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Les Bienveillantes suscite la malveillance

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Il fallait s’y attendre : l’extraordinaire succès des Bienveillantes de Jonathan Littell, dont plus de 120.000 exemplaires ont été vendus en moins d’un mois, au point de déstabiliser la logistique de Gallimard, attise les jalousies et les rumeurs dépréciatives, à commencer par la plus imbécile, selon laquelle Robert Littell, romancier américain à succès, serait l’auteur du livre de son fils.
Plus grave et combien inélégante : la façon de Claude Lanzmann, réalisateur de Shoah, film-monument de mémoire auquel Jonathan Littell a d’ailleurs rendu hommage, de dénigrer Les Bienveillantes. Claude Lanzmann affirme ainsi qu’il n’y a que deux personnes au monde qui peuvent comprendre Les Bienveillantes : lui et Raul Hilberg, l’auteur fameux de La destruction des juifs d’Europe, auquel Littell a également reconnu sa dette. Si Lanzmann rend hommage au travail monumental du jeune auteur, il insinue, en se contredisant d’ailleurs, que ce livre ne serait pas vraiment « incarné », tout en récusant le droit du romancier à peindre un SS tissé de complexes et de perversions, mais également de qualités personnelles. A croire que les aspects « trop humains » de Max Aue risquent de distraire l’attention du lecteur. Selon Lanzmann, ce livre serait en outre trop difficile à lire, et, surtout, le fait qu’il soit lu par tant de gens impliquerait une dépréciation du sujet…
Est-ce à dire que Les Bienveillantes soit le chef-d’œuvre absolu qu’il s’agit de célébrer à genoux sans oser la moindre critique ? Nullement. Il est vrai que ce livre exige un grand effort de lecture. Vrai aussi que le protagoniste n’est pas le «monstre » typique. Vrai surtout que cette plongée progressive dans le Mal est une épreuve à la fois nerveuse et physique, mais qui nous semble absolument pure de toute complaisance et de toute fascination.
Or c’est là que Claude Lanzmann est le plus injuste envers Jonathan Littell : en laissant croire que le romancier est fasciné par son personnage et qu’il se délecte de son abjection. Les lecteurs de bonne foi apprécieront !
Les Bienveillantes, au demeurant, ne traite pas que de la Shoah. Contrairement à ce que d’aucuns ont déjà conclu sans le lire, ce n’est pas une « lamentation juive » de plus (nous empruntons l’odieuse expression à ceux qui la ressassent de plus en plus ouvertement) mais c’est un très grand livre sur le consentement au Mal. Ce que vit le SS Max Aue en se soumettant à son idéologie de mort ne concerne pas, en effet, que le nazisme, même si l’industrie des sieurs Eichmann & Co aura touché à des sommets d’organisation et d’efficacité dans l’horreur – ce que Jonathan Littell montre de l’extérieur et de l’intérieur.
Par ailleurs, il est vrai qu’on aura trop vite comparé le jeune romancier à Léon Tolstoï ou à Vassili Grossman, et que la masse du livre ne «rayonne» pas de la même façon que celle de La Guerre et La Paix ou que Vie et Destin. Mais Jonathan Littell est le premier à récuser ces comparaisons relevant du marketing. Reste que nous n’avons rien lu cet automne de plus sérieux, de plus bouleversant, de plus instructif et vivant, de plus réellement nécessaire que ce livre, comme on a pu le dire, toutes proportions gardées là encore, de L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne.
Le succès des Bienveillantes risque-t-il de créer un « trou noir » éditorial dont pâtiront les autres livres parus cet automne ? Même si cela devait s’avérer, l’intérêt de l’ouvrage est tel que cet « effet collatéral », d’ailleurs improbable, nous semble secondaire, et parfaitement obscène la façon d’en imputer la responsabilité à son auteur.

Cette chronique a paru dans l’édition de 24Heures du 29 septembre

Commentaires

  • En tout etat de cause, ceux qui ont lu la compagnie du papa de Littell savent tres bien que ce n'est pas du tout mais alors pas du tout le meme style.

  • Aux dernières nouvelles, l'éditrice de La Compagnie, Vera Michalski, pourrait publier Les Bienveillantes en polonais. Elle est en train de le lire pour juger sur pièces... Mais cela n'a rien à voir, naturalny.

  • Ayant lu sur ce blog toutes les notes concernants les Bienveillantes de J.Littell, j'aurai quelques remarques à faire, après avoir lu l'ouvrage en question :

    - pour commencer, je tiens à dire que je ne suis pas aussi enthousiaste que vous. Certes ce livre est impressionnant, de par sa taille et sa documentation. C'est un projet collossal et respectable. Toutefois, je ne peux m'empêcher de ressentir un certain malaise quant à l'objet vériable du livre. Vous dites que c'est "très grand livre sur le consentement universel au Mal", et que cette plongée dans le mal est "pure de toute complaisance et de toute fascination". Premier point je suis d'accord : c'est un livre sur le mal, qui plonge dans ses racines comme dans ses rouages, qui donne à voir la mécanique du mal. Par contre j'ai du mal à être aussi catégorique sur la seconde remarque. Pas de complaisance ? Tout dépend de la définition qu'on en donne. Mais si la complaisance est bien aussi "le plaisir que l'on éprouve à faire quelque chose en s'y attardant", alors oui il y a complaisance; complaisance à s'attarder un peu trop longuement à la description des massacres (ceux de Kiev par exemple), complaisance à décrire un peu trop en détail aussi les petits malheurs du personnage (un peu trop "héros" à mon goût). Pas de fascination ? Si la fascination est bien une sorte d'envoûtement, alors oui il y a fascination de la guerre, fascination du mal. D'ailleurs cette fascination n'est pas forcément à charge, mais doublée de complaisance ça peut le devenir.

    -Cette plongée de mal à un objectif, nous donner à voir sa mécanique. Soit. Mais le malaise demeure. Pourquoi cette façon de le montrer, pourquoi imbriquer aussi étroitement la documentation et le romanesque ? Pourquoi le faire sur 700 pages ? Les témoignages sont importants, ceux de Shoah comme ceux de Raul Hilberg (au passage je trouve aussi agaçant la manière dont Lanzman s'érige dans cette histoire. "Vilain" c'est un peu beaucoup dire. Disons que c'est agaçant et pueril). D'ailleurs Littell a certainement puisé chez l'un et l'autre. Mais cette sorte de documentaire-fiction que sont les Bienveillantes (certes avec un certain talent littéraire) me semble avoir un effet assez pervers. C'est du moins ce que je ressens. A force d'aller voir si près le Mal, ne risque-t-on pas de dépasser la simple prise de conscience, l'édification du lecteur ? Les effets que le livre peuvent avoir sur les lecteurs ne sont ils pas trop proches de ceux qu'ils dénoncent ? A force de mal, à force d'y plonger, on touche aussi les lecteurs, on les imbrique à tel point dans cette fascination qu'on peut en ressortir blessé, outragé, sali, écoeuré. Faut-il ressentir le mal à ce point pour le comprendre, l'analyser, le combattre ? Faut il être "traversé" par le mal, rencontrer le "diable" pour le comprendre ? (grosses guillemets pour "diable" bien sûr)
    La question est ouverte.

    T.

    PS 1 : ce ne sont pas 120000 lecteurs dont il faut parler, mais 120000 acheteurs...

    PS 2 : oui le personnage décrit est abject, absolument abject. Ce n'est pas parce que Littell en fait un héros (ou même un anti-héros) qu'il est fréquentable. Certes il est proche de nous et c'est aussi pour dire que le "mal" est plus proche qu'on pourrait le penser, qu'il se niche partout et même chez des gens cultivés, certes. Mais cette alliance de lâcheté, de distance passive, ou de passivité active par défaut me dégoûte.

    PS 3 : Quitte à travailler sur le mal, je préfère lire Raul Hilberg, Hannah Arendt ou Bataille.

    PS 4 : Une vertu quand même, ce livre nous interroge vraiment sur la nature du mal et sur la façon dont nous pouvons en parler, l'écrire, en débattre. (et je suis d'accord en ce que ce livre ne banalise absolument pas le mal.)

  • Je suis assez d'accord avec elias, il y a sans l'ombre d'un doute une sensation de malaise dans ce livre. Cela en est presque physique. Un degout est le mot juste. C'est un livre dégoûtant.
    Mais je me souviens qu'en ayant vu shoah la premiére fois au lycee, j'ai ressenti aussi un malaise tres fort.

    Une chose frappante dans ce livre, la place (trés limitée) des femmes, considérée comme des objets sexuels, des catins (la mére de aue etc..) ou des machines (la bureaucrate specialiste en langue). Je pense que c'est un aspect important du livre. Car ce livre tourne en fait je le pense autour de la haine de la vie. Et cela peut nous permettre de dépasser le cadre de la shoah et l'appliquer au problémes actuels.

    Il est sur que ce livre nous améne trés trés proches (je l'ai ressenti ainsi) du mal pur. C'est un risque. Mais à titre personnel, je pense qu'il faut le prendre. Et l'affronter via une ficition par une descente en enfer interieur plutot que de le voir se révéler plus tard dans la réalite.
    Une analyse objective, détachée ou philosophique est une chose, importante mais à mon sens moins édifiante que de percevoir qu'effectivement on peut être fasciné. mais comme c'est une fiction on peut réfléchir aprés.
    D'ou le fait que je trouve que ce livre est un révélateur du noir. De ce que l'on ne veut pas voir.

    A lire à vos risques et péril. Pour moi sans aucun doute, je comprends mieux ce que j'aurais pu être dans de telles circonstances. L'amour de la vie et la paix sont les deux vrais remparts contre le mal.

  • Absolument: Jonathan Littell plonge dans l'univers de l'abjection, et d'autant plus difficile à admettre qu'elle est policée. Mais l'abjection n'est jamais pure. Lisez donc Mein Kampf, ce livre tissé d'abjection et de médiocrité, d'hystérie et de culture aussi, ou lisez le journal de Goebbel, encore plus sinistre. Ce n'est pas de la complaisance malsaine que de s'intéresser à ces documents humains, c'est un effort de connaissance que Littell a accompli à sa façon. Est-ce la seule ? Sûrement pas, mais ce livre reste important à mes yeux. Vous avez mille fois raison de parler de culture de mort: il n'y a aucune place pour un enfant dans Les Bienveillantes, j'entends: dans la tête de Max Aue. Lui-même est resté une sorte d'avorton après ses premières déceptions affectives. Ceci dit le personnage n'a pas l'amplitude d'un personnage de Dostoïevski, mais Littell ne s'est jamais comparé à celui-ci, pas plus qu'à Tolstoï ou Grossman. Aussi, bien plus important que les fantasmes de Max Aue sont ses observations d'homme curieux. On ne l'a pas assez remarqué: Max agit comme un écrivain, il est curieux mille fois plus que compassionnel; là encore nul amour mais l'intérêt "scientifique" ou "bureaucratique", plus précisément "entomologique" de l'écrivain froid...

  • Cher JLK, vous écrivez : "Lisez donc Mein Kampf, ce livre tissé d'abjection et de médiocrité, d'hystérie et de culture aussi, ou lisez le journal de Goebbel, encore plus sinistre."

    et bien justement, je n'ai aucun envie de lire Mein Kampf, encore moins le journal de Goebbel. Je comprends que ces documents puissent être utiles à des historiens, et comment, mais je n'ai aucune envie de me nourrir de ces lectures. Je me doute bien que vous ne les lisez pas non plus pour le plaisir, mais chaque lecture - peu importe sa nature - nous alimente de quelque chose. Je n'ai pas envie pour ma part de m'alimenter à "cela". Je m'en tiens aux historiens, aux documentaires, aux témoins. Dans "Bienveillantes" on rencontre un bourreau "malgré lui", on le rencontre jusqu'à la moelle. Il m'est déjà arrivé de rencontrer des bourreaux. Je voulais comprendre; ça a été une terrible expérience que je ne souhaite pas forcément renouveler, non parce qu'il me tendent un miroir (tout aussi humains que moi), mais parce que le grand écart était trop grand entre ce qu'ils disaient, la compassion inévitable que leur situation impliquait (tenue de prisonnier, misère, implication "malgré eux", bourreaux ET victimes) et les rires mêmes partagés aux moments de respiration quasi obligatoires qui trahissaient la lourdeur des propos et notre besoin collectif de "relâcher" un instant.

  • Je vous comprends tout à fait et partage d'ailleurs votre sentiment. Merci de vos commentaires.

  • De qui parlez-vous de Lanzmann ou de Litell? Elle me fait sourire la provocation de Lanzmann : "Ce livre [les bienveillantes] ne peut être compris de part en part que par deux personnes : Raul Hilberg et moi... " ce n'est sûrement pas vrai... mais croyez-vous que les lecteurs de Litell ont lu Hillberg, ont lu Grosmann etc.. ont lu, ont entendu les témoins? j'ai lu Les Bienveillantes, au début avec grande attention, puis, j'ai commencé à lire en "diagonale" ces pages, saturées d'une psychologie de bas étage, entre café du commerce et revues populistes, entre scatologie et inceste, doublée d'une homosexualité ( avec tous les clichés qui vont avec ) décrite avec une délectation malsaine. Un héros qui dit ne pas vouloir parler et qui raconte, qui vomit pendant 9OO pages, où la "Mémoire" devient celle d'un SS. ( là est me semble-t-il l'une des obscénités du livre). Lanzmann dit que la documentation de Litell est" formidable, pas une erreur, une érudition sans faille. il a lu tous les travaux des historiens, les témoignages, des agents de l'époque, les minutes des procès. Il connaît fort bien "Shoah" " ( Lanzmann ) J'ai retrouvé dans Les bienveillantes des témoignages lus dans le Livre noir de Grossman, des témoignages de Shoah, des passages de la gigantesque étude de Raul Hilberg... mais tout cela comme un vaste "collage", ponctué des vomissemnts, des diarrhées du narrateur, de ses fantasmes pervers, passages dont on se passerait bien... pas à un seul moment le presonnage central n'a réalité, lui-même est collage, artificiel. J'ai eu l'impression d'un immense fourre-tout, où tout se noie même et surtout "la mémoire"... Et puis, des pages et des pages d'études "linguistiques", (fort intéressantes au demeurant, mais incongrues dans le récit, et improbables dans la "réalité" du personnage, des pages et des pages sur les considérations hautement "littéraires" du "héros" et cette nausée qui nous vient face à la fascination que semble exercer sur l'auteur - je ne parle pas du narrateur - mais bien de l'auteur, l'horreur et la mort, je ne dis pas qu'il l'approuve mais elle semble exercer sur lui une fascination morbide. Et puis aussi, des affirmations à l'emporte-pièce dites et écrites sans explications et qui peuvent être totalement assassines et dangereuses. Les bienveillantes, ( Cf Rinaldi) comportent des contresens historiques, des erreurs et mensonges : l' exemple de Pétain, entre autres, donné par Rinaldi. Où le narrateur, non l'auteur a-til trouvé que Pétain avait essayé de limiter la déportation des juifs de France? ) est, à mon sens, - au-delà de sa dangerosité disons de lecture sans connaissance ni garde-fous - est un livre inutile. Certains critiques y sont allés un peu vite en comparant ce livre à Vie et destin de Grossman ou au film Les Damnés de Visconti. Je ne reproche pas à Litell d'avoir voulu écrire un roman, certains auteurs comme Grossman ( entre autres ) ont tenté à travers une fiction d'aller au coeur des choses, de s'approcher de la "Vérité", pour Litell c'est raté, comme le dit encore Lanzmann " l'accumulation de tout, produit un engorgement du cerveau et une effet de déralilisation"." Comme une mémoire "détournée", noyée dans un flot verbeux.
    Ce n'est pas un livre "universaliste" et quant au commentaire d'un des intervenants affirmant que si Litelle avait écrit sur la guerre d'Algérie ou le Viet Nam, Lanzmann n'aurait pas réagi me dégoûte tout simplement.
    Y. Stephan
    Y Stephan

  • Lire Les Bienveillantes "en diagonale" revient exactement à ne pas le lire, donc à risquer d'en dire n'importe quoi.

  • Je crois que le commentaire d'Y.Stephan est suffisement averti pour ne pas le sous-estimer. Lire en diagonale c'est encore lire, et si le livre de Littell se prête à ce jeu, il faut croire qu'il y a comme un défaut caché. Lirait-on en diagonale Moby Dick ? Je veux dire s'il s'agissait vraiment d'un chef d'oeuvre, risquerait-on de lire en diagonale ? Et combien même je ne suis pas sûr qu'une immersion totale de la première à la dernière page donne une très grande superiorité de lecture sur celui qui ne l'a lu qu'en diagonale, et qui par ailleurs ne dit pas n'importe quoi sur ce livre. Ce n'est quand même pas la "Mort de Virgile" de Broch, chef d'oeuvre absolu pour moi, l'un de ces livres qui emportent, qui nous entraînent dans leur musique, dans leur mouvement interne. Un sommet. Si les Bienveillantes méritait le titre de Chef d'oeuvre, disons que cela serait celui de la documentation. Après ce qu'il en fait, est effectivement discutable. C'est un mélange d'affirmations, d'observation, d'analyse de la mécanique du mal et parfois, oui parfois il faut bien l'entendre aussi, court dans ce livre une sorte de sourd révisionnisme qui détourne l'histoire au profit du personnage, sans distance ni explication de texte. Ce qu'il en ressort ? Une sorte de vague confusion qui n'est pas vraiment propice à l'histoire, ni à l'Histoire avec un grand H.

    T.

  • Merci de nous donner des exemples précis de ce "sourd révisionisme". Il est trop facile d'insinuer ou d'affirmer tout et n'importe quoi à propos de ce livre si dense et si neuf sous ses aspects de "roman historique", qu'il ne s'agit pas de lire à genoux comme un Immortel Chef-d'Oeuvre mais de lire honnêtement, une page après l'autre, pour en décompacter, si j'ose dire, chaque scène et chaque élément transposé, précisément, de la documentation en fait romanesque, c'est-à-dire en cellule narrative plus que vivante.

  • Tout d'abord ne jamais oublier que ce n'est pas un livre d'histoire. Mais un roman et c'est tout. Depuis quand un roman doit faire une explication de texte ?
    Il exprime une pensée d'un personnage fictif. De là a confondre le personnage et l'auteur est un pas que je trouve osé.
    Que la mort soit fascinante ... oui ... et ?
    La mort est fascinante car elle est au coeur d'un mystére et d'une peur. Décrire cette fascination est certes dérangeante mais en aucun cas odieuse. Au contraire j'estime qu'effectivement le régime nazi et tous les mouvements qui tue en masse ont une fascination et une analyse particuliére de la mort.. ou devrait t'on dire une haine de la vie. Moi ce que j'ai ressenti dans ce livre c'est une haine de la vie (d'ailleurs exprimée derriére la haine des femmes, et non l'amour des hommes car c'est une homosexualité par dépit et rejet et non une homosexualité choisie et assumée.. il a un amant qu'il aime dans ce livre ?), une haine de l'enfance perdue etc.. ce sont des choses que l'on retrouve dans le tambour d'ailleurs.

    Définitivement pour moi c'est un grand livre quand on veut bien prendre du recul et lire les choses telles qu'elles sont sans confondsre roman et histoire, auteur et personnage.

  • Sans doute le mot révisionnisme est un peu fort. Ce que j'ai voulu dire c'est que ce livre effectivement n'est pas net. Je ne dis pas que c'est conscient, mais au final, son effet sur le lecteur me semble sensiblement pervers. Je ne vais pas vous donner des "exemples" comme vous dites. Le livre en soi est éloquent, c'est sa marche, ce vers quoi il nous emmène qui me semble pervers, et quand j'ai dit "révisionniste" c'était pour dire qu'il nous entraîne à ne considérer le héros de cette histoire que comme une victime parmis les victimes, victime par ailleurs dans laquelle nous pourrions nous reconnaître, nous DEVRIONS nous reconnaître, pour laquelle nous devrions aussi avoir une sorte de compassion, la compassion de la ressemblance, du "frère humain" proclamé bien haut dans le début du livre. Quant à décompacter un livre pour en saisir les nuances, ça me semble plutôt contraire à l'esprit de la lecture d'un roman en général. Mais bon. Essayez aussi de regarder le livre autrement.

    T.

  • Max Aue ne se pose jamais en victime, et la posture de Jonathan Littell ne vise aucunement à l'excuser ni même à l'envelopper de notre compassion. C'est néanmoins, à mes yeux, un "frère humain" comme le plus perdu des assasins de Villon reste mon frère humain. Hitler, autant que le Christ, fait partie de mon humanité, je dirai même: de mes possibles. Cela n'excuse rien: c'est ainsi et extirper le monstre de soi est tout un petit travail. En parlant de décompactage, j'essaie d'insister sur la difficulté de lecture que représente un livre qu'on peut prendre pour un roman historique ou un roman tout court, alors qu'il est autant un essai d'anthropologie illustrée, un cauchemar, une hallucination lucide, etc. d'une concentration et d'une richesse de notations, y compris psychologiques, qui ne se voient guère au premier regard. Et je n'ai rien dit de son extraordinaire pouvoir d'évocation dans les lieux et les temps: pas donné assez d'exemples. Ce qui me sidère absolument, que ce livre ait été écrit en quatre mois. Cela, je ne l'ai jamais vu. J'ai lu des tas de Simenon écrits en treize jours, mais c'est un autre phénomène. Là, où Littell affabule ou son livre lui a été dicté par les dieux. Je penche pour la seconde version...

  • Je suis d'accord avec vous, Jean-Louis, cette libération de parole est simplement stupéfiante. Et ce n'est pas forcément un livre sur les nazis, comme tout grand roman il est à lectures multiples, l'amour et la guerre le fondent et son esthétique pose beaucoup de questions. On ferait bien de le laisser travailler après lecture assez longtemps, au lieu de s'empresser de le juger. Merci pour toutes ces notes de travail de lecture, justement.

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