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  • L'Invisible est parmi nous

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    RENCONTRE Ecrit à Ramallah, le premier roman de Pascal Janovjak, jeune écrivain slovaco-franco-suisse, oppose l’humour et la dinguerie sensuelle au poids du monde.

    Pascal Janovjak vient de publier son premier roman à Paris, en même temps qu’une cinquantaine d’autres romanciers nouveaux. Gare à l’invisibilité ! Or le titre de son livre, plus d’un siècle après le fameux Homme invisible de H.G. Wells, sera-t-il démenti par sa verve gouailleuse, son ton vif à la Marcel Aymé ou son grand thème revisité avec brio ? C’est tout ce qu’on peut souhaiter à ce trentenaire Slovaque par son père, Français par sa mère et Suisse par son passeport, établi à Ramallah depuis quatre ans avec sa compagne travaillant, à Gaza notamment, sur le front de l’humanitaire.
    «Ramallah, raconte le jeune écrivain de passage à Lausanne, c’est une vigne folle devant la fenêtre et la rue, son vacarme incessant et ses passants. Après la misère du Bangladesh où nous avons vécu, qui semble une fatalité, nous sommes ici confrontés à la violence de l'homme sur l'homme, à l'occupation froide et réfléchie, et ces conversations quotidiennes qui débouchent toujours sur la destruction d'une maison, la perte d'un travail, la mort d'un proche ».
    Quand on lui demande comment l’idée de L’Invisible lui est venue au point le plus «visible» de l’actualité internationale, Pascal Janovjak répond : « La Palestine est une région lourde de préoccupations concrètes, où il est trop souvent question de vie et de mort. L’Europe, par contraste et vue à travers mon écran d’ordinateur, m’est soudain apparue comme un monde lisse, translucide, obnubilé par des abstractions : chiffres du chômage, ventes d’Iphone, fluctuations des valeurs boursières… Dans cet univers, l’homme invisible avait peut-être quelque chose à dire. Par ailleurs il est étrange de se savoir le point de mire de l'actualité, mais comme à côté de celle-ci, du fait de notre condition privilégiée d'Européens qui peuvent foutre le camp à tout moment. Cette liberté de mouvement est sans doute ce qui nous sépare le plus des Palestiniens, mais ils ne nous en tiennent pas rigueur. S’ils ne se font aucune illusion sur ce que les Occidentaux peuvent vraiment apporter, l'accueil est toujours chaleureux. Il est difficile de rentrer à Gaza, même pour nous, mais j'aime y aller, les conversations y sont d'une richesse rares, comme concentrées sur l'instant présent. »
    Comme Sylvie Germain dans son dernier roman, Hors champ, Pascal Janovjak renvoie à un sentiment général d’invisibilité: «Quand je déambule dans Paris, Bâle ou Lausanne, je ressens la légèreté du touriste tout en ayant l'impression de traîner le poids d'une expérience qu'il est difficile de partager. Etrange sensation aussi de travailler pendant plus d'un an sur un livre, et d'entrer ensuite dans un libraire exposée chaque semaine à une marée de livres. Pourtant, c'est dans l'écriture que je peux véritablement partager quelque chose. Je ressuscite actuellement le monstre de Frankenstein, qui me semble être à l'image du monde d'aujourd'hui : terrible, fragmenté, fascinant… »
    Quant à la signification globale de L’Invisible, son auteur conclut : « Je crois que ce livre insiste, en négatif, sur la valeur de l’engagement, de la proximité humaine, non pas pour des raisons morales préétablies mais plutôt pour une question de survie individuelle… »

    Janovjak3.JPGUne invisibilité qui se soigne

    L’invisible est parmi nous. Le sentiment de n’être plus rien, le constat que son visage ou son âge ne correspondent plus aux canons publicitaires font que tout un chacun se croit inaperçu et non reconnu. D’où la nécessité vitale de passer chez Delarue ou Foucault, de publier vite un livre ou de recenser vite 30 millions d’amis sur Facebook…

    Dans L’invisible de Pascal Janovjak, le protagoniste apparaît initialement dans une invisibilité de quidam perdu dans la foule sur le grand échiquier de la Réussite. Devenu invisible d’un jour à l’autre, mais restant sujet à des crampes d’estomac et des érections têtues, l’avocat d’affaires végétant au Luxembourg bascule soudain dans l’invisible. Jouer avec ce nouvel état, pénétrer incognito dans le disque dur de son collègue ou dans le lit d’une belle convoitée : c’est le fantasme délicieux dont Pascal Janovjak fait son miel imaginaire. On ne déjoue pas mieux les lois de la nature et de la société.

    Janovjak a la « papatte », son récit est d’un écrivain pur jus, avec un mélange de sensualité et d’humour détonant, à quoi s’ajoute une puissance d’évocation « physique » qui rend crédible la conjecture  initiale : un corps invisible et qui continue de souffrir quand on s’assied dessus…

    Le final de L’Invisible est d’un vieil écrivain tchékhovien de 34 ans qui tend la main fraternellement aux invisibles de ce bas monde : haut les coeurs ! 

     

    Pascal Janovjak. L’Invisible, Buchet-Chastel, 300p. 

    Ces articles ont paru dans l'édition de 24Heures du 12 septembre 2009.

     

     

     

  • Des temps de lire

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    A propos de la rentrée littéraire 2009 et de diverses autres choses...

     

    Dialogue schizo (7)

     

    Moi l’autre : - Et là nous faisons quoi, ce dimanche ?

    Moi l’un : -  Nous continuons de lire, compère : nous commençons de lire Bella ciao d’Eric Holder, qui démarre très bien, nous poursuivons la lecture de Milo de David Bosc, du très dense et sensible qui se lit très lentement, nous poursuivons la lecture de L’Annonce de Marie-Hélène Lafon, qui se révèle l’une des belles découvertes de ce début d’automne dans le plus âpre Cantal, nous retapons nos notes sur la lecture de Beigdeber qui nous a « décu en bien », comme on dit en pays romand, et celle de Nothomb – même constat -, après quoi nous offrons un peu de viande crue au chien Fellow, bientôt treize ans d’âge et qui décline tout doucement, nous allons faire une balade en forêt jusqu’à la coupe de bois aux souches géantes propices à la méditation stoïque, nous nous accordons deux ou trois heures de peinturlure durant lesquelles nous nous sommes promis de réécouter le prodigieux exercice de profération de Serge Merlin lisant Extinction de Thomas Bernhard, nous continuons de lire Bella Ciao d’Eric Holder, puis ce sera le temps de rédiger trois nouveaux Panoptico’ns, enfin nous reverrons sur notre laptop quelques grands moments de L’Homme aux mille visages, et notamment la bouleversante dernière suite de séquences, enfin ce sera  le temps des blogs et du clabaudage en roue livre sur Facebook…

    Moi l’autre : - Bref, le classique dimanche à ne rien faire…

    Moi l’un : - Disons : à faire ce qu’on aime, avec ton consentement apollinien.

    Moi l’autre : - C’est vrai que de te voir faire ce que tu aimes me repose. Et puis j’apprécie ta façon de vivre la rentrée. En somme, tu ne te donnes même pas la peine de faire croire aux gens que tu lis plus  que d’habitude…  

    Moi l’un : - Je laisse ce genre d’acrobaties à Pierre Bayard. Note que j’ai la chance de n’être pas trop harcelé par ma rédaction, qui me demande juste, avec un peu plus d’insistance que naguère de parler de ce dont on parle, et pourquoi en faire une crise si ce dont on parle est intéressant ?

    Moi l’autre : - Tu ne crains pas d’être taxé de complaisance ?

    Moi l’un : - Pas si ce que j’écris correspond à ce que je pense.

    Moi l’autre : - Tu vas vraiment dire ce que tu penses de Beigdeber et de Nothomb ?

    Moi l’un : - Je l’espère bien, mais avec cette nuance que le manque de place fera peut-être que je manquerai de nuances. Le tout est d’éviter la langue de bois publicitaire. Quant au manque de place, il sera bien plus frustrant sur d’autres lectures, comme La barque silencieuse de Quignard. Et quand je relise mon commentaire critique, amputé de moitié, paru hier sur L’Invisible de Janojvajk, dans 24 Heures, je me sens un poil mal même si l’on me serine gentiment qu’« au moins ce sera lu »…Enfin c’est ça ou rien, me dis-je, et je préfère « ça » à rien.

    Moi l’autre : - Et tes grandes lectures dans tout ça ?

    Moi l’un : - Alors c’est là que ça craint, comme on dit. Parce qu’il me reste 300 pages du remarquable Walter Benjamin de Bruno Tackels à prendre en notes, et qu’il y a six mois que je me promets de transcrire celles de De la violence à la divinité, le multipack monumental et pour moi fondamental de René Girard. Et tant d’autres, en attendant la prochaine rentrée…  

    Moi l’autre : - Plus tout ce qui vient dans la foulée et sans s’annoncer…

    Moi l’un : - C’est ça, retourne le coupe-papier dans la plaie : le nouveau Christian Bobin tout en aphorismes angéliques, et Le Jeu de l’ange de Zafon dont on me dit qu’il faut ab-so-lu-ment le lire, et le Finkielkraut, et le Patrick Besson - allez break, on va se croquer un pavé de bœuf et un haricot bien gras !

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  • Ceux qui se la jouent Tarantino

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    Celui qui n’admet plus l’impolitesse ni la grossièreté nom de Dieu toi qui m’envoies la porte du métro à la gueule je t’explose le crâne avec ma batte / Celle qui conserve les scalps de ses conquêtes dans des bocaux de formol / Ceux qui vengent les violés et les humiliés avec leur mitrailleuse à canons sciés / Celui qui descend le sniper du clocher en fauchant celui-ci avec son trax XLL / Celle qui traite la nouvelle responsable des RH de murène toxique / Ceux qui rasent le crâne de la collabo du patron nazi / Celui qui rêve qu’il injecte du sang d’esclave noir dans le bras blanc de Frau Goebbels / Celle qui a joué de son irrésistible sourire de Lolita pour attirer le télévangéliste pervers dans le cabanon de jardin où se tapissent les furets à dents de requins / Ceux dont le détecteur d’hypocrisie déclenche des sirènes lancinantes à travers tout Davos et environs / Celui qui loue un avion pour larguer les invendus de son premier livre sur le stade où Arielle Dombasle donne ce soir son dernier Top Peep Show / Celle qui se prête à la séance de SM virtuel que lui impose le Cavaliere jusqu’au moment de sortir de sous le lit sa tronçonneuse à zobs  de marque italienne / Ceux qui en sont encore à regretter dans leur fauteuil roulant ou leur grabat d’octogénaires de n’avoir pas flingué l’Immonde quand il était à moins de trois mètres d’eux et sans gardes du corps assez dégourdis / Celui qui assiste à la représentation du dernier Tarantino entre ses filles Dark Lady, laquelle se régale un max, et Sweet Heart, qui répète quelle horreur quelle horreur aux moments gores / Celle qui se lèche les babines quand Brad Pitt exhibe le scalp d’un jeune soldat bavarois dont les trois enfants garderont un chic souvenir / Ceux qui apprécient l’humour panique de l’affreux-jojo sans en redemander tous les jours, etc.

     

  • Cabanes d'écriture

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    L’éditrice Vera Michalski a posé la première pierre de La Maison de l’écriture, à Montricher, sur les hauts jurassiens du lac Léman. Du jamais vu…Michalski3.jpg

     

    Michalski7.jpgUne feuille blanche insérée dans une grande pierre qui s’intégrera, elle-même, dans le mur d’une bibliothèque : tel est le symbole qui a marqué hier, au lieudit Bois-Désert, au-dessus de Montricher (Suisse, canton de Vaud), le premier geste concret qui devrait aboutir, dans 18 mois, à l’inauguration de la Maison de l’Ecriture, première du genre.

    De fait, s’il existe des quantités de résidences d’écrivains de par le monde, c’est la première fois, selon l’architecte Vincent Mangeat, qu’un ensemble habitable, incluant des « cabanes » suspendues toutes semblables (le confort en plus…) à celles de nos enfances, entre autres multiples lieux de travail ou de rencontre, sortira de terre à la  seule dévotion de l’écriture et de ses pratiques.

    Sept ans après le décès prématuré de l’éditeur Jan Michalski, son épouse réalise ainsi leur rêve commun à l’enseigne d’une Fondation qui développera une activité débordant largement nos frontières. Un grand prix littéraire international et un programme de bourses et d’aides financières compléteront l’accueil des écrivains résidents (cinq personnes à la fois, dont un couple, pendant trois mois). Des lieux d’expositions, un scriptorium commun, des salles pour ateliers d’écriture, une bibliothèque et l’ancienne chapelle tutélaire reconstruite, notamment, feront de ce lieu le contraire d’un espace clos : un foyer de création et d’échange.

    Saluant avec reconnaissance cette entreprise hors du commun, Michel Desmeules, le syndic de Montricher, a rappelé le rayonnement affectif lié au nom de l’ancienne colonie de Bois-Désert, chère à la mémoire de nombreux Vaudois. Du point de vue de Sirius, Vincent Mangeat s’est imaginé au milieu des premiers auteurs résidents en décembre 2012, dressant un bilan technico-poétique en perspective cavalière… Tant il est vrai que l’architecture passe par les mots du rêve et de l’utopie, ici en « filant la métaphore urbaine » d’une micro-cité. Quant au communicateur de Losinger Construction, Hervé Corne, il  a souligné la « fantastique aventure artistique» que représente le projet impliquant aussi les « challenges » techniques d’une architecture d’avant-garde. Dans un environnement sublime, entre les dernières ombres de la « forêt noire » jurassienne et les lumières « méditerranéennes » du Léman, selon les termes de Vincent Mangeat, les bagnards de la plume auront de quoi rêver… 

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  • La saison des prix

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    …Et si tu crois ma poulette, que t’as une chance de décrocher le Goncourt sans moi… / D’abord je ne suis pas votre poulette (in petto: faut que je me gaffe de pas gaffer : c’est quand même lui qui fait la décision), Monsieur l’Académicien… / Allez tu sais ce que je pense de ton roman, même si je n’ai pas tout dit dans ma chronique du Figaro, mais j’ai l’impression que toi et moi… / Vous êtes un fin bec, Monsieur l’Académicien ! / On laisse tomber ce Monsieur… / Mais comment avez-vous fait pour écrire tout ça sans lire mon livre ? / Ah, tu sais que lire un livre, avant d’en parler, risque de t’influencer, mais nous allons le faire, ce Goncourt, nous allons le faire tous les deux - file-moi un coup de bec, vilaine, ou je te plume !

    Image : Philip Seelen    

     

  • À bonne école

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    … Sainte Ex l’a vécu au siècle passé, la pilotait des avions et la disait: Gode est ma copilote, et la prof elle a dit l’a rencontré le chti Prince qu’était Peace’n’Love et que l' a dit au renard: se kiffer c’est pas se mater c’est mater la même chose sur le même réseau…
    Image : Philip Seelen

  • En toutes lettres

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    A comme angoisse, L comme loyer, O comme oppression, N comme neuroleptique, E comme ellébore, du grec helleboros, herbe dont la racine a des vertus curatives et qui passait autrefois pour guérir la folie…

    Image : Philip Seelen

     

  • Une âme candide

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    …L’article dit : provocation, moi je sais bien que j’ai pas mes lunettes mais  je vois qu’une sorte de grande fleur blanche aux pétales largement écartés, un joli pistil que l’abeille butinera volontiers, dans un climat général de printemps moelleux qui donne envie de mordre la vie à pleines dents - en tout cas je trouve rien de scandaleux là-dedans, y a vraiment des critiques qui cherchent à se faire remarquer…

    Image : Philip Seelen  

  • Mac Mahousse

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    …On parle tantôt du baiser profond et tantôt de la galoche à rallonge, les Français le disent pelle à l’américaine et les Américains french kiss, mais pour nous autres de la classe de Mademoiselle Duflon, qui l’expérimentions à dix ans et des poussières dans l’obscurité de ses chères séances de projections d’images des Merveilles du Monde, c’était la bonne vieille langue fourrée à bouche que veux-tu…

    Image: Philip Seelen