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Quel esthétisme nazi ?

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Sur la prétendue complaisance de Jonathan Littell

D’aucuns, entre autres comparaisons aventurées, ont rapproché Les Bienveillantes des Damnés de Luchino Visconti, et voici qu’un jugement se répand selon lequel Jonathan Littell contribuerait, avec son roman, à une esthétisation du nazisme tel qu’un autre film, Portier de nuit de Liliana Cavani, l’a indéniablement inscrit dans notre mémoire visuelle.
Je viens pour ma part de revoir Les Damnés, film admirable au demeurant et qui joue, à l’évidence, sur la fascination esthétique qu’ont pu exercer la dramaturgie et les images du nazisme. La scène fameuse de la Nuit des longs couteaux, d’un érotisme à la fois glamour et glauque qui finit dans le mélange du foutre et du sang, reste emblématique à cet égard, autant que les figures du SS blond Aschbach et de l’androgyne Helmut Berger. Pour autant, cette esthétisation évidente du paganisme noir du nazisme ne se réduit pas à une apologie qu’en ferait Visconti, mais c’est là un autre débat.
Ce qui est sûr à mes yeux, c’est que l’esthétique du film n’a strictement rien à voir, mais rien, avec celle des Bienveillantes, dont pas une page ne marque la moindre exaltation lyrique des figures du nazisme. Or un autre rapprochement me semble bien plus pertinent que celui-là, et c’est celui qu’il faut faire avec Pompes funèbres de Jean Genet, qui est ni plus ni moins que l’apothéose de la représentation érotico-poétique du nazisme en littérature. Du début à la fin de Pompes funèbres, d’une écriture somptueuse qui n’a rien à voir avec celle de Littell (lequel a d’ailleurs traduit Genet, sauf erreur), l’on pourrait dire que tout bande pour les figures idolâtres essentiellement phalliques du nazisme. Le texte bande, si l’on peut dire, pour le drapeau et la moto, les bottes et les casques, ainsi de suite. Qu’ils soient Boches enculeurs ou miliciens enculés (pardon pour ces termes mais Genet ne fait pas dans l’euphémisme verbal plus que Littell), les personnages de Genet participent d’un cérémonial érotique et guerrier dont les emblèmes du nazisme exaltent une fascination constante, vouée à l’exaltation de la trahison et à la mort. Mais rien, absolument rien de cela ne se retrouve dans Les Bienveillantes. Max Aue lui-même - qui n’est pas Littell faut-il le rappeler ? – ne « bande » jamais pour aucun de ces emblèmes esthétiques. D’ailleurs ce n’est guère un visuel de culture. Son goût le plus intime est essentiellement littéraire et musical, du côté de Bach et de Couperin, Rameau ou Monteverdi. A Wagner, dont l’esthétique est évidemment plus proche des pompes nazies que celle du Cantor, seul Rebatet le fasciste, indiscutablement fasciné par la brute barbare, fait allusion en passant.
Dans les grandes largeurs, enfin, rien ne permet formellement d’établir la fascination du romancier lui-même pour l’esthétisme nazi, ni moins encore de prétendre que son livre en est imprégné.
L’érotisme de Max Aue n’est jamais esthétisé : il est ce qu’il est, vertigineusement pulsionnel et visqueux. Aucun des personnages du roman n’est stylisé de manière flatteuse ou équivoque. Aucune des scènes du roman ne relève de la mise en scène d’un Visconti ou du trouble panique d’un Genet. Les Bienveillantes ne procèdent pas par fascination, au sens où l’on trouverait une beauté diabolique à l’horreur, mais par sidération. S’il y a de la beauté éparse dans le roman, elle n’est jamais liée au nazisme lui-même ou à ses figures. C’est une vision lointaine et fugace des crêtes du Caucase, le sourire d’un vieux Juif accueillant la mort en toute sérénité, ou les gestes d’une femme qui nous rappelle que la compassion existe jusque dans ces enfers. Littell ne vise jamais à édulcorer ceux-ci. Ce roman n’acclimate en aucun cas le nazisme mais nous traverse comme le pire cauchemar qui soit. Le sentiment dominant qui émane des Bienveillantes est une tristesse indicible…

Commentaires

  • L'histoire vraie ne s'écrit pas avec du noir sur fond blanc ou du blanc sur fond noir. Le bien absolu n'existe pas, de même le mal absolu n'existe pas.
    Seules les idéologies sont réductrices, une caricature pensée de la réalité. On ne mobilise pas les gens sur la base du doute. Les gens ont besoin de certitudes pour bouger. Les fanatiques de tous bords le savent, ils assènent alors leurs coups de matraque à penser : l'endoctrinement et le lavage de cerveaux.
    Malheur à celui qui osera dire une once de bien sur ce qu'ils ont défini comme étant le Mal.
    Malheur à celui qui osera dire une once de mal sur ce qu'ils ont défini comme étant le Bien.
    L'histoire s'idéologise, et voilà qu'elle se légifère.
    À quand les suppositoires ou les comprimés de la bien-pensance?
    La terreur! on terrorise celui qui ose douter.
    Nous vivons dans un fascisme profond où le manipulateur agit dans l'ombre. Le crime parfait! La vérité étant de fait la chronique victime.
    Jusqu'à quand le bâillon?
    Le bâillon a fait place à la baïonnette...

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