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La Rolls de Kipling

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En lisant Rosebud de Pierre Assouline (2)
Nous sommes tous un peu fils de Kipling, les garçons. Tous nous avons un peu de Mowgli, un peu de Kim, un peu du fils de Kipling en nous, ce pauvre John à qui était destiné le poème universellement connu grâce auquel nous savons désormais comment devenir un homme, mes frères, If…
Un vrai père, et de sa nation, que Pierre Assouline fait errer à bord de sa Rolls Duchess après la disparition de son fils de dix-huit ans, probablement à la bataille de Loos, fin septembre 1915, mais jamais il n’en sera sûr, même s’il parvient à faire graver le nom de John Kipling sur une pierre tombale au lieu du seul « known unto God ».
Notre époque d’égalitarisme et de ressentiment voudrait ignorer la douleur des riches, et d’autant plus qu’il s’agit ici d’un réac colonialiste, fauteur de guerre et y poussant son John bigleux et mal fichu qui se pique de n’avoir jamais lu les livres du paternel. Kipling lui-même ne se lâchera pas d’un bouton de col : dignité virile oblige, mais sa détresse n’en est pas moindre, qui va se traduire par ses mots éparpillés sur des stèles en terre de France : « Ses Epitaphes de guerre resteront gravées dans les marbres. Son fils y est partout, dans les lignes, entre les lignes, derrière les lignes ». En quelques mots personnels poignants, Pierre Assouline fait écho à la peine de Kipling en évoquant celle de son propre père brisé par la mort de son fils aîné. Frères humains devant l'arbre arraché. Alors la Rolls, la gloire, l’Empire, les principes, les boutons, tout ça se trouve balayé tandis que ne restent dans le vent du bord de mer que les mots de My Boy Jack :
Avez-vous des nouvelles de mon fils Jack ?
Pas à cette marée.
Quand croyez-vous qu’il reviendra ?
Pas avec ce vent qui souffle, et pas à cette marée…

Eclats de biographie : une trentaine de pages et c’est un portrait de l'homme nu à fines touches qui se dessine, un style et une attitude devant la vie, des éclats de lecture qui renvoient à l’œuvre et à un roman oublié des frères Jean et Jérôme Tharaud, Dingley l’illustre écrivain, dont la scène capitale préfigure ce que Kipling, modèle du roman, vivra quelques années plus tard. Ainsi les auteurs évoquent-ils la douleur de Dingley, retour des combats du Transvaal qu’il a exaltés, devant la mort de son jeune fils tombé malade en son absence : « Il pénétra dans ces régions illimitées de la douleur, où l’imbécile et l’homme de génie ne se distinguent pas ».

Commentaires

  • tenez, un petit souvenir de décembre, composé en écho à "If":

    POUR UN FILS

    Si les fautes de tes parents tu consens à pardonner
    Si de leurs influences tu sais qu'il faut te séparer
    Si les liens t'apparaissent dans leur nue réalité
    Combien déjà tu seras sur le chemin d'éternité

    Quand tu auras creusé jusqu'au plus profond
    Que de l'abîme seront remontés les démons
    Quand tu auras livré bataille jusqu'au Néant
    Quand de tes entrailles surgira le Présent

    Quand de l'Amour tu auras compris la substance
    Quand tu sauras qu'il n'est nulle part nulle souffrance
    Quand la Lumière t'inondera en plein jour
    Quand de ton coeur la clarté jaillira alentour

    Lorsque les plaisirs délétères te paraîtront futiles
    Et que de ton arbre pousseront des fruits utiles
    Quand l'immensité du vide sera ton berceau lumineux
    Et que les éclairs cristallins illumineront tes yeux

    Quand tu ne seras plus rien et que ce rien sera Tout
    Quand la nudité intérieure t'aura mis à genoux
    Que tu te relèveras face à tous les éléments
    Et que tu resplendiras même au milieu des tourments

    Si la grâce t'accorde le privilège du feu
    Il n'y aura pour toi plus aucune forme d'adieu
    Quand bien même il n'y aurait plus personne
    Ce jour-là, tu seras devenu un Homme

  • Merci compère pèlerin

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