celui qui montre son vilain membre à une écolière qui passe son chemin sans rien remarquer vu qu’elle est myope comme un ange / Celle qui croit que sa fille ira au ciel plus tard et qui aura en effet un tas d’amants charmants plus tard ou peut-être même avant / Ceux qui se préparent à fêter les 35 ans de la mort du chat de Céline qu’était pas antisémite au moins celui-là, enfin j’espère Bébert, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui sont tout bio

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    Celui qui se trouve seul à Soleure devant une salade de céleri censée le faire saliver / Celle qui pèle sa pomme dont elle n’ingère que la pelure vu que c’est là que se concentrent les bonnes énergies / Ceux qui mastiquaient une noisette jusqu’à trois cent fois en 1974 et le font aujourd’hui en invoquant l’éternel retour / Celui qui cherche en cette « ville de culture » un enregistrement potable de Lucio Silla et ne trouve que des merdes des Solisti Veneti et d’André Rieu entre le rayon des strings excitants pour employés de bureau et celui des soutifs de viscose pour cheffes de projet / Celle que la vulgarité du cretinus terrestris a toujours portée à l’hilarité ah ah ah / Ceux qui se disent que cette préparation vinaigrée à base de rampon et de croûtons doit être hyper-efficiente au niveau des neurones vu son prix / Celui qui allume son cigare au milieu de la Séance de Méditation où tous se sentent participer au Grand Un / Celle qu’on taxe de cynisme pour sa façon de désamorcer toute forme de Transport Spirituel / Celui qui ne jure que par les derniers quatuors de Beethoven et le rappelle volontiers sur Facebook / Celle qui cite Rothko pour donner le ton dans le cocktail des La Poisse de Miremont dont elle cherche à attirer l’attention du fils designer / Ceux qui ont toujours un enthousiasme d’avance / Celui qui affirme avoir lu tout Proust sans en rien retenir ce qui prouve juste qu’il est à la fois mythomane et con / Celle qui te regarde de haut parce que tu kiffes Torugo / Ceux qui ne comprennent pas qu’on puisse préférer le Tasse à L’Arioste et la Fan Cruiser Toyota à la Cherokee 4x4 / Celui qui en pince tout à coup pour Tallemant des Réaux alors qu’il a fait HEC / Celle qui décore sa conversation comme d’autre le font de leur coin-cuisine / Ceux qui ont le coup de cœur sur la main / Celui qui se dit citoyen du monde du spectacle tendance intermittent solidaire / Celle qui embrasse la cause kurde pour faire chier l’ami turc de sa sœur Aglaé / Ceux qui font honte à l’Espace Schengen / Celui dont le cœur a été trafiqué dans le dos du Dr Kouchner / Celle qui donne dans le télévangélisme militant de base / Ceux qui annotent les Poëmes de Dominique de Villepin cette grande âme disent-ils / Celui qui exalte l’exception cuculturelle française / Celle qui adopte un orphelin pour amuser son bonobo / Ceux qui ont passé de la macrobiotique à la nanothérapie, etc.


    Image : Philip Seelen

  • Un autre amour


    Sulzer2.jpgUn profond et lancinant mélange de douleur et de douceur, nimbé de mélancolie, imprègne les romans d’Alain Claude Sulzer, comme par compensation de la violence et de la dureté du monde et des gens. Après Un garçon parfait qui évoquait, sur un ton doux-amer, un amour de jeunesse dans un palace suisse préservé de la guerre, revisité des décennies après l’épisode amoureux liant le narrateur et un jeune gigolo, Une autre époque ressaisit une relation homosexuelle, longtemps occultée, et marqué par un double suicide, avec le même recul dans le temps, qui ajoute au charme du récit – un peu comme une vieille photo retrouvée.

    Sans effets de style trop visibles, Sulzer module ses récits avec une sorte de musicalité prenante et même envoûtante, qui rend admirablement aussi le contraste entre l’étouffement social et la violence nue d’un désir irrépressible.

    Si le poids des années 50, en Suisse moyenne, marque cette «autre époque» où l’artiste, l’original ou le « déviant » sexuel étaient plus ou moins soupçonnés de folie, le roman va au-delà de la dénonciation du conformisme social et de l’homophobie, qui persistent d’ailleurs aujourd’hui sous d’autres formes. Le regard du fils sur « son père, cet inconnu », qu’il découvre en osant transgresser le secret de famille tenu par la mère, dont la douleur est également bien filtrée, donnent à ce livre une dimension émotionnelles tout à fait remarquable.

    Sulzer5.jpgAlain Claude Sulzer. Une autre époque. Jacqueline Chambon /Actes sud, 265p.

  • Ceux qui formatent

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    Celui qui ne voit pas pourquoi un écrivain échapperait à la Loi visant les pensées inappropriées / Celle qui pointe les auteurs connus qui se laissent photographier en train de fumer / Ceux qui invoquent toujours les enfants pour vous rappeler à l’ordre /Celui qui estime qu’il y a de toute façon trop de mots dans Voyage au bout de la nuit / Celle qui est blessée rien qu’à penser à l’idée de viol qu’elle pressent en chaque homme / Ceux qui n’osent pas dire que certains passages de l’Ancien Testament relèvent de l’appel à la haine raciale / Celui qui a la bouche pleine d’amalgames / Celle qui estime que la seule citation d’un texte de ce Céline qu’elle ne lira jamais relève de la justice / Ceux qui ont dénoncé l’Index catholique pour mieux prôner la Vigilance Pluraliste / Celui qui constate la présence de scènes de masturbation collective offensant la pudeur responsable dans Mort à crédit de l’abject Céline / Celle qui relève des comportements inappropriés entre les personnages de Pompes funèbres de Jean Genet dont elle dit pourtant respecter la différence / Ceux qui ne parleront plus jamais de Céline sans préciser l’ignoble Céline ou l’infâme Céline pour que tout soit clair / Celui qui se met à lire des livres pour pouvoir en dénoncer le contenu / Celle qui réprouve l’idéologie sous-jacente de Roméo et Juliette au motif que s’y exprime une hégémonie hétéro traumatisante pour la lectrice ou le lecteur d’une orientation sexuelle différente / Ceux qui ont lu Mein Kampf dans la salle de lecture de la taule puis sont revenus à Gérard de Villiers qu’on peut dire un facho plus accessible / Celui qui exclut certaines lectures au nom des « valeurs communes » / Celle qui pointe l’extrémisme radical du Juste Milieu avant de finir son cigare sur le trottoir où les filles n’ont plus la cote mais font toujours des pipes potables aux grands garçons / Ceux qui nous saoulent de modération alors que nous ce qu’on aime c’est l’orgie à tous les niveaux / Celui qui déclare drogue dure la connerie douce / Celle qui estime que la lecture amollit le garçon moderne et lance donc un programme de remise en forme pour son fils Pétulon dont les cernes mauves l’inquiètent en tant que maman responsable / Ceux qui étendent le concept de fumée passive aux domaines de la pensée non souhaitable et des lectures mal adaptées à nos jeunes / Celui qui se rappelle la phrase de Clausewitz selon lequel « dans une affaire aussi dangereuse que la guerre les pires erreurs sont celles causées par la bonté / Celle qui réfléchit aux dégâts collatéraux de la bienfaisance en lisant Beatrix de Balzac / Ceux qui savent que ce sont parfois les pires crapules qui se pointent le cœur sur la main, etc.

    Image : Philip Seelen

  • Cendrars au Karcher ?

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    À propos de Céline interdit de célébration, de Cendrars, de Voltaire et de quelques autres...

    Notre compère blogueur et franc-tireur Nebo, à très juste titre, rappelle deux ou trois choses à propos de Blaise Cendrars, Suisse qui a payé sa nationalitél française d'une main, non sans partager en son temps des opinions qui n'étaient pas que françaises, ni que suisses, en Europe et ailleurs. Nulle révélation pour ceux qui connaissent le cher Blaise, pas plus qu'on n'en fera sur l'antisémitisme éhonté de Voltaire, entre beaucoup d'autres dont il faudrait, crénom, interdire toute célébration, pour ne pas parler de leur seule mention dans les écoles maternelles...

    Or, voici ce qu'écrit Nebo:

    "Môssieur Mitterrand ne veut pas que Céline apparaisse aux côtés de Blaise Cendrars ? Il faudrait considérer ce que Cendrars a pu écrire sur les juifs également. Autant le dire, ça ne manque pas de piquant...

    A l'été 1936, juste après l’arrivée au pouvoir du Front populaire de Léon Blum, Blaise Cendrars avait rédigé une ébauche de pamphlet pour une collection intitulée « La France aux Français » . Cela ne vous rappelle-t-il pas les zeurléplussombredeuhnot'histwouare ? Intitulé "Le Bonheur de vivre" , ce document non publié du vivant de l’auteur (Ouf ! Le mec s'en est bien sorti) est cependant conservé dans les archives de Blaise Cendrars à la Bibliothèque nationale suisse de Berne (Aïe ! Pas cool pour lui !). En voici le seul extrait paru à ce jour, cité par la fille de l'auteur, Miriam Cendrars, dans la biographie "Blaise Cendrars", Paris, Balland, 1984, chapitre 31, p. 493 :

    « [...] il faut, par ces temps de désordre et de bourrage de crâne, traverser [la France] en chemin de fer de bout en bout pour comprendre que malgré le malheur des temps et les menaces de dictature d’un gouvernement de Front populaire, ce verger n’est pas encore entre les mains des Juifs… »

    Charmant !"

    Pour en savoir plus, un clic et vous êtes chez Nebo: http://incarnation.blogspirit.com

     

  • Artiste de la production


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    Productrice de renom international, Ruth Waldburger, honorée à Soleure, a lancé Brad Pitt et travaillé avec Resnais et Godard, entre beaucoup d’autres.

    Le portrait de Ruth Waldburger, productrice suisse au rayonnement européen, s’affiche ces jours en format géant sur la façade du cinéma Palace, à Soleure. C’est là que sont projetés une quinzaine des 82 productions qu’elle a signées depuis L’Air du crime de son premier mari, Alain Klarer, en 1984.
    Entre autres : Johnny Suede de Tom DiCillo, qui « lança » Brad Pitt à ses tout débuts et a fait rire le public soleurois, Eloge de l’amour de Jean-Luc Godard, On connaît la chanson d’Alain Resnais, Les Choristes de Christophe Barratier, le très populaire Ernstfall in Havanna de Sabine Boss, ou encore La petite chambre de Véronique Reymond et Stéphanie Chuat dont le démarrage en salle prometteur, ces jours, la réjouit particulièrement.
    - De quand date votre premier rêve de cinéma ?
    - Ce n’est pas un rêve qui m’a amenée à la production. Mes parents, photographes du genre « bohèmes », à Herisau, m’ont certes influencée : je me souviens ainsi d’avoir éprouvé un grand choc quand j’ai vu A bout de souffle de Godard, avec ma mère. Mais j’ai d’abord suivi une formation commerciale, à l’Université de Saint-Gall, puis j’ai passé par la télévision en tant qu’assistante de production de Roger Schawinski dans la fameuse émission Kassensturz, dont j’adorais préparer les émissions en « live ». En fait, je rêvais plutôt de devenir journaliste. Puis, c’est par mon premier mari, Alain Klarer, qui rêvait bel et bien de faire des films, que j’ai commencé à travailler dans le cinéma. Comme régisseur sur Messidor d’Alain Tanner, j’ai compris que c’était l’aspect production qui m’intéressait. Je me suis lancée avec deux partenaires à l’enseigne de Xanadu Film, en 1982. En 1988, j’ai fondé Vega Film, ma propre maison. Ce qui est évident, c’est que ma connaissance de l’économie m’a aidée dans un métier où les chiffres ont de l’importance...
    - Comment concevez-vous votre fonction de productrice ?
    - Je me suis toujours efforcée de gérer les finances d’un film dans l’intérêt de celui-ci, en m’assurant que l’argent apparaisse à l’image. Godard m’a beaucoup appris dans ce sens, en me rendant attentive au coût de chaque mètre de pellicule. En outre, j’aime alterner les films d’auteurs et les productions plus populaires a priori, comme les comédies.
    - C’est vous et Tom DiCillo qui avez choisi Brad Pitt sur le casting de Johnny Suede, qui décrocha le Léopard d’or de Locarno en 1991. Êtes-vous restée en relation avec l’acteur devenu… un peu plus connu depuis lors ?
    - D’une certaine façon, puisque, pour ce premier rôle, le jeune homme n’a touché que 12.000 dollars, tout en acceptant de participer aux bénéfices du film. Donc il m’arrive régulièrement de lui envoyer un petit chèque…
    - Quels réalisateurs vous ont particulièrement marquée ?
    - Une fois encore, la collaboration avec Monsieur Godard a beaucoup compté. Et puis, j’ai été fascinée par la façon de travailler d’Alain Resnais, et plus précisément par son travail en studio, jouant avec l’artifice d’une façon si magistrale.
    - Êtes-vous interventionniste sur les films que vous produisez ?
    - Cela dépend de l’expérience du réalisateur. Avec un Godard, je n’oserais pas… Mais dans nos productions récentes, je me suis passablement impliquée dans la réalisation d’1 Journée de Jacob Berger, avec lequel il m’est arrivé de ne pas être d’accord, mais finalement tout s’est très bien passé.
    - Y a-t-il un de vos films qui ait déçu vos espérances ?
    - Il y a eu Heidi, de Markus Imboden, dans lequel nous avons beaucoup investi et qui s’est soldé par un échec. Je pensais qu’un sujet aussi populaire dans le monde entier susciterait le meilleur accueil, mais peut-être avons-nous eu tort de transposer cette histoire dans notre monde contemporain ?
    - Comment avez-vous vécu les « années Bideau » ?
    - Cela a été très difficile, il faut le dire. Jamais nous n’avons eu autant de films refusés – à peu près une trentaine, pour cinq qui ont été acceptés. Même un projet comme La petite chambre a eu mille peines à obtenir un soutien. Nous avons subi cette politique comme une suite d’humiliations. Nous devions encore et encore prouver que nous étions des professionnels. Or, je pense que le rôle d’un office de la culture devrait être de soutenir les créateurs – à l’exemple de ce qui se fait en France avec le CNC, au lieu d’imposer la vision personnelle de son chef. Mais je crois que le changement de cap est amorcé et j’ai confiance en l’avenir.
    - Que pensez-vous du cinéma suisse actuel ?
    - Je crois qu’on peut en attendre beaucoup. Il y a, en Suisse allemande comme en Romandie, de grands talents qui s’affirment. Je ne vais pas dresser un tableau d’honneur, mais je suis confiante, là aussi, en l’avenir. D’ailleurs nous travaillons au prochain film d’Ursula Meier

  • Ceux qui se flagellent

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    Celui qui se noircit auprès de sa marraine de guerre / Celle qui se lâche en toute intimité sur Facebook/ Ceux qui passeront aux aveux à titre posthume / Celui qui savoure sa mauvaise conscience / Celle qui en pince pour le cafetier repentant / Ceux qui vendent la mèche pour se faire bien voir / Celui qui débine son papy dont il a hérité un pacson / Celle qui mange son pain blanc dans la main du pécheur suave / Ceux qui se pressent au confessionnal convivial du Père Okay / Celui que les aveux publics font mouiller dans son boxer Calvin Klein / Celle qui explose de sincérité chez Drucker / Ceux qui poussent aux aveux / Celui qui dit tout en affectant de ne rien taire / Celle qui se répand sur le divan du psy qui en reste humide pour le client suivant du genre pète-sec / Ceux qui ont des flatulences sentimentales / Celui qui n’a rien à dire et le dit / Celle qui fait dire à PPDA ce qu’il n’a pas dit à son nègre de ne pas dire / Ceux qui en disent plus en se taisant qu’en refusant de parler / Celui qui bat sa coulpe pour mieux empaumer le diacre sensible / Celle qui se dénonce au nom de sa génération / Ceux qui affirment que l’accouchement par voie naturelle est le Vietnam des jeunes Américaines de ce temps / Celui qui enseigne aux ados leur devoir de vivre leur différence sous peine d’être comme les autres ce qui n’est pas top / Celle qui se sent tellement fragile qu’elle casse tout / Ceux qui estiment que la Création est Douleur et vont en commercialiser le concept avec logo de Ben Vautier / Celui qui s’accuse de ne pas assez dénoncer / Celle qui souffre en silence de ne pas oser s’accuser chez Delarue / Ceux qui disent chez Delarue ce qu’ils ont enduré déjà dans le ventre de Maman / Celui qui a fait sa pelote en tant que victime médiatisée / Celle qui dénonce le Système dans la pleine conscience qu’elle y participe à fond ce qui augmente son malaise n’est-ce pas / Ceux qui découvrent le plaisir de réprimer en toute liberté, etc.

    Image : Philip Seelen