Air
- La maison est fermée.
- Nulle trace dans la neige.
- Max se fait connaître de la gardienne Käthe et remettre les clefs.
- S’installe.
- Hésite à raconter ce qui suit, qu’il a déjà consigné une fois
- L’effet de distanciation rappelle une fois de plus que Max est en position d’interprétation subjective des faits. Tout le livre balance ainsi entre faits et fictions, voire conjectures.
- Dans son premier récit, sa sœur et Berndt devaient être présents…
- Il aurait parlé d’Hélène à Una.
- Qui se serait étonnée de son hésitation à se marier…
- Mais il va reprendre autrement.
- Käthe lui apporte des victuailles.
- Il découvre une cave bien garnie.
- Imagine maintenant qu’il parle avec Berndt von Üxküll.
- Evoque l’attentat de juillet.
- Son beau-frère a connu les conjurés. Pense qu’il faut maintenant boire le calice jusqu’à la lie.
- Même position chez Jünger.
- Ils parlent de l’élimination des Juifs.
- Una pense que les Allemands s’en sont pris à un reflet d’eux-mêmes, les qualités majeures des Juifs étant en somme proches de celles des Allemands…
- « En tuant les Juifs nous avons voulu nous tuer nous-mêmes ».
- La discussion (virtuelle) se dilue dans l’excès d’alcool… (pp.801-802).
- Max se retrouve seul.
- Rêve d’une belle jeune femme chiant la merde.
- Dans la bibliothèque, trouve L’éducation sentimentale en français.
- Commence de lire.
- Puis s’en va dans la forêt. Arrive au bord d’un lac. Lui revient le souvenir de la légende de Vineta, la ville engloutie, sœur de la ville d’Ys ou de Kitèje.
- La légende évoque le conflit entre l’inassouvissement féminin et l’ordre de la cité.
- Una pense que le plaisir de la femme est incomparable avec celui de l’homme.
- Max ensuite se sent vidé.
- Revient au manoir.
- Dans le miroir, voir un visage « gonflé de ressentiment. »
- Tourmenté par la pensée-sensation du sexe féminin.
- Fouille dans les affaires d’Una.
- Découvre une lettre où Una raconte que son mari a connu leur père, une véritable bête sauvage qui faisait crucifier les femmes violées en Courlande…
- Cela le perturbe violemment.
- Fouille ensuite dans les affaires de Berndt von Üxküll.
- Boit et bande.
- Médite sur la signification de cela qui l’agite: le sexe (p.810).
- Pense à Hélène. Et se dit : « L’amour est mort. Le seul amour est mort. »
- Les hommes du village l’interrogent sur les mesures à prendre alors que les Russes s’approchent.
- Il leur offre un chariot et un cheval.
- Mais lui reste.
- Un soir, s’imagine vivant en autarcie coprophagique avec Una. Bouffent des étrons.
- Des pensées de plus en plus chaotiques et obscènes le taraudent.
- Il déraille ainsi des jours durant.
- Puis Käthe vient lui annoncer qu’elle quitte les lieux.
- Et qui v’là : Clemens et Weser !
- Qu’il a juste le temps d’esquiver en filant dans la forêt.
- Ensuite, revenu au manoir, découvre une photo des jumeaux. Se demande toujours qui est le père. L’idée qu’il pourrait l’être ne vient qu’au lecteur…
- Continue de glisser sur le « grand trottoir roulant » de la prose de Flaubert.
- Et le soir, se coule un énorme bain.
- Se rappelle la conception mythologique de Rhésos. (p.819)
- Imagine Una se faisant baiser dans son bain par des tas d’hommes.
- L’imagine se vautrant dans son corps comme lui-même s'y vautre.
- Délire érotico-linguistique étonnant (pp.821-822)
- Ses fantasmes et ses menées onanistes se corsent à l’observation d’une mouche menacée par une araignée.
- En somme, il baise la maison d’Una.
- Comme il se fait baiser par les arbres de la forêt.
- S’enfonce dans le mystère du corps.
- S’épile et se branle à mort, faute de s’écorcher vif.
- Revit la scène première avec Una adolescente.
- Son délire l’amène à l’auto-strangulation, qui lui rappelle soudain la pendaison de le jeune femme de Kharkov.
- « Si l’on pouvait faire ça, pendre une jeune fille comme ça, alors on pouvait tout faire. » Echo explicite à Dostoïevski.
- Max touche le fond (p.836).
- Quand il se réveille, lui reviennent quelques vers de Guillaume d’Aquitaine.
- Et ça continue...
Gigue
- Thomas vient le récupérer.
- Sa défection a fait du vilain.
- Max le suit en emportant son Flaubert.
- Les Russes sont tout proches.
- La voiture conduite par Piontek pile devant un char.
- Ils y échappent de justesse.
- Les chars russes écrabouillent tout sur leur passage (p.844).
- Le trio s’échappe à pied dans les campagnes.
- Pagaille générale.
- Toutes ces pages sont d’une puissance d’évocation formidable. On se rappelle la fuite de Nord, chez Céline.
- Tombent sur des Français de la division Charlemagne.
- Traversent une rivière.
- L’éducation sentimentale en est toute trempée…
- Traversent des villages dévastés plein de cadavres.
- Max se laisse guider par Thomas.
- Scène terrible de l’église.
- Un vieillard en uniforme de Junker joue L’art de la fugue.
- « Ils peuvent tout détruire, mais pas ça », dit-il.
- Quand il en a fini. Max, fou de rage d’entendre ici la musique qu’il préfère, lui tire une balle dans la tête. (p.855)
- Thomas n’y comprend rien.
- Après une nuit à dormir dehors, se font réveiller par une horde d’enfants en armes.
- Piontek les engueule.
- Ils le massacrent.
- Traitent Thomas et Max de déserteurs. Se sont constitués en armée. Des orphelins Volksdeutschen.
- Thomas leur explique qu’il va appeler Hitler.
- Ils lui donnent un téléphone.
- Thomas les berne. Ils s’apaisent.
- Ensuite la horde attaque des Russes (p.862). De vrais sauvages.
- On passe l’Oder dans des conditions épiques.
- Puis on se retrouve à Berlin.
- Où la vie reprend.
- Fuite en avant dans les fêtes. Max se fait draguer par un Roumain louche.
- Qu’il assassine un peu plus tard dans les chiottes de l’hôtel.
- « Des loups frappés de rage s’entre-dévorent ».
- L’étau se resserre sur Berlin.
- Les rats quittent le navire; Thomas évacue ses parents en Autriche.
- Terribles bombardements.
- Max est convoqué avec Thomas dans le bunker du Führer pour y être décoré.
- Dédale souterrain à moitié inondé.
- Se retrouvent dans une salle où Hitler paraît.
- Tremblotant et hagard.
- La séance commence.
- Max voit le Führer approcher.
- De près, lui remarque un nez difforme qu’il n’imaginait pas, « large et mal proportionné ».
- « C’était clairement un nez slave ou bohémien, presque mongolo-ostique »…
- Quand Hitler est devant lui, d’un geste fou, Max pince le nez du Führer.
- Scandale et confusion.
- On le bat et l’emmène. Au cachot avec un certain Fegelein, qui n’est autre que le beau-frère d’Eva Braun, promis à l’exécution pour trahison.
- Le lendemain, à la faveur de son transfert en voiture, il profite d’une explosion pour s’échapper.
- S’enfonce dans une bouche de métro. Suit les voies inondées et qui v’là qui l’attendent : Clemens et Weser !
- Scène grandiose (pp.886-888) où les flics lui racontent par le menu ce qui s’est passé à Antibes. Mais au moment où ils vont rendre justice, les Russes attaquent.
- Max s’échappe une nouvelle fois.
- Parvient à gagner le bureau de Mandelbrod et Leland, qui ont liquidé toutes leurs femmes et s’apprêtent à gagner Moscou ou Staline va continuer la « guerre ontologique ».
- Max les traite de fou et se casse.
- Se retrouve au zoo, où il tombe sur un gorille trucidé à la baïonnette. « Ses yeux ouverts, ses énormes mains me parurent effroyablement humains ».
- Mais v’là que Clemens le rattrape. Qui cette fois va vraiment rendre justice.
- Mais Thomas surgit à son tour et liquide le flic.
- « Une fois encore, il était moins une »…
- Entre Céline et Tintin ou James Bond…
- Thomas découvre, dans les poches de Clemens, une fortune en billet de banque.
- Or Max, ingrat mais prévoyant, fracasse la tête de son ami et s’empare de ses papiers d’identité et de son costume volés à un ouvrier français du STO.
- C’est ainsi qu’il gagnera la France…
- Les Russes ont disparu entretemps.
- Passent un petit éléphant, trois chimpanzés et un ocelot.
- « J’étais triste, mais sans trop savoir pourquoi. Je ressentais d’un coup tout le poids du passé, de la douleur de la vie et de la mémoire inaltérable, je restais seul avec l’hippopotame agonisant, quelques autruches et les cadavres, seul avec le temps et la tristesse et la peine du souvenir, la cruauté de mon existence et de ma mort encore à venir. Les Bienveillantes avaient retrouvé ma trace.
- Fin des Bienveillantes de Jonathan Littell. Très grand roman cathartique sans égal dans la littérature mondiale des nouvelles générations. Rien lu d’aussi fort depuis Vie et destin de Vassili Grossman, Le Temps du Mal de Dobrica Cosic ou les romans d’Aleksandar Tisma. Un livre inspiré, dérangeant, parfois saturé, insoutenable, immonde, mais envoûtant de part en part et d’une saisissante cohérence.
Commentaires
Titanesque ! ces 4 volets je ne les ai pas lus en entier pour garder l'intrigue à la lecture ... toutefois, cela m'a l'air ... dur, froid et violent et excessivement prenant... L'idée de voir dans les yeux du bourreau me rappelle quelque chose ^^ Toutefois, cette vision là dans les yeux d'une personne, qui a l'air de ne pas fonctionner très bien avant même que l'engrenage de la folie collective ne frappe, me semble intéressante. J'ajouterai même que ce que certains appellent inexactitudes en matière d'histoire racontée par quiconque est un phénomène normal !! A plus forte raison si l'observateur est ... déjà mal ancré au monde ...
Bravo encore pour ce travail, cet esprit de synthèse que j'apprécierai à sa juste valeur quand j'aurai lu le livre ^^
J'ai failli tout lire toutefois :)
ca y est fini les bienveillantes Mardi soir, pas loin de 4 semaines de lectures, heureux d'avoir fini et soulagé je crois que je vais avoir besoin d'un ou deux livres plus légers pour compenser la noirceur lue (un petit polar de Ian pears ce week end et la suite de mon objectif à la con lire toute la sage du 87eme district d 'ed mc Bain dans l'ordre démarrage du tome 6 la semaine prochaine et henri Calet forcement)
Un pavé dans la marre dévoré dès sa sortie...
Plus qu'un roman, on dirait un rapport scientifique dans sa présentation (à peine de temps en temps un paragraphe).
Lourd et épais comme ce qu'il raconte.
Mais qui se lit d'une traite (des hommes?), avec la froideur glaciale de l'impensable, et quand on le referme parfois, c'est toujours avec peine qu'on retrouve 2006 et que la nausée s'évapore...
Et on se dit : et si? moi? comment? qu'aurais-je...?
Mais ces questions font trop peur... Alors on se replonge dans le noir de cette lecture.
Indispensable.
Terminé ce soir ces terribles "Bienveillantes" dont les 300 dernières pages ont été avalées en deux jours. Difficile de refermer ce livre alors que les Russes avancent, difficile de se désintéresser de la débâcle nazie, ce gigantesque et absurde grouillement de fonctionnaires qui continuent, malgré l'évidence de la défaite, de fonctionner - ou qui essaient, du moins.
Beaucoup aimé la manière dont Littell met à profit les lacunes de l'histoire pour y insérer ses personnages fictifs et ses anecdotes (je pense notamment à la scène dans le bunker d'Hitler, où Max pince le nez du Führer !).
Sidéré également par la richesse de ce texte, tout ce qu'il pose comme interrogations (mais "malheureusement" pour Littell, même si je doute que cette nouvelle le désespère, je viens de commencer la "Recherche" de Proust, et au niveau richesse et beauté du texte, Jonathan est coiffé au poteau par ce bon vieux Marcel, mais après tout, l'Américain n'a jamais prétendu vouloir égaler quiconque).
Une lecture qui ébranle, qui emporte dans un flot de détails, et d'ailleurs, je me demande si, allégé d'une ou deux centaines de pages, le texte n'aurait pas été encore meilleur, allant en tout cas plus à l'essentiel... Mais après tout, ce n'est pas souvent que l'on a l'occasion de se perdre dans une telle fresque romanesque. Et puis l'essentiel, dans cette histoire, c'est quoi ?
L'essentiel c'est que toi, garçon de 18 ans, tu aies lu ce livre. Pouvait-il être plus court ? Je crois que Littell n'a pas choisi, pas plus qu'il n'a choisi Max Aue pour protagoniste. C'est un livre médiumnique écrit dans la nuit. C'est une symphonie de la destruction, alors que Marcel est ouvert à la porosité de la vie et de l'amour. Figure-toi que je suis en train de relire La Prisonnière. Quelle fou de détails lui aussi, et quel bonheur sans mélange que cette langue pleine d'incorrections et de lourdeurs, n'est-ce pas... Enfin je te souhaite, Bruno, un beau dimanche sous la neige, si tu vois de chez toi ce que je vois à ma fenêtre... Et merci encore pour ton magnifique article sur La corde de Mi...