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Ceux qui ouvrent les yeux

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Celui qui comprend enfin ce qui lui semblait si faux dans les sourires d’Alexandre Jardin / Celle qui avait un drôle de tatouage bleuté au bras que découvrait sa robe d’été / Ceux qui se méfient des aveux tardifs / Celui qui a eu froid en entendant son père si gentil parler pour la premières fois des nez crochus / Celle qui découvre 4000 cadavres d’enfants dans son jardin si bien entretenu / Ceux qui disent nous aussi on a souffert en Suisse quand ces déportés font les intéressants dans leurs soirées / Celui qui affecte l’enjouement pour ne pas gerber / Celle qui dit qu’elle n’est pas antisémite mais que quand même y fallait se méfier / Ceux qui répètent qu’ils ne savaient pas sans se rappeler vraiment ce qu’ils savaient / Celui qui ne sait pas ce qu’il aurait fait s’il avait su / Celle qui découvre qu’il y a diverses méthodes (plus ou moins) inconscientes pour ne pas savoir une vérité trop criante / Ceux qui ont toujours estimé que le Goulag était un mythe cryptocommuniste / Celui qui a mis trente ans pour casser le morceau / Celle qui a appris à ne pas voir de source sûre / Ceux qui furent des maîtres en cécité / Celui qui s’est fabriqué une réalité-paravent comme son père a fondé des sociétés-écrans / Celle qui s’était tissé une seconde peau qu’elle s’arrache soudain pour se découvrir habillée d’elle-même / Ceux que soulagent leurs aveux mais qui en resteront tristes à vie / Celui qui croit s’en tirer en allant cracher sur la tombe de son père / Celle qui apprécie le génie littéraire de Paul Morand mais pas son racisme de vieille salope / Ceux qui font assaut de vertu sans avoir rien vécu / Celui qui ne s’en tiendra qu’à la réalité des crimes / Celle qui découvre la brutalité des évidences / Ceux qui en concluent que telle est l’humanité dont ils font partie hélas / Celui qui ne sera jamais de ceux qui le croient « des nôtres » / Celle qui hait l’expression « entre soi » / Ceux qui ne sont pas dupes des extases bleutées des rivages du Léman où l’on endura en juillet 1942 certaine pénurie de chocolat du type Amandino, etc.

(Ces notes ont été jetées en marge du récit d’Alexandre Jardin intitulé Des gens bien, paru ces jours chez Grasset et dont il devrait être pas mal question sous peu…)

Image : Philippe Seelen

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