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  • Le Nain vert

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    En suivant hier soir un débat télévisé consacré aux persécutions de chrétiens dans le Moyen-Orient, et notamment en Egypte, auquel participait Malek Chebel, je me suis rappelé ce chapitre courageux du dernier livre d’Alexandre Jardin, Des gens très bien, qu’il consacre à celui qu’il appelle le Nain vert, par référence à son aïeul collabo surnommé le Nain jaune, en la personne de Tariq Ramadan.
    Tariq Ramadan collabo new look ? Ce n’est pas exactement ce qu’affirme Alexandre Jardin, et pourtant le rapprochement est clair entre deux formes de déni qui présentent la même apparence des plus rassurantes.

    Jean Jardin n’a rien vu, ou plus exactement rien voulu voir, de ce qui se passait sous ses yeux en juillet 1942. On peut lui trouver toutes les excuses, à savoir qu’il avait d’autres soucis, qu’il subissait l’esprit du temps, qu’il a tout de même sauvé quelques Juifs et quelques résistants, mais enfin que rien ne prouve qu’il ait participé directement à la grande rafle. On pourrait aussi invoquer « l’épaisseur de l’Histoire », selon l'expression de Claude Lanzmann, qui fait qu’à certaine moments nous ne percevons pas la réalité telle qu’elle apparaîtra un demi-siècle plus tard, décantée par ce qu’on a appris entretemps.

    Bref, Jean Jardin, taxé d’ « éminence grise » par Pierre Assouline, ne fait pas vraiment figure de « méchant », pas plus que Tariq Ramadan aujourd’hui dans ses costumes chics d’intello médiatique à la coule, qui nous la joue sans cesse modéré alors qu’il ne cesse, en sous-main, de distiller l’idéologie des Frères musulmans.


    Malek Chebel le rappelait hier, tout en nuançant l’accusation faite aux intellectuels musulmans de se taire à propos des massacres de chrétiens en Egypte et en Irak, notamment: que la communauté musulmane «dans son ensemble» n’approuve pas ces persécutions, sachant qu’elle n’a rien à y gagner. Mais qui dit que les pouvoirs égyptiens (pouvoirs politique et religieux), autant que les pouvoirs irakiens, jouent un double jeu dans cette terrible épuration ?
    La semaine passée, en Suisse, les propos inquiétants d’un intellectuel tunisien installé dans le canton de Neuchâtel, ont été captés sur Internet et traduits de l’arabe en français, révélant des appels clairs au combat mortel des kamikazes. Passant pour un modéré et protestant de ses intentions toutes pures, le personnage, auquel il arrive de prêcher, s’est indigné de ce qu’on pût seulement le soupçonner d’incitation à la violence. Du moins cet « accroc » a-t-il soulevé un tollé dans notre bon pays, comme ce fut le cas des propos du frère du surnommé Nain vert, Hani Ramadan, justifiant la lapidation.
    Vais-je pour autant m’inscrire demain au Parti populiste ? Absolument pas, car ce serait faire, exactement, ce qu’attendent les fauteurs de haine, dont les nains jaunes ou verts sont les agents d’influence ou les idiots utiles, pour user d’une bonne vieille terminologie datant de la Guerre Froide…

  • Au Maldoror

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    Le Maldoror était mon premier théâtre des villes après mon théâtre des champs de la maison sous l’eau et du quartier des Oiseaux : le Maldoror et le Vieux Quartier, la Ville Basse aux cafés mal famés, le Pigalle et le Mouton doré ou mieux encore : la Dolce Vita devant lequel allaient et venaient ces dames, selon l’expression de mon oncle Stanislas dont je percevais l’indulgence que je me sentais d’ores et déjà porté à faire mienne.

    Une timidité nouvelle me cantonnait cependant dans les recoins, d’où je zyeutais chacune et chacun en ne cessant d’enrichir, de mots ou de croquis, des carnets dont je tenais les motifs écartés d’aucun autre regard que celui de mon oncle Stanislas, lequel souriait de me voir prendre ainsi le monde qu’il m’avait désigné.

    C’étaient des visages surgis de la nuit en plein jour de ce nouveau monde, dont certains m’attiraient plus que d’autres, je ne sais toujours pas pourquoi, et d’autant moins qu’ils me touchaient ou me saisissaient au gré de forces souvent opposées : la bien douce ou la très brutale, l’insinuante ou la toute claire, la bestiale ou la mélodieuse et parfois, au rythme du jazz ou par la voix du blues, l’une et l’autre s’accordant entre swing et lancinante complainte.

    Le plein du Maldoror se faisait avec le déclin du jour, mais la voie tangente que je commençai de prendre au cap de mes seize ans y passait le plus souvent aux heures matinales où seuls s’y trouvaient quelques figures du quartier ou quelques groupes n’y stationnant jamais longtemps, quelque paire de joueurs d’échecs et le peintre Anubis, quelque prof des facultés et le libraire Jacobin s’accordant un moment, quelque rapin des beaux-arts et le vieil Alonso Ferrer à tête de Greco, ou cette étudiante que je remarquai.

    °°°

    Je n’osais point encore convier de modèle en mon premier atelier-clapier des jardins à l’abandon de la villa Pandora, mais une jeune femme blanche lisait Le bonheur des tristes à la table voisine, ce matin-là, et je la peignais bel et bien sans y toucher : blanche au regard vert, le teint opalescent à reflets bleutés, la pâleur d’attendre un fiancé et de vivre surtout le rêve éveillé de cette douce lecture à vagues promesses de rencontres problématiques, tant ces garçons fragiles sont compliqués dans les approches et les développements, n’est-ce pas ? à défaut de banalité et de cette suite trop simple que sa mère et la mère de sa mère lui avaient dit le plus souvent décevante et qu’elle excluait naturellement. Or ce titre, Le bonheur des tristes, autant que la pâleur de la lectrice, me composaient un nouveau ciel sous lequel se poseraient peut-être, mais plus tard, la question allemande de l’incommunicabilité, ou la question russe du suicide ; pourtant de ces à-pics je me trouvais encore bien éloigné à seize ans et des poussières, juste sujet au vague à l’âme de mes rêveries au Maldoror et de mes solitaires balades en forêt – juste touché par le spleen des rives du lac les jours de brume que, nouveau romantique en velours côtelé, je parcourais en me prenant pour l’angélique Shelley…

    °°°

    La jeune fille encore cependant : la nudité de la jeune fille que j’imaginais, me rappelant la peau de lune de mes sœurs avant le chocolat d’été, et me réjouissant de la voir blanche ainsi sur le vieux canapé bavant son crin du Maldoror. Seins de lait sous la cotte de maille immaculée, bras en orbe de protection style La Tour sous une lumière candide, autour du livre qui coulait en elle comme une autre lumière que je commençais de percevoir moi aussi. Pas encore la zone présumée sacrée du sexe mais un vrai grand cul comme mes cousines de la campagne, seulement plus blanc, et comme en deçà du désir : quasiment inatteignable même par imagination, comme l’Iseult du poème que Panache citait en référence à l’amour courtois. Ou cela aussi me concernant plus sûrement encore : pressentiment physique de ne pas faire le poids ; crainte de la voir me rejeter comme un trop petit goujat qui la matait depuis trop longtemps tout en gribouillant ses carnets. Alors juste la rhabiller blanche et bleue et la voir bouger pour voir, comme je les dévisageais un peu tous : juste pour voir, car regarder, écouter, observer, noter, griffonner et gribouiller me tenaient désormais lieu de métier secret, lequel me faisait multiplier bonnement les échappées et les imitations.


    Dessin: Richard Aeschlimann

    EnfantJLK.JPG(Extrait de L'Enfant prodigue. roman à paraître).

  • Ceux qui se consolent

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    Celui qui fait le tour de sa chambre en 80 jours / Celle qui déguste les barres de chocolat de son amant Samba / Ceux qui fauchent la recette du faux aveugle déjà millionnaire en centimes d’euros / Celui qui demande son âge au Temps / Celle qui demande l’heure au Tage / Ceux qui se sentent otages du Temps mais c’est peut-être l’âge / Celui qui se sent ce matin d’humeur africaine / Celle dont l’haleine fleure le manioc pilé / Ceux qui se stimulent au pili-pili / Celui qui dort comme une bûche et se réveille dans une ruche / Celle qui tatoue la chair de sa chair au henné / Ceux qui se paient un lifting de mémoire / Celui qui dit comme disait Paul Verlaine : « il faut nous pardonner les choses » / Celui qui s’est refait dans l’élevage de mygales / Celle qui vaque derrière le moucharabieh du claque / Ceux qui se constipent dans les maisons « bien » / Celui que la cigale a fait fourmi / Celle qui se reproche d’être inodore et incolore comme pas mal de filles de bonnes familles de banquiers genevois oscillant entre l’anorexie grave et le voile islamiste qui fera carrément chier la famille / Ceux qu’ont fasciné les sourcils du secrétaire de Paul Valéry passé en Suisse au mois d’août 1945 alors qu’advenaient divers événements de par le monde / Celui qui n’a besoin de se rassurer sur rien à l’instar de son tatou brésilien / Celle qui se paie un rouge à lèvres un peu glamour après avoir dû faire des choses à son oncle diacre dit le Babineux / Ceux qui domptent des mygales qu’ils lâcheront aux séances de catéchisme du Babineux / Celui qui voit son rêve d’étrangler le Babineux se réaliser juste avant de réaliser qu’il rêve / Celle qui se noie dans un verre d’eau mais s’en tire par apnée / Ceux qui assurent la maintenance du matériel humain de l’Entreprise / Celui qui lit dans les mains des sirènes palmées / Celle qui retrouve un peu d’espoir dans les sanglots longs des violons qui en font des tonnes / Ceux qui assurent la maintenance du moral syndical / Celui que sa bonne humeur naturelle fait surnommer l’Africain de l’Entreprise / Celle qui dit croire en Dieu en se basant sur ce qu’on en rapporte au pensionnat de Jeunes Filles Bien / Ceux qui n’ont jamais abjuré leur foi en l’Homme avec une grande hache sans exclure pour autant de prendre femme à leur retour au pays malgache / Celui qui monte toujours dans le dernier train vu qu’il manque toujours le précédent / Celle qui dit kiffer Dieu faute de mieux / Ceux qui aiment aimer pasque détester y détestent, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui en réchappent

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    Celui qu’on n’attrapera plus / Celle qui fuit le Tea-Room / Ceux qui se retrouvent à l’air libre / Celui qu’on ne trouvera même pas ailleurs / Celle qui campe sur ses oppositions / Ceux qui voyagent léger / Celui qui ne pèse que son salaire / Celle qui ne se paie même pas de mots / Ceux qui se fondent dans le lointain / Celle qui se laisse emmener par son tamanoir vers la rivière aux garçons masqués / Ceux qui fuient sous le vent debout / Celui qui est à Venise le jour et sous l’eau la nuit / Celle qui préfère un Cimarosa bien frappé à l’apéro qu’un pavé de Sartre au dessert / Ceux qui visaient Marseille et se retrouvent à Tanger où le Désert porte conseil / Celui qui sonde les cœurs et compte les coups / Celle qui coupe son avocat en deux et déguste ses crevettes en fixant le juge Milord ce faux-cul / Ceux qui cherchent des crosses à la fille de Brosses / Celui qui sera le premier linguiste de sa famille de fourreurs / Celle qui extrapole dans les chiffres rouges avec ses ongles noirs comme l’âme de son père usurier / Ceux qui lâchent la lamproie pour la pénombre / Celui qui se trahit en se taisant / Celle qui écoute le taiseux qui la baise et la paie et lui fait pour la réchauffer du café chicorée / Ceux que la mélancolie rattrape dans les allés des consulats du Brésil ou de Colombie – c’est à choix / Celui qui lit en braille les partitions de Frescobaldi dont certains passages le font sourire sur ce banc du Luco / Celle qui danse le long du canal pollué / Ceux qui filent du mauvais cocon / Celui qui voyage au bout de la nuit genre Easy Jet à Nouvel An / Celle qui ira très loin mais sans toi / Ceux qui feront leur chemin de croix / Celui qui se met le doigt dans l’œil du cyclone / Celle qui a toujours eu un tour d’avance en retard / Ceux qui se tirent des flûtes au sel / Celui qui se réfugie dans l’opéra de la bouffe / Celle qui lévite mais que retient au sol sa petite chienne encore tributaires de l’attraction terrestre faute d’exercice spirituels mais ça s’exerce / Ceux qui ne voient aucune échappatoire au fait d’être nés un jour et d’avoir à rendre leur tablier un autre jour et de se trouver pour le moment en butte aux fluctuations de prix du Panier de la Ménagère, and so on.

    Image : Philip Seelen

  • De l'ombre sur le Jardin

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    Avec Des gens très bien, Alexandre Jardin fracasse le mythe familial en instruisant le procès de son grand-père collabo.

     

    Les 16 et 17 juillet fut amorcé, en France occupée, ce qu’on appelle aujourd’hui un crime contre l’humanité. Sous la responsabilité des autorités de Vichy, Pierre Laval en tête, les polices françaises raflèrent plus de 13.000 civils juifs. En deux jours, l’opération réclamée par les Allemands permit la déportation et  l’extermination de la presque totalité des raflés, dont 4051 enfants. Or, aux commandes administratives se trouvait un certain Jean Jardin, père aimé du très charmant romancier Pascal Jardin et grand-père adoré du non moins sémillant Alexandre Jardin, qui passèrent ensemble de si beaux moments dans leur villa de rêve de Vevey…

    L’affreux épisode de la « rafle du Vel d’Hiv », ainsi nommée parce qu’une partie des civils arrêtés fut parquée quelques jours dans le Vélodrome d’hiver de Paris, est aujourd’hui documenté par les historiens et par divers livres et autres films de large audience. Si Pierre Laval fut exécuté dès 1945. Jean Jardin en revanche, son bras droit de l’époque, chef de son cabinet en 1942, ne fut jamais inquiété.

    Jardin12.jpgFigure parfaite du « type bien », patriote et catholique, apprécié de tous par son charme et ses belles manières, il fut mis à l’abri à Berne par Laval avant de se redéployer, après la guerre, dans les coulisses des nouveaux pouvoirs et de la haute finance. « Oublié » par les chasseurs de collabos à la Klarsfeld, il fut également ménagé par son biographe juif Pierre Assouline. Plus encore : deux ans après sa mort (en 1976), Jean Jardin ressuscita sous la plume de son fils Pascal en Nain jaune unanimement salué (à un bémol près dans Le Monde) et gratifié du Grand Prix du roman de l’Académie française.

    Mais voici que, 70 ans après les faits, le trop souriant Alexandre Jardin tombe le masque : fini de rire, les enfants : assez joué la comédie.

    Pourquoi si tard ? C’est ce qu’il va expliquer, très en détail, en décrivant une cécité familiale et nationale à la fois. Mystère de départ : comment un type aussi bien que grand-papa a-t-il pu fermer les yeux ? Et comment papa a-t-il pu le « couvrir » ? Et comment François Mitterrand a-t-il pu protéger son ami Bousquet et préfacer un livre à la gloire du nain jaune ? Et moi là-dedans, qu’aurais-je fait et qui suis-je devant mes propres enfants ? Oserai-je trahir les miens pour dire ce que je ressens vraiment?

    Des gens bien pose cette question, centrale, de la trahison de ceux qu’on aime pour se protéger soi-même, qui donne son poids de gravité et de complexité à ce livre à haut risque.

    On aurait pu craindre qu’Alexandre Jardin se borne à un « grand coup» médiatique, avec son éditeur, en balançant son aïeul pour se la jouer dernier des Justes. Or, il y a plus que ça dans ce récit-exorcisme tissé de toutes les équivoques : une tentative réelleme, où l’amour subsiste, de mentir moins que les « gens très bien »…

    Alexandre Jardin. Des gens très bien. Grasset, 297p.   

     

    La saga des Jardin

     Fils d’un notable monarchiste et catholique de province, Jean Jardin (né en 1904 à Bernay, dans l’Eure), monté à Paris pour y étudier les sciences poilitiques, incarne le jeune intellectuel non conformiste des années 30, aussi proche des écrivains que du monde des affaires et du pouvoir. Homme de réseau, il se déploie dans la haute administration d’Etat et se rapproche du gouvernement de Vichy en 1941, où il est nommé chef de cabinet de Pierre Laval en mai 1942. Gérant de fonds secrets, il aide des résistants et rend service à des juifs (dont son ami Robert Aron) tout en recevant les chefs de la Gestapo chez lui. Menacé par les ultras du fascisme français, il est envoyé à Berne par Laval où il est chargé des relations avec les Américains, notamment. Après la guerre, il restera en Suisse jusqu’en 1947 et jouera, plus tard un rôle de conseiller auprès de nombreuses sociétés françaises. Homme d’entregent, très sollicité par tous les bords politiques, Jean Jardin conseillera de très nombreuses sociétés françaises dans leurs activités internationales, jusqu’à sa mort en 1976. C’est à son fils Pascal qu’il devra le surnom de « nain jaune ».

    Pascal Jardin, né à Paris en 1934, s’est fait connaître à la fois comme écrivain et comme scénariste (une centaine de films, dont l’adaptation d’Hécate de Paul Morand, par Daniel Schmid)), mais c’est avec Le Nain jaune qu’il acquit la célébrité en 1978. Auparavant, il avait raconté « son » Occupation dans La guerre à neuf ans (1971). Pétillant à souhait, il s’inscrivait (il est mort en 1980) dans la lignée des auteurs qu’on a appelé les « hussards ».

    Dans la foulée, son fils Alexandre (né en 1965)  également écrivain et réalisateur, l’a évoqué dans Le Zubial (1997) après avoir connu un premier grand succès avec Le Zèbre (Prix Femina, 1988). Père de cinq enfants, Alexandre a fondé le mouvement « Lire et faire lire » et l’association Mille mots qui engage des retraités lecteurs dans les prisons. En 2005, il signa Le roman des Jardin qui se passe essentiellement dans la villa veveysane de La Mandragore où la vie de la tribu ne semble que joyeusetés et compagnie…

    Pour compléter ce portrait de groupe en abyme, le lecteur pourra revenir à la biographie très "loyale" de Jean Jardin, sous la plume de Pierre Assouline (Balland, 1986, en Folio), et découvrir celle que Fanny Chèze a consacrée à Pascal Jardin (Grasset, 2010),  qui se garde bien d'écorner la légende fantasque des Jardin... 

     

    À trop bon compte ?

    Faut-il croire Alexandre Jardin quand il crie sa détresse d’avoir été le petit-fils d’un présumé complice de crime contre l’humanité ? Les accusations qu’il dirige contre son grand-père, mais aussi contre son père, ne sont-elles pas qu’indignation vertueuse au goût du jour ? Le dernier des Jardin n’est-il pas qu’un juste à la petite semaine en quête de publicité ?

    Tel n’est pas, après lecture, notre sentiment. Or il faut lire Des gens très bien avant de juger son auteur. Un de ses amis lui lance à la face ce reproche: « Ceux qui n’ont rien vécu n’ont pas droit au confort du jugement ». Mais ce livre est-il si confortable ? Lisez avant de juger.

    Alexandre Jardin, né en 1965, a longtemps exalté la légende dorée de sa famille. Bagatelle et fantaisie régnaient à La Mandragore de Vevey, comme il le raconte dans Le roman des Jardin. Dans la foulée d’un père aimé et d’un grand-père adoré, le jeune auteur virevoltait d’un succès à l’autre, distillant sa niaiserie «positive» avec un drôle de sourire, pourtant, comme s’il en rajoutait pour cacher quelque chose.

    Or ce « quelque chose » était connu depuis longtemps. Ce « quelque chose » était le passé de son grand-père, Jean Jardin, chef de  cabinet de Pierre Laval en 1942. Ce « quelque chose » était la question qu’un fils ou qu’un petit-fils peuvent se poser en apprenant que leur parent était aux commandes lorsque plus de 13.000 civils juifs, dont 4000 enfants, furent raflés avant d’être envoyés à la mort. Et toi, tu as laissé faire ça ?

    À cette question, Pascal Jardin, père d’Alexandre, a répondu par l’esquive avec Le Nain jaune, roman adulé par la France soulagée, en 1978, de découvrir un masque rose à une période noire. Après ce déni, reprochera-t-on à son fils d’être, finalement, plus conséquent en « cassant le morceau » devant ses propres enfants ? Lisez et jugez…  

  • Ceux qui ouvrent les yeux

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    Celui qui comprend enfin ce qui lui semblait si faux dans les sourires d’Alexandre Jardin / Celle qui avait un drôle de tatouage bleuté au bras que découvrait sa robe d’été / Ceux qui se méfient des aveux tardifs / Celui qui a eu froid en entendant son père si gentil parler pour la premières fois des nez crochus / Celle qui découvre 4000 cadavres d’enfants dans son jardin si bien entretenu / Ceux qui disent nous aussi on a souffert en Suisse quand ces déportés font les intéressants dans leurs soirées / Celui qui affecte l’enjouement pour ne pas gerber / Celle qui dit qu’elle n’est pas antisémite mais que quand même y fallait se méfier / Ceux qui répètent qu’ils ne savaient pas sans se rappeler vraiment ce qu’ils savaient / Celui qui ne sait pas ce qu’il aurait fait s’il avait su / Celle qui découvre qu’il y a diverses méthodes (plus ou moins) inconscientes pour ne pas savoir une vérité trop criante / Ceux qui ont toujours estimé que le Goulag était un mythe cryptocommuniste / Celui qui a mis trente ans pour casser le morceau / Celle qui a appris à ne pas voir de source sûre / Ceux qui furent des maîtres en cécité / Celui qui s’est fabriqué une réalité-paravent comme son père a fondé des sociétés-écrans / Celle qui s’était tissé une seconde peau qu’elle s’arrache soudain pour se découvrir habillée d’elle-même / Ceux que soulagent leurs aveux mais qui en resteront tristes à vie / Celui qui croit s’en tirer en allant cracher sur la tombe de son père / Celle qui apprécie le génie littéraire de Paul Morand mais pas son racisme de vieille salope / Ceux qui font assaut de vertu sans avoir rien vécu / Celui qui ne s’en tiendra qu’à la réalité des crimes / Celle qui découvre la brutalité des évidences / Ceux qui en concluent que telle est l’humanité dont ils font partie hélas / Celui qui ne sera jamais de ceux qui le croient « des nôtres » / Celle qui hait l’expression « entre soi » / Ceux qui ne sont pas dupes des extases bleutées des rivages du Léman où l’on endura en juillet 1942 certaine pénurie de chocolat du type Amandino, etc.

    (Ces notes ont été jetées en marge du récit d’Alexandre Jardin intitulé Des gens bien, paru ces jours chez Grasset et dont il devrait être pas mal question sous peu…)

    Image : Philippe Seelen

  • Virée au Bout du Monde


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    Rebetez7.jpgPascal Rebetez, éditeur d'autre part,

    et JLK,

    vous invitent au

    VERNISSAGE

    de L'enfant prodigue,

     

    Dimanche 23 janvier 2011

    dès 18h.30

     

    au Bout du Monde, Scène bar.

    Boutdumonde.gif

     

    Lecture et Musiques

    Chansons russes, grecques et française.

    avec JLK, Maritou et Vania

     

    Vevey, rue d'Italie 24.

    http: //www leboutdumonde.ch 

    Commande de l'ouvrage pour les absents: http://www.dautrepart.ch/

    En librairie dès le 24 janvier 2011.