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  • Journal du jour

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    Notes d'un 1er janvier à propos de Stendhal, Sollers et quelques films...

    Ma double lecture importante du moment oscille entre l’intégrale du Journal de Stendhal, dont je viens d’achever l’année 1804 (H.B. a  21 ans) et Trésor d’amour, le nouveau roman de Philippe Sollers qui tourne, lui aussi, « autour » de Stendhal, auquel l’écrivain s’identifie comme il s’est identifié naguère à Nietzsche.

    En lisant le Journal de H.B. de 21 ans, j’essaie de me rappeler celui que j’étais au même âge, en 1968 : sauvageon sans établissement ni relation sociale, évidemment, très loin du salonnard déjà bien introduit dans les cercles influents de la capitale, parallèlement au début de sa carrière militaire, mais à certains égards, notamment en littérature, je ressentais aussi vivement et fortement que lui, sans l’aplomb lié à l’expérience commune. La société rôde son sujet – il le note d’ailleurs souvent, lui qui se rôde en fonction des autres, précisément, ne cessant de les observer et d’apprendre à leur observation. Or, où pouvions-nous apprendre, nous autres petits provinciaux bohèmes juste frottés de contre-culture et d’internationalisme marxisant ? Où était la société à Lausanne, en 1968, j’entends la société au sens où l’a fréquentée H.B ? L’on n’en était pas encore tout à fait au temps de la dis-société, dont parle je ne sais plus quel sociologue distingué, pourtant ce que nous avons connu, jeunes gens « sans pères », au mitan des années 1960, n’était plus une société stratifiée mais une sorte d’agglomérat de milieux dans lesquels l’ascenseur social ne comptait plus guère. Or, la société dans laquelle avançait H.B. qui serait celle aussi de Julien Sorel, ménageait évidemment cette possible montée pour ceux qui y aspiraient... Cependant H.B. reste lucide autant qu’il est sensible, et conscient surtout de sa valeur – autant dire qu’il se garde pour autre chose, qui reste La Sua Cosa.

    Il est hautement intéressant de voir ce qui intéresse le jeune Beyle à 21 ans. En gros : réécrire le théâtre universel, faire mieux que les imitateurs de Molière et de Corneille ou de Shakespeare ou de Goldoni,  de son temps, en serrant la vérité de plus près. En 1804, H.B. passe énormément de temps au théâtre et dans ses « coulisses» que sont les salons où tout un chacun (lui compris) se mesure aux grands déclamateurs du moment (tel un Talma)  en déclamant lui-même à qui mieux mieux. Au jour le jour, au fil des notes du jeune lettré aux jugements déjà très affûtés, on voit cette société de gens de lettres, de  mondains et de nobles, de philistins fortunés et d’actrices en vue, de courtisanes et de bourgeoises riches qui inter-agissent, comme on dit aujourd’hui.

    Mais nous, qu’aurons-nous appris, petits crevés des années 1960, rejetant a priori la société et se trouvant d’ailleurs devant un magma social en décomposition ?  C’est à cela que je pense en suivant les tribulations de Beyle en ses jeunes années…

     

    °°°

     Highsmith25.JPGVu hier soir Les yeux noirs de Nikita Mikhalkov, d’après trois nouvelles de Tchékhov, avec un Mastroianni clownesque et émouvant à la fois, représentant comme un bel hommage au cinéma italien, et notamment à Fellini,  et ensuite Plein soleil de René Clément, d’après le redoutable Monsieur Ripley de Patricia Highsmith, avec Alain Delon, Maurice Ronet et Marie Laforêt, tous également à côté de la plaque à cause de la piètre interprétation du roman par le réalisateur et le scénariste, de la nullité des personnages et de la plastique glacée de tout ça, ne traduisant rien du trouble et du malaise du roman. PH m’avait dit combien elle avait été déçue par la chose, mais je ne pensais pas que le film fût si froidement égaré.

     

    °°°

     En lisant parallèlement le Journal de Stendhal et le dernier roman de Philippe Sollers, je me demande pourquoi j’aime tellement ce pauvre Beyle et tellement peu son brillant commentateur, que j’apprécie certes et admire, mais dont la froideur arrogante, même suffisante, exclut à peu près la sympathie naturelle. Beyle est naturel, direct et spontané, sincère, ému et émouvant, sans jamais se forcer, tandis que Sollers pose à tout moment en happy few, en connaisseur, en élu s’identifiant à Stendhal comme il s’est identifié à Nietzsche, non sans grâce évidemment et avec de multiples digressions intéressantes, mais pour dire finalement quoi, sinon que dans la lignée de Stendal il est The Best, le plus agile, le plus brillant, le plus heureux, et qu’il nous emmerde. Or , ce qu’on découvre, à la lecture du Journal de Beyle, échappe à cette brillance et à cette arrogance que Sollers s’efforce d’exalter à son compte dans son commentaire des Privilèges, texte assurément singulier mais qui éclaire moins le vrai Stendhal, en définitive, que la vérité dernière des romans telle que l’a dégagée un René Girard, ressortissant à une forme d’amour dépassant toute forme de mimétisme.

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    Torino.jpgEnfin vu ce soir Gran Torino de Clint Eastwood, film étonnamment fraternel  de l’expiation américaine, après les guerres de Corée et du Vietnam,  tout à fait dans la lignée des deux autres films du même auteur consacrés à la vision japonaise, puis américaine, de la bataille d’Iwo-Jima. Peut-être n’est-ce pas là un très grand film, mais cela m’est égal : il y a là l’expression d’une position humaine, par rapport à l’histoire, à l’impérialisme américain et à l’évolution récente de la situation découlant des dernières migrations, qui se fonde sur des situations crédibles que nous pouvons aussi, en Europe, prendre à notre compte...  

  • Ceux qui s'envoient des voeux

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    Pour une très belle et très bonne année 2011 à tous...

    Celui qui résiste au déferlement du n’importe quoi / Celle qui assiste à l’orgie de la consommation en se demandant ce qui va l’interrompre / Ceux qui voient la foule se diriger comme une seul vers l’Objet de la convoitise / Celui qui s’éclate sans laisser de morceaux / Celle qui baratte le vide à la disco / Ceux qui participent à l’orgie comme s’il s’agissait d’un défoulement tout physique et sans cesser de se poiler à ce qu’il semble sur la vidéo filmée dans la disco / Celui qui juge de moins en moins tout en discernant de mieux en mieux ce qui lui semble significatif au sens où l’ont entrevu un Guy Debord et Un Philippe Muray / Celle qui perçoit tout dans la fulgurance et se perd ensuite dans le détail comme souvent les femmes nordiques / Ceux que fatigue le bruit de défonce binaire de la boîte d’à côté / Celle qui se fuit elle-même en se disant gravement en recherche / Ceux que la lucidité rend trop durs / Celui qui ne dit jamais que la moitié de ce qu’il pense par égard pour l’Eternelle Demoiselle ou l’Eternel Jouvenceau qu’il y a en la plupart des gens / Celle que ses intuitions infaillibles ont rendu plus indulgente quand elle a compris ce qui motivait le grand nombre / Ceux qui s’excluent du grand nombre sans vanité particulière / Celui que le calme gouverne / Celle qui accède à une nouvelle forme de tranquillité par le recours à l’aquarelle / Ceux qui cultivent leur imagination pour supporter son manque chez la plupart de leurs semblables / Celui qui entretient un paddock à fantasmes / Celle qui souriait à son frère poète attiré par les beaux paysans qui ramenait des photographies esthétiques de ses virées dans la campagne et auquel elle lançait à son retour à la ferme familiale : « encore un poulain dans ton paddock ! » / Ceux qui laissent entrouverte la boîte à Pandore du Désir fou / Celui qui a appris à maîtriser le Tigre / Celle que sa délicatesse foncière rend absolument libre / Ceux qui sont riches de leur (relative) pauvreté / Celui que le Commandeur amuse plutôt avec son air de se prendre grave au sérieux / Celle qui se demande comment se sortir du cercle vicieux de l’obsession bancaire / Ceux qui ne spéculent qu’à la Bourse du cœur et le plus souvent à perte / Celui qui refuse de marcher au pas et en paie le prix / Celle qui ne participera point au défilé de mode du Nouvel An friqué / Ceux qui abordent l’année nouvelle avec un sourire décalé qui ne se voit pas / Celui qui restera toujours un enfant perdu au dam des dames / Celle qui n’a jamais été dupe de la mauvaise poésie / Ceux qui considèrent ce qui se passe en ce 31 décembre 2010 en se rappelant (plus ou moins) ce qui s’est passé en 1910 et en 1810 en un autre lieu (Cracovie, par exemple) puis en imaginant ce qui pourrait se passer en un lieu encore différent (Jianshui, par exemple) en 2110 ou en 2210 quand il auront tous plus ou moins canné malgré force cures transgéniques à venir / Celui qui discerne ce matin un banc de ciel gris au-dessus du plan gris du lac et s’en trouve superbien / Celle qui tombe raide amoureuse de son cousin Roland dont elle découvre aujourd’hui même à la réu de famille les mains si sensibles de pianiste et la conversation de charme alors qu’il a passé 67 ans et reste en principe fidèle à son ami Julien mort l’an dernier / Ceux qui reverront ce soir Les Yeux noirs en amoureux alors que la plupart de leurs voisins recevront Patrick Sébastien 5 sur 5 / Celui qui changera l’eau du poisson Théo ce soir à Minuit / Celle qui aborde 2011 avec la confiance clairvoyante de celle qui en a tant vu qu’elle sait qu’elle en verra encore pas mal mais sans en chier autant / Ceux qui savent que l’eau du puits reste la même, avec juste un peu plus de saveur chaque année, etc.

    Image : LK et JLK qui souhaitent une toute belle et bonne année 2011 à leur amis très proches ou tout lointains.

  • SFCDT

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    Sur une abréviation cryptée de Stendhal...

    Philippe Sollers, dans son très stendhalien Trésor d'amour ( roman à paraître chez Gallimard la semaine prochaine), cite en passant l’abréviation cryptée SFCDT, très dans la manière de Stendhal, qu’on trouve souvent en marge de ses manuscrits et qui signifie Se Foutre Complètement de Tout, laquelle formule ne contredit en rien l’extrême souci que depuis tout jeune Henri Beyle voue à ce qui lui importe et à cela seulement, c’est à savoir l’essentiel pour un garçon qui veut se consacrer sérieusement à la saisie de la sensation juste et à son expression appropriée, telle qu’on la relève très tôt dans les pointes de son Journal.

    Par exemple il écrit à dix-huit ans : «L’homme du meilleur esprit est inégal ; il entre en verve, mais il en sort ; alors, s’il est sage, il parle peu, il n’écrit point, il ne cherche point à imaginer : ses plus grands efforts ne seraient que des réminiscences ; ni à plaire par des traits brillants : il serait gauche. Il doit alors conformer sa parure, son maintien, ses propos, à l’état où il se sent. Ce jour-là, il doit aller voir les hommes ou les femmes de sa connaissance, qu’il sait aimer la tranquillité et le genre uni. Qu’il évite surtout ses rivaux, qui lui feraient oublier ses résolutions et qui auraient ensuite beau j pour le couvrir ridicule ».

    On voit que le jeune homme ne se fout pas des détails, le même qui écrit un peu plus tard : Je fous Mme Rebuffet depuis le commencement de fructidor, avant de se donner, l’année de ses vingt ans, un programme carabiné d’œuvre à composer : comédies (quatre pièces), tragédies (quatre pièces dont un Hamlet et un Œdipe-roi « avec toute sa pompe »), poèmes (refaire Le Paradis perdu et L’Art d’aimer…), entre autres ouvrages en prose dont une Histoire de Bonaparte, une Histoire de la Révolution française et une Histoire des grands révolutionnaires… à commencer à 35 ans, précise-t-il...

    Sans doute, le SFCDT se justifierait après tout ce que Beyle a vécu de l’Histoire et de la Politique, et notamment la retraite de Russie, mais là n’est pas le propos ni le problème pour quelqu’un qui sait le prix réel des choses. Sa devise exprime le contraire du je m’en foutisme que nous voyons sévir partout à l’heure qu’il est. Il y a une vie entre l’inattention fumiste au goût du jour, fondée sur l’ignorance et la vanité de l’ignorance (l’ignorance revendiquée), la dérision ricanante et le mépris d’un peu tout, les préjugés, les idées d’emprunt, les opinions fondées sur des ragots de médias, les convictions endossés comme de molles capuches – il y a une vie entre la foutraque attitude et le détachement hyper-attentif du SFCDT stendhalien qui n’est pas plus un relativisme cynique qu’une morgue supérieure, même si Sollers a raison de voir en Beyle un aristocrate républicain. Stendhal progressiste, comme l’affirme Claude Roy ? Sûrement pas dans un sens récupérable par la seule gauche moderne, mais sûrement oui au sens d’un progrès humain dans la science surexacte qui fonde l’art de vivre et d’aimer, avec quelque chose de paléochrétien là-dedans, j’entends : d’évangélique et de généreux, de bon et de civilisateur, à l’opposite des dogmatiques de la Contre-Réforme mais pas loin des curés de campagne. Aristocrate anarchisant alors, je dirais, à l’italienne ou à la Suisse, pas loin de Rousseau et de Constant – enfin c’est comme je le vois de mon balcon des Préalpes, lisant à l’instant, sous sa plume, le nom de Clarens où il passe imaginairement dans le Journal, dans la foulée des personnages de La Nouvelle Héloïse – Clarens que je vois sous mes fenêtres, huit cents mètres plus bas, au bord du lac, dans une soie brumeuse très stendhalienne en somme…

    (À Suivre)

    Stendhal. Journal. Edition intégrale, préfacée par Dominique fernandez. Gallimard Folio, 1266p.

  • Le Day of Genius

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    À propos du Journal de Stendhal et du dernier roman de Philippe Sollers...

    C’est aujourd’hui le Day of Genius, en mémoire du 29 décembre 1822 devenu légendaire où Stendhal a conçu De l’amour, qui se salue en anglais comme on le fait désormais des happy few, et je me le rappelle tout en annotant à la fois le Journal du jeune Beyle et le Trésor d’amour de Philippe Sollers tout plein de Stendhal et d’une jeune stendhalienne de Venise du nom de Minna Viscontinini (Stendhal usait quant à lui du pseudo de Visconti) mais aussi du Stendhal de Claude Roy qui se force un peu pour nous faire croire que Stendhal sans la politique se réduit à peu de chose – avant de nuancer pas mal par la suite-, et du même coup je me rappelle le Journal littéraire de Léautaud luttant également contre la double tendance au vague et à l’hypocrisie qui rapproche ces deux écrivains de la sincérité et du naturel
    J’avais déjà lu des fragments du Journal de Stendhal dans les éditions de la NRF, mais c’est la première fois que j’en aborde la version intégrale de quelque 1266 pages, en collection de poche Folio, avec une très intéressante préface de Dominique Fernandez qui dégage bien la complète originalité de l’entreprise que constitue ce journal de bonheur et non de contrition ou de compulsion (par contraste avec ceux d’Amiel, de Constant, de Kafka ou de Pavese), et son paradoxe considérable, puisque Stendhal parvient à dépasser cette contradiction ordinaire entre la vie vécue et notée (« instant noté, instant perdu », me disait un jour ce balourd de Jean Dutourd) par sa rapidité ou plus exactement : l’immédiateté constante d’un exercice qui s’interrompra, cependant, au seuil des romans, puisque H.B. tient son journal entre 1801 (il a dix-huit ans et toutes ses dents) et 1823 (il en a quarante), dans la foulée du Day of Genius...

    (À suivre...)

  • Le livre du monde


    Vernet55.jpgDans la foulée de L’Usage du monde, devenu livre « culte », la Correspondance des routes croisées de Nicolas Bouvier et Thierry Vernet, son compagnon de route, a été très bien accueillie dans les librairies et les médias. Un grand périple existentiel de deux amis à la vie à la mort.

    Si vous aimez l’amitié, vous serez jaloux. Jaloux de voir deux compères complices s’envoyer des lettres où ils se traitent mutuellement de « vieux sapin» et de « bonne cloche », de « courtilière de mes deux » et de « bon vieux kütchük», entre cent autres affectueuses apostrophes amorçant des lettres merveilleuses de passion et de malice partagées, vivantes et intéressantes, qui s’ouvrent ici à tout un chacun.

    Avant même la parution du formidable roman d’amitié que constitue cette Correspondance des routes croisées, les noms de Montaigne et La Boétie ont été évoqués pour qualifier l’attachement du «vieux mouflon» et du « vieux sifflet», mais on pense aussi à Bouvard et Pécuchet ou, plus farceurs, à Quick et Flupke version Collège de Genève où les deux lascars, fils d’assez bonnes familles, se sont connus et reconnus d’emblée. Ceci pour le ton vif qui fait pétiller une substance autrement dense et sérieuse, en rapport avec les grandes espérances de chacun dans son domaine particulier : littérature et peinture. De fait, c’est à travers leur quête artistique respective que cette amitié se dégage de l’ordinaire. D’innombrables jeunes Helvètes, en 1945, étaient sans doute impatients de s’arracher à la grisaille du petit pays neutre, tant qu’au carcan de leurs familles. Mais Nicolas (né en 1929) et Thierry (né en 1927), dès le début de leur complicité, brûlent de prendre le large et non pour fuir seulement, mais pour faire quelque chose de leur liberté. Bien avant de larguer les amarres, on les sent ainsi curieux de tout, impatients de tout humer et palper, observateurs aussi vifs l’un que l’autres, lecteurs dévorants et se racontant leurs découvertes entre une virée dans la nature et une sauterie avec de fraîches jeunes filles. Leurs lettres se font alors journal de bord et roman truffé de personnages. D’emblée, aussi, et ce sera une constante, chacun se soucie des progrès de l’autre : «Où en sont tes écritures personnelles ?», demande ainsi Thierry à Nicolas, car « c’est, après tout, ce qui est important dans la vie »...

    Et bientôt le monde va s’ouvrir: Paris à Vernet, après un début de formation artistique, et la Laponie à Bouvier, que l’Université assomme et qui lance à sa «vieille couille» après avoir lu Bourlinguer de Cendrars : « Viendras-tu aux Indes avec moi ? ». De là découlant, en 1953, le grand voyage du duo en Topolino, par les Balkans et l’Afghanistan, jusqu’à Ceylan, qui fera l’objet du de L'Usage du monde.

    Un livre « total »
    Paru en 1964 après des tribulations détaillées en ces pages, le fameux livre de Bouvier a résulté d’une lente cristallisation dont nous découvrons, aujourd’hui, les multiples ramifications existentielles et épistolaires.

    Deux premiers recueils de lettres de Thierry Vernet à ses proches nous avaient déjà révélé son saisissant talent d’écrivain. Par ailleurs, en 1956, le peintre écrit à Bouvier qui se trouve alors à Tokyo : « J’ai vraiment hâte qu’on se mette au livre du monde », évoquant une espèce de « livre total » où se conjugueraient le texte, la photo, le dessin et même la musique. Or, en deça et au-delà de L’Usage du monde, le lecteur dispose désormais de cette nouvelle incitation polyphonique au voyage.

    Nicolas Bouvier et Thierry Vernet. Correspondance des routes croisées. 1945-1964. Texte établi et annoté par Daniel Maggetti et Stéphane Pétermann. Zoé, 1653p.