A La Désirade, ce jeudi 6 juillet 2007. - Il est cinq heures du matin en ce fuseau de l’Hémisphère nord et noir est l’encrier du monde dans lequel se prépare la chronique du profond Aujourd’hui. Tout à l’heure je secouerai Winnie qui va se pointer en grommelant et prononcera au premier rai de jour la phrase rituelle : « Encore une journée divine ».
Il a fallu que je me sente avec L. les mains d’une mère, une aube pareille de l’automne 1982, il a fallu que je me prenne pour Gaïa accouchant d'une mortelle et que celle-ci soit prénommée Sophie pour que, mec sans imagination jusque-là, je découvre la beauté de la vie et notre sort de mort à tous. Ensuite il a fallu que le scénario se répète et que cette fois la vie se prénomme Julie, pour que le miracle se vérifie: nous vivons nom de Dieu.
Je savais certes déjà la beauté de la vie mais je n’avais pas eu la révélation de la mort en dépit de tous les morts que j’avais de mes yeux vus, et soudain un enfant m’avait enfanté en seconde naissance, et voilà que je découvrais ce lieu commun de toute éternité: que nous sommes mortels et que c’est tous les jours, peut-être tout à l’heure, et voici la divine journée.
Moi l’un me dit que nous allons vers la catastrophe, cependant que Moi l’autre sourit au jour qui vient. Moi l’un qui reste une espèce d’adolescent teigneux, voit l’Ange exterminateur se démantibuler au-dessus des pylônes en flammes, tandis que Moi l’autre, enfant et vieux sage à la fois, lui rétorque qu’il se fait du cinéma. Moi l’un le fils est en colère, comme tous les matins du monde les fils, tandis que Moi l’autre, le père du monde qui en a vu d’autres, s’apprête à entonner le Psaume du 6 juin 2007 qui commencera par un solide café et les biscuits pour la route au chien Fellow.
Au programme de mes lectures ce sera Dantec et Shakespeare ou Proust par manière de contrepoison. Ce sera l’humour de la vie contre les visions hallucinées, ce sera la prairie d’à côté à faucher contre l’idée que la prairie sera vitrifiée l’an prochain, ce sera le regard doux du chien Fellow et la tendre chair de Winnie contre les vitupérations du prophète. Oh le beau jour qui vient sur la mule du vieux Sam…
JLK: Vue de La Désirade, huile sur toile, 2003.
Commentaires
Lu ! Divine !