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Dans la main du géant

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Une lecture de La Divine Comédie (32)

Chant XXXI. Le puits des géants. Nemrod et Antée, qui dépose les voyageurs au fonds du puits. Samedi saint, 9 avril 1300 entre 3 et 4 heures de l’après-midi.

Dans une espèce de brouillard fantastique qui n’est ni du jour ni de la nuit, la descente infernale se poursuit pour Dante et Virgile, qui entendent tout à coup le son d’un cor puissant, « si fort qu’il eût couvert le tonnerre même », aussitôt comparé au fameux olifant de Roland à Roncevaux, et qu’un géant tient en bouche avant d’accueillir les compères au bord du puits où la moitié de son corps disparaît.

Et tout alentour, que de tours !

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Plus précisément : autant de géants évoquant les tours de quelque cité médiévale (une allusion en passant est d’ailleurs faite à Montericcione, non loin de Sienne, mais aujourd’hui San Gimignano ferait meilleure image), et c’est du joueur de cor qu’il va s’agir d’abord, en lequel on identifie le très illustre Nemrod, dont les premiers mots adressés aux voyageurs laissent ceux-ci baba tant ils relèvent du volapück à bribes arabo-hébraïques de consonance :« Raphèl mai amecche zabi almi »…

Rien de gratuit en cela pour autant, car ce géant-là, Nemrod donc de son nom, tout fort qu’il soit au cor, est désormais condamné à baragouiner: « Raphèl mai amecche zabi almi »…

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Nemrod en effet, fils de Cham et donc petit-fils de Noé, mais également roi de Babylone et maître chasseur, est surtout l’initiateur du démentiel projet de la Tour de Babel, figure par excellence de l’humaine vanité défiant le divin orgueil.

Pour avoir voulu toucher le ciel au pilote monoglotte, Nemrod a fâché celui-ci et préparé la fortune future des écoles de langues. Bref, on achoppe ici à l’un des plus grands mythes erratiques (à ne pas confondre avec les mythes errants) associés aux fondements du langage et des idiomes variés, espéranto compris, que l’humour de Dante résume en une formule dont aucun dantologue ni aucun imam talmudéen ne percera jamais le sens : Raphèl mai amècche zabi almi. Macché !
Or passons vite sur le costaud suivant, genre bodybuilder d’enfer, au nom d’Ephialte et au passé de fort à bras abusant des stéroïdes au point de devenir à lui seul une arme de destruction massive, désormais enchaîné pour lui apprendre à rouler les mécaniques, pour atteindre un autre géant au nom plus familier et prestigieux d’Antée, fils de Neptune et de notre mère la Terre, donc un peu notre demi-frère en plus baraqué et qui va prendre les choses en main au figuré et au propre puisque c’est au creux de sa paume, « tout doucement », que les deux poètes vont descendre dans l’abîme qui dévore Lucifer et Judas…

Dante. La Divine Comédie. L'Enfer. Version bilingue, traduite et présentée par Jacqueline Risset. GF / Flammarion.

 

 

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