UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Ceux qui participent aux frais


    Panopticon101.jpg

    Pour Helene Sturm

     

    Celui qui ne supporte pas la pensée de tant de cruauté distribuée à la diable / Celle qu’on traitait de timbrée parce qu’elle disait avoir mal au monde / Ceux qui voient de mieux en mieux le chaos de ce qu’on appelle le Nouvel Ordre / Celui qui pallie l’horreur en s’habillant joliment ce matin / Celle qui soigne son apparence en dépit d’une pauvreté certaine / Ceux qui ne prononcent pas le mot FUCK comme les autres / Celui qui pense champagne au moment de commander une noisette / Celle qui se verrait bien des NIKE à hauts talons / Ceux qui se croient sur le trottoir côté soleil et pensent en même temps aux Egyptiens / Celui qui se rappelle la grâce du felouquier Brahim / Celle qui voyant le mot BYRRH lâche un imperceptible pfff / Ceux qui pourraient agresser Elodie (pense-t-elle) dans les escaliers en cage / Celui qui se rase la boule à zéro pour se voir l’arrière de son crâne qu’il appelle le cul de la pensée / Celle qui fait l’inventaire matinal et machinal des choses futiles pendant que tant d’ouvrières turbinent déjà de par le monde / Ceux dont les tacots fleurent le vieux cuir tiède et le santal / Celui qui lorsqu’il mastique ressemble à un lapin de dessin animé qui fait scrith scrotch / Celle qui pisse debout sous la pluie brésilienne / Ceux qui s’habillent pour sortir ou rentrent pour se déshabiller selon les cas / Celui qui commence àlire la presse par les morts / Celle qu’une agression dans la cage d’escalier panique et tente un peu quand même / Ceux qui redoutent les faits divers sordidement sexuels de l’été / Celui qui met la langue et c’est déjà baiser de léchoter comme ça la glotte de Lolotte / Celle qui s’inonde rien que d’y penser / Ceux qui ont les poches pleins de cailloux d’enfance / Celui qui ne possède que quelques livres mais qui tiendront une vie / Celle qui se passe des DVD d’orgies gays en affirmant que ça repose de voir ces grands garçons tchèques s’amuser pour du blé / Ceux qui restent démodés par flemme / Celui qui se sent lâche de n’écrire point ou presque rien / Celle qui dit à son amant burkinabé : chevale-moi ! / Ceux qui viennent ensuite dans la longue liste des Portraits de Libé / Celui qui porte un fin bracelet à sa cheville gauche pour se rappeler sa part féminine quand il signe un contrat à six zéros / Celle qui se sent inappropriée de naissance et se rattrape au Jeu de Go / Ceux qui renoncent à la chair mais personne n’est au courant / Celui qui devrait se mieux soigner s’il veut rester Monsieur Météo à la TSR / Celle qui lit quelque part « un café fermé c’est de la liberté en moins » et qui opine du bonnet / Ceux qui font comme un cortège d’invisibles / Celui qui se sent soudain tout Pygmalion en matant l’écolière visiblement avancée / Celle qui dit p’pa au M’sieur qu’elle connaît pas plus que ça / Ceux qui font collection d’idées coupables qu’ils couvent comme autant de secrets / Celui qui se dit qu’à présent sa vie doit s’envoler et qui en reste là / Celle qui fait la gueule au mec qu’elle convoite et sourit à la salutiste qui va la tancer / Ceux qui écrivent des livres que personne ne lira que des gens comme eux / Celui que son surpoids rend parfois hésitant mais pas longtemps / Celle qui raffole des poignées d’amour et des portefeuilles bombés / Ceux qui font nombre en vieillards râleurs / Celui qui a tout misé sur Coco Bisou et qui s’en est fait des couilles en or pour quelques mois / Celle qui se demande l’heure à elle-même et ne se répond pas par nonchaloir ou par mélancolie va savoir / Ceux qui attendent un rendez-vous qui ne vient pas / Celui qui rêve d’une jeune fille qui rêverait d’une aventure de plus d’un soir mais pas plus / Celle qui ne manque à personne et ne s’en plaint pas mais tu sais ce que sont les Japonaises / Ceux qui en croquent pour Odile – ça y est je l’ai fait mamie Sturm / Celui qui a du métal dans la voix et qui rouille même quand il pleut pas / Celle qui écrits des fins de romans avant les débuts et le reste suit plus ou moins / Ceux qui s’habillent comme dans les romans et se déshabillent comme dans les nouvelles de Morand / Celui qui décide que ce sera aujourd’hui et pas demain la veille que / Celle dont le Glock fait gloup vu qu’elle a glissé dans la flaque / Ceux qui ne se rappelaient pas que vous existiez et voilà qu’il vous souvient que vous non plus donc vous allez vous en jeter un / Celui qui a l’air falot et en pince pour Odile qui n’en jette pas plus mais enfin ça reste entre elle et lui et la nave va / Celle qui a toujours un peu d’arsenic sur elle pour relancer l’action qui fait pfff / Ceux qui ont tout dit quand après avoir maté Mata Hari du bout des lèvre sils ont fait pfff…


    (Cette liste jetée à cinq heures ce matin fait écho à la lecture de Pfff, premier roman d’Hélène Sturm qui vient de paraître chez Joëlle Losfeld. L’image est signée Philip Seelen)

  • Mademoiselle Papillon

    343a5ec6f2690e4fa7f8683f1535c1a0.jpg
    Je suis juché sur sa croupe et nous nous faisons tout le Val Sauvage en lentes glissades de couches en couches d’air, puis nous remontons par les courants ascendants.
    C’est une extraordinaire griserie, qui ne m’empêche pas de prendre conscience d’un phénomène étrange, peut-être illusoire mais combien troublant.
    De fait, il me semble vieillir à la descente et rajeunir quand Mademoiselle recommence à brasser de l’air.
    - Accroche-toi, me lance-t-elle au moment de virer au-dessus de Berg am See, dont on voit les parasols et les pédalos mille mètres plus bas, et cet aperçu balnéaire me revigore, je me sens des cuisses de jeune athlète et Mademoiselle en est elle aussi tout excitée.
    A la montée, c’est une jouissance accrue que de la sentir rajeunir. Son abdomen a la fermeté du torse des nageuses soviétiques des années soixante et l’air devient plus tonique à l’approche des glaciers tandis que je la pénètre je ne sais trop comment.

  • Ceux qui sont comme ils sont tous


    Pensées79.jpg

    Celui qui les regarde s’agiter de loin / Celle qui reprend sa veille aux soins palliatifs en matant l'Argentin à créole / Ceux qui n’ont plus d’envies sociales que virulentes / Celui qui considère tranquillement ce qui altère sa libido de taxidermiste prenant de l’âge / Celle qui décourage les solliciteurs érotiquement hésitants / Ceux qui s’incrustent chez la milliardaire accro à la réglisse / Celui qui se tient à la rampe de lancement / Celle qui retient ses grands chevaux / Ceux qui s’accrochent à leurs droits de gauchers de droite / Celui qui jette son dévolu sur l’évadée olé olé / Celle qui recueille les Lettons esseulés / Ceux qui ont tout misé sur l’Avenir du Poitou / Celui qui ne renoncera point à son Idéal mélodique / Celle qui se parfume à la fleur d’orange amère / Ceux qui n’en croient pas leurs yeux fermés / Celui que le remords ne cesse de remordre / Celle que sa tache dans le dos fait craindre la levrette / Ceux qui redoutent les flux dînatoires / Celui qui fait la cour aux courtiers / Celle qui en pince pour un body jaune coucou / Ceux qui descendent à Djerba dans le jet privé de Ben Allah / Celui qui se pose en libérateur des Acolytes Anonymes / Celle qui rabroue le paltoquet qui la cuisine au TJ / Ceux qui ont le pied sous-marin / Celui qui reconnaît que la juge est partie / Celle qui sait que nous savons qu’ils ne sauront rien sans sonder le Sénat / Ceux qui affirment que la danse les fait entrer en transcendance ou quelque chose comme ça - va savoir avec les Coréens, etc.

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui se dorlotent

    Panopticon572.jpg

    Celui qui évoque les folles soirées du Palace que tu n’as pas connu pauv'loquedu / Celle qui invoque la grande déprime des militants / Ceux qui vous disent comme ça qu’ils vont mal avec l’air de penser que vous aussi le devriez / Celui qui se fait un petit cadeau pour s’encourager ce matin dur dur / Celle qui rentabilise son sentiment de la vacuité en tournant des vidéos placébos / Ceux qui évoquent leurs galères avec une sorte de jouissance persistante / Celui qui s’écoute se taire / Celle qui voit partout du fascisme en puissance / Ceux qui se font une soirée Paolo Conte entre amis sûrs / Celui qui cite Duras et Deleuze pour rester entre soi / Celle qui te remercie d’exister poil au nez / Ceux qui disent volontiers qu’ils relisent La Recherche pour en imposer à leurs voisins Verdurin / Celui qui occulte le passé d’épicier de son père / Celle qui revendique le passé de catin de sa mère / Ceux qui « font avec » leur particule sans préciser que c’est un recollage tardif de Dupont sans Nemours / Celui qui dit à celle qu’il drague qu’elle comprend mieux que personne son état de paumé ukrainien alors que lui-même accepte son faciès chafouin d’Alsacienne coincée ce qui fait qu’on est bien parti pour une Love Story / Celle qui estime qu’elle a assez donné avec ses ex pour ne penser désormais qu’à ses ragondins / Ceux qui n’ont même pas un sourd-muet à qui parler / Celui qui se dénigre en espérant qu’on le démente mais pas moyen / Celle qui attend sa retraite pour s’éclater / Ceux qui savourent leur défaite en prétendant qu’ils sont gagnants à la fin / Celui qui vibre tellement devant un Rothko qu’on lui conseille une tisane calmante à la cafète du Musée / Celle qui avoue à son psy que le seul nom de Mélanie Klein la fait mouiller / Ceux qui mouillent encore leur boxer Calvin Klein malgré leurs dix-huit ans sonnés / Celui qui te dit qu’il a eu de la peine à entrer dans ton livre sans oser préciser qu’il n’en est jamais sorti / Celle qui demande un orthographe au romancier flapi / Ceux qui signent d’un croissant vu que la croix fait trop chrétien / Celui qui te dit que son dimanche est sacré et qui le passe à lustrer son Opel Kadett / Celle qui se fait un Skype avec son boy friend auquel elle montre enfin ses nipples / Ceux qui en ont tellement vu que les djeunes n’ont pas idée, etc.
    Image : Philip Seelen