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cinéma suisse

  • Dindo ou l'insoumission

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    Avoir ce soir à 23h45,: Genet à Chatila, sur TSR 2.Dindo10.jpgDindo7.gif

    Richard Dindo, considéré comme le plus grand documentariste du cinéma suisse, n’a pas encore droit à la reconnaissance qu’il mérite. Obstiné et malcommode, il travaille à son œuvre en suivant son goût plus que l’attente du public ou du milieu. Naguère en phase avec le cinéma soixante-huitard, il fut classé contestataire avec L’Exécution du traître à la patrie Ernst S. réalisé d’après un reportage du journaliste gauchiste Niklaus Meienberg, et aujourd’hui encore ce sont ses films « engagés » sur Che Guevara, les combattants suisses dans la Guerre d’Espagne ou les étudiants massacrés au Mexique qui font référence. Ce qu’il récuse : « En fait, ce n’est pas tant Ernst S., cet imbécile, qui m’intéressait, mais sa famille. Et tous mes films débordent la sphère politique. Cela étant, je suis un rebelle de 68 et le resterai toujours. Max Frisch a été mon père de substitution, la Cinémathèque de Paris fut mon école et  je dois mon premier choc de cinéphile à Godard, mais les femmes comptent pour l’essentiel dans mon éducation et dans mon histoire personnelle».

    Celle-ci remplit les plus de 9000 pages de son journal, qu’il appelle Le Livre des coïncidences, entièrement rédigé en français. C’est là qu’il se raconte tous les jours. Sa franchise absolue, notamment en matière de vie érotique, lui valut un divorce après que sa deuxième femme se fut indiscrètement risquée à sa lecture. « J’écris mon journal pour que le temps puisse continuer à couler », conclut le redoutable diariste…

    Au demeurant, ce regard sur lui-même n’a rien de sentimental ni de romantique. Sa première expérience du monde et des relations humaines, peu marquée par les effusions, l’a blindé et fortifié en matière de liberté. «Dès mon adolescence, j’ai fait ce que j’ai voulu. Ouvrier dans la construction, mon père était le plus souvent absent de la maison. Au total, je ne dois pas avoir échangé plus de trente réparties avec lui. Jamais il ne m’a dit ce que je devais faire. Jamais je n’ai eu le sentiment d’aucun respect entre mes parents et envers  nous autres, leurs cinq enfants.  Ensuite, quand j’ai eu douze ans, c’est ma mère qui s’en est allée. Mais je ne m’en plains pas : cela m’a forcé à me débrouiller. En fait, je n’ai pas vraiment été éduqué à ce moment-là: je suis resté une espèce de sauvage».

    Le sauvage en question n’aime pas la vie de groupe. Si la vie de famille lui a paru supportable entre six et douze ans, les réunions de plus de deux ou trois personnes lui sont toujours pénibles, alors qu’il ne s’ennuie jamais quand il est seul. À l’école, en outre, il s’est toujours senti l’étranger du groupe. Originaire de Vérone par son père, qui refusait cependant de parler italien en famille, il n’en avait pas moins un passeport italien et certain problème d’identité. Pas un hasard si ses premiers amis, et sa première amoureuse, étaient des juifs. Pas un hasard non plus si les destinées qui l’attirent sont souvent marquées par une blessure surmontée par la révolte ou la création artistique. C’est ce qui l’a attiré vers Paul Grüninger, le fameux sauveteur de Juifs, ou vers Charlotte, qui a documenté l’Occupation dan une saisissante « chronique » à l’aquarelle avant d’être déportée par les nazis. Pas un hasard, chez ce lecteur très impliqué dans le langage des autres, qu’il  dégage Rimbaud de sa légende enjolivée, et Kafka de la sienne, pour aller vers  le vrai. Pas un hasard enfin si dans ses deux derniers films, Marsdreamers et Gauguin, Dindo l’utopiste nous ramène, sous la lumière froide et lointaine de la planète rouge, à la beauté menacée de la Terre ou à celle que  Gauguin cherchait en transfigurant les paysages et les visages de Tahiti et des îles Marquises.

    La beauté, Richard Dindo l’a découverte au musée national de Bagdad, à vingt ans. « Là j’ai compris ce qu’était la culture en regardant les magnifique figurines d’albâtre de l’époque sumérienne. J’ai compris que la culture consiste à fabriquer de beaux objets qui sont en même temps objets de mémoire. C’est ça pour moi la culture : la beauté et la mémoire.

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    Richard Dindo en dates

    1944 Naissance à Zurich. Origine italienne. 1964 Débarque à Paris. « Etudie » le cinéma à la Cinémathèque.1970 Premier film : La répétition.1977 L’exécution du traître à la patrie Ernst S, avec Niklaus Meienberg. 1981 Max Frisch Journal (I-III), avec l’écrivain.1986 El Suizo, un Suisse en Espagne. Seule fiction, « ratée » selon Dindo…1991 Arthur Rimbaud, une biographie. Film « maudit » en France.1997 L’Affaire Grüninger. Portrait d’un résistant.1999 Genet à Chatila.2003 Ni olvido ni perdo. Dernier film « politique ». 2005 Kafka. 2009.  MarsDreamers ; 2010. Gauguin.