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Les pierres ont du ressort

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 L’humour 'pataphysique de Pierre Meunier

On est plié. On voudrait rester droit, perpendiculaire à l’horizon, donc tendu selon la ligne digne du «verticon», mais non: Pierre Meunier nous plie en deux une heure et quart durant. Et plus que plié, à la longue on est même scié: scié de rire. Mais ce n’est pas tout car tout en étant scié de rire on est strié d’émotions poétiques et vrillé par autant de questions à caractère bifide: scientifique d’une part et philosophique de l’autre. Des effets si variés sont d’autant plus surprenants que les agents du processus relèvent de ce qu’on pourrait dire un art pauvre (ce qui se dit Arte povera au sud des Alpes et Engadine), à base de pierres et de ressorts. Plus quelques mots et mimiques, c’est vrai. Mais tel reste le Paradoxe de Meunier connu, dans les laboratoires des Etats-Unis d’Amérique sous l’appellation de Meunier’s Phenomenon, et en Allemagne post-brechtienne: M-Effekt.

Ceci est une pierre, cela est un tas…

Tout commence en musique: sur un rythme binaire entraînant, aussitôt, le tressautement pavlovien de chacun et l’irrésistible dandinement de la hanche collective, avec ou sans prothèse. C’est le préambule physique du geste collectif 'pataphysique: la distribution des pierres. Ce Meunier se fout-il de nous? Quel air avons-nous ainsi à nous passer dix, vingt, trente-trois pierres de main en main? A ces questions triviales répond le produit des caillous-bijous-joujous réunis sur une tablette: ceci est un Tas, à partir duquel les vraies questions seront débattues avec le sérieux qui a marqué le congrès de Sydney de fin 2003, surtout le troisième soir où Barbara Kellog’s prononça sa communication dite désormais «de Sydney». Un enfant comprendrait Meunier mieux que le concierge plein de morgue du château de Chambord que les parents énervés du môme lui ordonnent d’admirer nom de Dieu: le Mystère du tas est plus attirant que les Monuments classés et reste accessible à tout un chacun, ainsi d’ailleurs que le philosophe Héraclite l’avait subodoré sur la route de Thèbes malgré l’encombrement de l’heure de pointe.

Derrida débridé…

Or il n’y a pas que les pierres à nous questionner: il y a les ressorts. Qui dira le mystère connexe de la spire s’enroulant autour du vide tandis que le tas se repose? Pierre Meunier s’y essaie, avant de suspendre l’inerte au mobile pour en tirer de la musique, genre disco ou classique classieux. Question subsidiaire: Derrida se déridait-il quand son cheval sans bras se disait par trop bridé dans les bars de Blida? A cette énigme irrésolue, le public plié et scié devrait réfléchir dimanche à l’heure du culte. En attendant chacun l’a peut-être deviné: Au milieu du désordre de Pierre Meunier est à voir absolument. Entre Devos (en plus sophistiqué) et Henri Michaux, sur le fil d’un humour pince-sans-rire incomparable, Pierre Meunier (ancien compère de la volière Dromesko, notamment) se joue à la fois des mots et des images, des idées et des situations, ajoutant à cela une maîtrise mimique de comédien hors pair. Bonheur élastique de la pierre à ressort…

Théâtre de Vidy. Salle de répétition, jusqu’au 8 octobre. Me-je-sa, à 20h.30. Ve à 19h, Di à 18h. Lu 25, Ma 28 et Lu 2: relâche. Durée. 1h.15. Loc: 021 619 45 45

La version papier de cet article peut-être découpée ce matin dans l'édition du quotidien 24Heures qui permettra ce soir d'allumer le feu.

 

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