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Munch

littérature,art

L’affaire est grave : il n’y a pas un seul sourire chez Munch. Cependant une grande poésie de la douleur, une profonde mélancolie et délectation, tout le bonheur atroce de la beauté qui se connaît, je t’aime je te tue, tu m’es désir mortel, et partout cet Œil à la paupière arrachée – je n’ose même dormir.

Sa chair blessée n’est pas que d’un puritain misogyne (rien chez lui des ricanements gris et des verts vengeurs de Vallotton), mais c’est la triste chair du triste ciel métaphysique, c’est la chair dorée et mortelle de la Madone vampire, c’est l’incroyable rencontre azur dans l’univers noir et la catin rousse aux yeux verts, c’est la luxure et la mort exilant Béatrice et Laure – à l’asile, probablement.

Ce qui est certain, c’est qu’on en sait désormais un peu plus sur les dangers mortels d’un certain blanc et d’un certain rose, le drame muet se joue sur fond vert naturellement apparié au noir cérémoniel, mais les couleurs ne sont jamais attendues ni classables, chaque cri retentit avec la sienne et tous sont seuls dans l’horreur splendide.

Commentaires

  • Beau texte.

    A propos de Munch, J'ai trouvé dans le journal de Julien Green ce commentaire sur "les jeunes filles sur la jetée "

    "Elles disent les choses qu’on se dit en regardant l’eau au crépuscule, car il s’agit d’un crépuscule du Nord, cette longue soirée où le soleil presque gris ne sait plus très bien s’il n’est pas devenu une sorte de lune des moissons. Il y a un langage quand on est dans une barque, un langage dans la rue, dans les bois : le milieu influe sur la pensée et, lorsque c’est un soir d’été, le rêve s’y insinue, comme dans ce tableau, j’hésite à dire tableau tant le cadre disparaît. On respire dans un monde assourdi. Les trois jeunes filles parlent en regardant l’eau noire. Elles se posent des questions. Que va-t-il leur arriver ? Elles sont vêtues de couleurs franches et légères, toutes trois : blanc, vert, rouge, comme trois émanations de leur moi profond.
    L’innocence rêve d’amour, que ce soit des jeunes hommes ou des jeunes filles. Et ici, elles ont l’air d’interroger l’eau noire avec des riens, c’est à dire les grandes questions vagues qu’on se pose à cet âge, le coeur battant et la tête un peu vide, mais le miroir sombre ne peut pas répondre. L’extrême simplification des formes et la force d’évocation des couleurs font de cette oeuvre une des premières de notre siècle. J’entends que Munch a peint ces jeunes filles en 1899, en Norvège, mais cette jetée entrait dans notre siècle. Pas de détails, on voit que les détails sont inutiles. Les expressionnistes nous ont montré le monde brut comme s’ils voulaient traverser les apparences. Et cependant ce monde vit, de cette existence seconde d’un bonheur immobile figé dans une image. Figé ? non , les touches larges sont fluides ; la route s’en va vers ailleurs, une nuit secrète coule dans les tilleuls ; la maison regarde ce bonheur immobile, et plus que regarde, épie. Sans le savoir, ces jeunes filles interrogent un gouffre, l’eau du siècle à venir, avec ses bruits et ses fureurs, tout ce qui va déranger l’harmonie d’un siècle finissant et qui se croit immuable. Rien ne l’est. L’héritage se transmet dans le sang : l’agonie viendra en 14. L’inquiétude est déjà dans le paysage, et ces trois figures de la jeunesse ne l’aperçoivent pas dans leur conversation de silence, car le rêve des jeunes filles à l’intérieur du tableau se prolonge dans le spectateur ; un subtil échange se fait comme dans un roman où il ne se passerait rien. Est-ce la paix sur terre ? On sait bien que non, mais l’instant a tout suspendu du monde extérieur. Cette petite jetée d’Aasgaardstrang est à cette minute là le bonheur du monde. Le paysage se reflète dans une teinte plus douce, pas éteinte, mais cendreuse, un fantôme de paysage de l’autre côté du miroir qui appelle les pensées de ces trois rêveuses. Tout se répète, sauf ce soleil- ou cette lune- absent de la partie d’ombre. L’avenir serait –il sans astre ? Et le bonheur immobile repose entre les mains d’un magicien qui le fait s’écouler, comme on dit du temps. Les trois jeunes filles, c’est la jeunesse de chacun d’entre nous, qui à la fois demeure à jamais et n’est qu’une illusion."

    Il est interessant dans la mesure où, contrairement à vous, Green ne parle pas de peinture mais de ses fantasmes.

  • Quel texte magnifique vous nous envoyez là! Merci infiniment. Pouvez-vous préciser dans quelle partie du Journal de Green vous l'avez trouvé ?

  • Très beau texte... comme souvent...
    Un cri dans la nuit...
    http://dorianepurple.hautetfort.com/archive/2006/08/index.html
    C'est moi à moins que ce ne soit mon double schizophrène tant son histoire me ressemble...
    "J'avais douze ans et en passant devant ma librairie de quartier, je décidai d'entrer pour y jeter un rapide coup d'œil. J'avais alors ce sentiment d'entrer chez ce commerçant pour faire passer l'heure qui n'avançait pas assez vite à mon goût, gamine qui aimait me balader plutôt que de me retrouver dans la solitude de ma chambre avec pour amie fidèle la musique et rien de plus… Ce qui différenciait cette librairie d'avec tous les autres commerces des alentours, c'est que je m'y sentais bien, en paix avec moi-même et que tous ces livres me rassuraient, je ne saurais expliquer comment d'ailleurs …
    Aurais-je deviné alors que j'allais, ce jour-là, découvrir un auteur pour ne pas dire "mon" auteur préféré. Celui-là même qui m'accompagnerait dans mon adolescence…
    Ce fut d'abord un rapide coup d'œil sur la tranche du livre et ce nom qui me prit à la gorge et me happa complètement : "Le Horla". Presque fiévreuse je prenais le livre entre mes mains et la couverture me bouleversa plus encore. C'était un tableau de Munch, "Le cri", Munch qui devint par la suite un de mes peintres favoris.
    Ce furent donc cette illustration angoissante et ce titre oppressant qui s'étaient peut-être jurés avant mon arrivée de provoquer par leur union un véritable ébranlement dans ma tête, dans mon âme et dans mon corps de petite jeune fille de douze ans…
    Inutile de dire que je ne traînais pas sur le chemin du retour ! J'avais bien trop envie de m'enfermer dans ma chambre et de dévorer cette nouvelle de Maupassant, ô combien cher à mon cœur, sans me soucier du monde extérieur.
    Ce livre je l'avais fini en moins d'une heure mais je crois pouvoir dire que même si je ne l'avais pas relu des dizaines de fois, certaines scènes seraient restées tout autant gravées dans ma mémoire.
    A la première lecture, ce fameux et terrible jour de ma rencontre quasi amoureuse avec ce livre, l'épisode du verre d'eau posé le soir sur la table de chevet et retrouvé vide le lendemain alors que le narrateur n'en a pas bu une goutte ou, et c'est bien là toute la logique du livre, est persuadé ne pas y avoir touché et en tire donc la conclusion que c'est bien le Horla qui est le coupable de cette affaire. Cette scène donc me fascina tout simplement et cette phrase "j'ai dormi tranquille. Il a bu l'eau de ma carafe mais n'a point troublé mon sommeil" …
    La folie et le conte de la folie m'enivraient et me faisaient à mon tour perdre la raison au point de me sentir possédée comme l'était lui aussi le héros du conte."
    D'après Faline, http://www.zazieweb.fr/site/forum.php?page=3&numforum=20&PHPS
    Folie de la lecture.... et de la peinture...

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