À propos de la quête d'un mythique grand langage oublié qu'il incomberait à l'écrivain de revivifier. Ce qu'en dit William Faulkner, qui s'estimait un poète raté, et ce qu'il en disait de Thomas Wolfe.
Y a-t-il un langage qu’on puisse dire total ? Est-elle du ressort humain, telle langue qui, dans la forme la plus concentrée et la plus intelligible à la fois, ferait la somme de tout ce qui peut s’exprimer ? Comment saisir, par la parole, les hantises les plus obscures de l’homme, et comment signifier ses aspirations essentielles ?
Dans son acception la plus large, seule la poésie relève ce défi, qui tend à résumer « toute l’histoire du cœur humain sur une tête d’épingle », selon l’expression de Faulkner qui concevait lui-même la poésie comme un « moment émouvant, passionné de la condition humaine distillée jusqu’à son essence absolue ».
« Je voulais être poète, affirmait-il lui-même, et je me considère aujourd’hui comme un poète manqué, pas du tout comme un romancier mais comme un poète manqué qui a dû se contenter de ce qu’il était capable de faire. »
Or son œuvre peut être envisagée comme un seul vaste poème visant à « montrer l’homme en conflit avec ses problèmes, avec sa nature, avec son propre cœur et avec ses semblables ».
L’écrivain de son époque qu’il place le plus haut, bien que son œuvre soit également, selon lui, un échec, c’est Thomas Wolfe, plus héroïque dans son effort de « tout dire dans chaque paragraphe avant de mourir » que ne le furent un Hemingway ou un Dos Passos.
Si l’aspiration à jamais inatteignable du poète est de TOUT DIRE, il me semble révélateur que Faulkner lui-même se soit attaché à faire parler ceux qui, justement, ne peuvent s’exprimer ou en sont réduits à des balbutiements.
Dans l’incantation obscure de l’idiot ou de l’ensauvagé, il s’est mis à l’écoute du parler humain à sa source confuse et s’est attaché à transcrire une espèce de « langage sous le langage » qui rejoint à la fois les tâtons extrêmes du Joyce de Finnegan’s Wake ou du Céline de Guignol’s band et la recherche éperdue de Thomas Wolfe : « Ô déserts où l’on se perd en des labyrinthes incandescents, sous les étoiles, perdus sur cette terre de cendre grise et terne, perdus ! Muets devant nos souvenirs, nous cherchons le grand langage oublié… »
Commentaires
SE LAISSER DECOUVRIR
Qui peut bien prétendre
Pouvoir dire ce qui excède
Les capacités illimités du langage
Tout homme qui parle ment
Et pourtant il dit vrai
Quoi qu'il puisse articuler
Les hantises sont une seule peur
Aux formes multiples et variables
Le goût du frisson en l'absence de danger
Dans les langages du feu
Parler se dit voir
Et il n'est besoin d'aucun mot
Oui c'est à peu près ça. Et en tant d'autres langues encore. Ce qui compte n'étant en somme que d'y aspirer, faute de "parler en langue" comme le prophète sans souliers.
EN QUELQUES MOTS
Parler en langues est très simple
Il suffit juste d'écouter
Et la réponse s'inscrit
Sur le front des nuits blanches
Qui traversent le temps
Peu importe d'ailleurs
Ce qui se dit à ce moment
La parole ne peut être que juste
Quand elle n'appartient plus
Dans la saveur d'un clair matin
nb: la traduction la plus proche de ce "y aspirer" réside dans "vouloir ne pas vouloir".
qui cherche ne trouve pas
le langage s'empare du poète
qui doit simplement accepter
qu'il ne peut que laisser faire