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  • Reconnaissance oblige

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    Du besoin de dire merci. D'un drôle de bouquin intitulé Pfff. D'un autre intitulé La Trame des jours. D'un bel article de Jacques Sterchi paru dans La Liberté sur L'Enfant prodigue et d'un cabanon de rêve...

    À La Désirade, ce dimanche 6 février. – Un élan de remerciement me prend ce matin, presque dix heures et remercier qui je n’en sais rien, peut-être bien Dieu dont je ne sais que le nom et le sentiment vague et précis que tout en découle même s’il a d’autres noms dans d’autres pays, mais bon : ce qui est sûr est que je me sens ce matin tout frais et bien dispos après m’être déjà levé à quatre heures du matin et avoir écrit une liste dédiée à Ceux qui participent aux frais tout en relisant les cinquante premières pages d’un drôle de bouquin intitilé Pfff et signé Hélène Sturm, comme Sturm und Drang pour ne pas risquer Strum, et déjà ces deux première heures m’ont tiré du noir avec les personnages doux et perdus de dame Sturm les promenant comme dans un labyrinthe à la Escher, puis je me suis recouché et fait de drôles de rêves manipulés par une fée de mohair et voici que me réveillant l’élan de remercier m’a donc saisi tandis que je lisais La Trame des jours de Lambert Schlechter, écrivain luxembourgeois qui nous rappelle qu’on peut être écrivain au Luxembourg (Nord de la France, précise Wikipédia) et se trouver ce matin (magie des livres) en Toscane du côté de Montalcino et lire des Chinois et Vialatte sur une terrasse qu’il appelle plutôt balcon, et se foutre autant que moi du con qui s’agite sur le balcon de l’Italie – bref c’est à tout ça que je dis merci.

    entrer des mots clefsJe dois aussi un merci à Sterchi. Je remercie Jacques Sterchi, critique littéraire à La Liberté de Fribourg, qui m’a valu hier un plaisir vif puisqu’il a été le premier à chroniquer, sur papier, mon dernier livre, L’Enfant prodigue, que j’ai vu paraître avec la même émotion que le premier en 1973, comme si cela restait un événement de publier son dix-huitième livre - et ce l’est en effet cette fois comme si ce pouvait être le dernier après quoi l’on arrêterait d’écrire, comme certains.

    L’élan du remerciement nous contraindra cependant de continuer d’écrire, les Hélène et les Lambert et tous les autres fans fondus de la Présence Réelle, les Ludwig Hohl et les Robert Walser, les Vialatte et les Cingria et cent mille autres dont je crois humblement être, pour dire ce que c’est simplement, juste dire simplement ce que c’est que d’être, de vivre et de s’ennuyer, ou pas, de se poser mille questions à la mords-moi et d’aimer plus ou moins son prochain, de se lancer dans mille entreprises et d’y aboutir ou de se planter, enfin quoi d’aller son chemin et de tout noter pour se donner l’illusion que tout ça sera retenu, qui n’est peut-être pas, qui sait, du tout une illusion.

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    Le premier récit, si je me le rappelle bien, des premiers écrits du tout jeune Tchékhov, raconte la joie folle d’un grand gosse dont vient de paraître le premier billet de rien du tout dans le journal du coin. J’ai vécu cela à quatorze ans, dans un petit papier où je saluais le pacifisme d’Henri Lecoin le réfractaire. Publier avant de baiser : c’est énorme ! En tout cas ce l’était en ces années-là mais cela le reste pour certains au temps des blogs et des réseaux. Evidemment, comme je publie à tour de bras depuis des années, je devrais être blasé, mais non : j’ai beau publier tous les jours, et j’ai beau avoir publié il y a des années des centaines de papiers dans La Liberté, cela me fait quelque chose de découvrir un papier me concernant dans ce journal à peu près resté ce qu’il était au temps où Charles-Albert Cingria le disait un des meilleurs journaux suisses, notamment pour le motif que ce journal, fermement maintenu dans sa ligne par un aréopage de Sœurs éditrices et imprimeuses, à l’enseigne de Saint Paul le converti, y faisaient paraître alors une quotidienne évocation de la sainte ou du saint du jour...

    Si je suis toujours aussi content, voire ému, d’être publié, la vanité n’y est même pas pour un quart (mettons tout de même 20%), tandis que le Sens du Devoir et le Plaisir Ardent y comptent pour l’essentiel. Il ne faut pas se cacher la Vanité de l’Auteur, que celui-ci appelle plus volontiers orgueil. C’est à choix et l’on s’en fout. Mais le Plaisir commande assurément, auquel le Sens du Devoir s’ajoute pour que la morale soit sauve, et c’est ce plaisir que je trouve tout autant à la lecture, comme ce matin avec La Trame des jours de Lambert Schlechter, achevé d’imprimer en Bulgarie en portant en exergue ce fragment des Os de seiche d’Eugenio Montale : Non domandarci la formula che mondi possa aperti.

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    Je reviens maintenant à Cingria, qui m’a valu de partager le même éditeur que Lambert Schlechter, à l’enseigne de L’Escampette dont tout le stock a brûlé vif, pour recommander à la relève des lecteurs (de seize à vingt ans) la lecture de Musiques de Fribourg. S’y trouve notamment raconté l’effondrement d’un mythique pont suspendu, dit du Gottéron, le vendredi 9 mai 1919 à trois heures cinquante-cinq de l’après-midi, qui n’eut qu’un seul témoin et ne fit qu’un mort. L’accident se signala à la ronde par « un craquement qui n’avait rien d’analogue avec ce qui avait été entendu depuis la préhistoire », et c’est en ces termes concis que Cingria en décrit l’aboutissant hiératique : « Le camion, chu d’une hauteur considérable, s’enfonce dans le sol à six mètres d’une maison. Du conducteur, on le comprend, tué net et non moins enterré verticalement, il ne subsistait plus qu’un buste posé aimablement sur la prairie ». Il me semble qu’Hélène Sturm, autant que Lambert Schlechter, sont capables de telles phrases, ou plutôt : j’en ai cent preuves à chanter.

    Par exemple du second : « Disait le vieux Renoir que, les mains paralysées, il continuerait à peindre ses rondes belles filles : avec sa queue. » C’est une phrase que j’aime lire ce dimanche matin. Et celle-ci de dame Sturm : «Parfois il se demande si les gens existent tout le temps ou seulement quand on les regarde. »

    Et quelques pages plus loin, dans Musiques de Fribourg, on voit une photographie d’époque du pont sinistré, mais c’est à la page 62 que se trouve l’éloge de La Liberté en ces termes précis : « Je ne crois pas qu’il y ait de journaux mieux rédigés et surtout mieux écrits que les journaux fribourgeois. La Liberté non seulement se lit avec plaisir, mais avec profit ».

    Enfant9.JPGJe fais mienne cette opinion en découpant l’article de Jacques Sterchi consacré à mon livre, dont je recopie juste ceci qui me justifie en somme pas mal : «Sans cesse, le narrateur se réveille tôt pour écrire, regarde par la fenêtre de la maison le temps qu’il fait et les saisons qui passent. Pour se remémorer sa vie. Exercice délicieusement proustien que sublime Jean-Louis Kuffer par une écriture ouvragée, fluide, précise. Surtout lorsqu’il s’agit de retrouver les observations, sensations ou émotions de l’enfant de sept ans. En tout, dans L’Enfant prodigue, il y a le dedans, le dehors, mais surtout le « cela ». Signe d’une révélation. Surgissements de blocs de réel dans le temps qui passe insidieusement. Ainsi les très belles pages consacrées à la mort d’un petit camarade, le maladif Pilou, qui va marquer à vie le jeune narrateur. L’enfant, on le retrouve partout dans ce livre, jusque dans l’éloge du nouveau-né révélateur de ses parents. »

    Schlechter.jpgAinsi de suite, tout aussi bien senti et exprimé par l’un des derniers chroniqueurs littéraires qui subsistent dans notre pays avec un rien de cœur et de tripes. Donc je remercie Jacques Sterchi, que je retrouverais volontiers un de ces quatre sous la yourte de Pérolles ou à l’ Auberge du Sauvage, voire à L’Ange d’où l’on aperçoit le nouveau pont du Gottéron, tout armé de béton à l'image des temps qui vont…

    °°°

    Cabane.jpgOr c’est dimanche et bientôt l’heure de passer à table avec celles et ceux que j’aime, puis je m’en irai récurer la vaste bergerie que notre voisin et ami Pierre a mis à ma disposition dans l’alpage où son propre père l’avait fait construire jadis pour son fermier, je me vois déjà peinturlurant dans ce qui deviendra mon atelier grand ouvert au-dessus du lac et des mondes, c’est le retrait parfait, la cabane au Canada de nos rêves de Robinson de tous les âges et couleurs - et tiens, le premier papier que j’y collerai sera signé Lambert Schlechter: «Bestioles ailées que nous nommons éphémères, parce qu’elles ne vivent que très peu de temps, - nous avons donné ce nom à ces petite mouches pour nous vanter, je crois, ou pour nous consoler, faisant entendre (mais qui nous écoute), que nous, les humains, ne sommes pas éphémères, que nous avons même le temps de nous ennuyer, le temps de rêvasser, le temps de chercher des noms pittoresques pour baptiser des mouches qui ne nous ont rien demandé »…

    Sturm.JPGHélène Sturm. Pfff. Editions Joëlle Losfeld, 2011.

    Lambert Schlechter. La Trame des jours; Le murmure du temps 2, fragments. Editions des Vanneaux.

  • Ceux qui participent aux frais


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    Pour Helene Sturm

     

    Celui qui ne supporte pas la pensée de tant de cruauté distribuée à la diable / Celle qu’on traitait de timbrée parce qu’elle disait avoir mal au monde / Ceux qui voient de mieux en mieux le chaos de ce qu’on appelle le Nouvel Ordre / Celui qui pallie l’horreur en s’habillant joliment ce matin / Celle qui soigne son apparence en dépit d’une pauvreté certaine / Ceux qui ne prononcent pas le mot FUCK comme les autres / Celui qui pense champagne au moment de commander une noisette / Celle qui se verrait bien des NIKE à hauts talons / Ceux qui se croient sur le trottoir côté soleil et pensent en même temps aux Egyptiens / Celui qui se rappelle la grâce du felouquier Brahim / Celle qui voyant le mot BYRRH lâche un imperceptible pfff / Ceux qui pourraient agresser Elodie (pense-t-elle) dans les escaliers en cage / Celui qui se rase la boule à zéro pour se voir l’arrière de son crâne qu’il appelle le cul de la pensée / Celle qui fait l’inventaire matinal et machinal des choses futiles pendant que tant d’ouvrières turbinent déjà de par le monde / Ceux dont les tacots fleurent le vieux cuir tiède et le santal / Celui qui lorsqu’il mastique ressemble à un lapin de dessin animé qui fait scrith scrotch / Celle qui pisse debout sous la pluie brésilienne / Ceux qui s’habillent pour sortir ou rentrent pour se déshabiller selon les cas / Celui qui commence àlire la presse par les morts / Celle qu’une agression dans la cage d’escalier panique et tente un peu quand même / Ceux qui redoutent les faits divers sordidement sexuels de l’été / Celui qui met la langue et c’est déjà baiser de léchoter comme ça la glotte de Lolotte / Celle qui s’inonde rien que d’y penser / Ceux qui ont les poches pleins de cailloux d’enfance / Celui qui ne possède que quelques livres mais qui tiendront une vie / Celle qui se passe des DVD d’orgies gays en affirmant que ça repose de voir ces grands garçons tchèques s’amuser pour du blé / Ceux qui restent démodés par flemme / Celui qui se sent lâche de n’écrire point ou presque rien / Celle qui dit à son amant burkinabé : chevale-moi ! / Ceux qui viennent ensuite dans la longue liste des Portraits de Libé / Celui qui porte un fin bracelet à sa cheville gauche pour se rappeler sa part féminine quand il signe un contrat à six zéros / Celle qui se sent inappropriée de naissance et se rattrape au Jeu de Go / Ceux qui renoncent à la chair mais personne n’est au courant / Celui qui devrait se mieux soigner s’il veut rester Monsieur Météo à la TSR / Celle qui lit quelque part « un café fermé c’est de la liberté en moins » et qui opine du bonnet / Ceux qui font comme un cortège d’invisibles / Celui qui se sent soudain tout Pygmalion en matant l’écolière visiblement avancée / Celle qui dit p’pa au M’sieur qu’elle connaît pas plus que ça / Ceux qui font collection d’idées coupables qu’ils couvent comme autant de secrets / Celui qui se dit qu’à présent sa vie doit s’envoler et qui en reste là / Celle qui fait la gueule au mec qu’elle convoite et sourit à la salutiste qui va la tancer / Ceux qui écrivent des livres que personne ne lira que des gens comme eux / Celui que son surpoids rend parfois hésitant mais pas longtemps / Celle qui raffole des poignées d’amour et des portefeuilles bombés / Ceux qui font nombre en vieillards râleurs / Celui qui a tout misé sur Coco Bisou et qui s’en est fait des couilles en or pour quelques mois / Celle qui se demande l’heure à elle-même et ne se répond pas par nonchaloir ou par mélancolie va savoir / Ceux qui attendent un rendez-vous qui ne vient pas / Celui qui rêve d’une jeune fille qui rêverait d’une aventure de plus d’un soir mais pas plus / Celle qui ne manque à personne et ne s’en plaint pas mais tu sais ce que sont les Japonaises / Ceux qui en croquent pour Odile – ça y est je l’ai fait mamie Sturm / Celui qui a du métal dans la voix et qui rouille même quand il pleut pas / Celle qui écrits des fins de romans avant les débuts et le reste suit plus ou moins / Ceux qui s’habillent comme dans les romans et se déshabillent comme dans les nouvelles de Morand / Celui qui décide que ce sera aujourd’hui et pas demain la veille que / Celle dont le Glock fait gloup vu qu’elle a glissé dans la flaque / Ceux qui ne se rappelaient pas que vous existiez et voilà qu’il vous souvient que vous non plus donc vous allez vous en jeter un / Celui qui a l’air falot et en pince pour Odile qui n’en jette pas plus mais enfin ça reste entre elle et lui et la nave va / Celle qui a toujours un peu d’arsenic sur elle pour relancer l’action qui fait pfff / Ceux qui ont tout dit quand après avoir maté Mata Hari du bout des lèvre sils ont fait pfff…


    (Cette liste jetée à cinq heures ce matin fait écho à la lecture de Pfff, premier roman d’Hélène Sturm qui vient de paraître chez Joëlle Losfeld. L’image est signée Philip Seelen)

  • Mademoiselle Papillon

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    Je suis juché sur sa croupe et nous nous faisons tout le Val Sauvage en lentes glissades de couches en couches d’air, puis nous remontons par les courants ascendants.
    C’est une extraordinaire griserie, qui ne m’empêche pas de prendre conscience d’un phénomène étrange, peut-être illusoire mais combien troublant.
    De fait, il me semble vieillir à la descente et rajeunir quand Mademoiselle recommence à brasser de l’air.
    - Accroche-toi, me lance-t-elle au moment de virer au-dessus de Berg am See, dont on voit les parasols et les pédalos mille mètres plus bas, et cet aperçu balnéaire me revigore, je me sens des cuisses de jeune athlète et Mademoiselle en est elle aussi tout excitée.
    A la montée, c’est une jouissance accrue que de la sentir rajeunir. Son abdomen a la fermeté du torse des nageuses soviétiques des années soixante et l’air devient plus tonique à l’approche des glaciers tandis que je la pénètre je ne sais trop comment.

  • Ceux qui sont comme ils sont tous


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    Celui qui les regarde s’agiter de loin / Celle qui reprend sa veille aux soins palliatifs en matant l'Argentin à créole / Ceux qui n’ont plus d’envies sociales que virulentes / Celui qui considère tranquillement ce qui altère sa libido de taxidermiste prenant de l’âge / Celle qui décourage les solliciteurs érotiquement hésitants / Ceux qui s’incrustent chez la milliardaire accro à la réglisse / Celui qui se tient à la rampe de lancement / Celle qui retient ses grands chevaux / Ceux qui s’accrochent à leurs droits de gauchers de droite / Celui qui jette son dévolu sur l’évadée olé olé / Celle qui recueille les Lettons esseulés / Ceux qui ont tout misé sur l’Avenir du Poitou / Celui qui ne renoncera point à son Idéal mélodique / Celle qui se parfume à la fleur d’orange amère / Ceux qui n’en croient pas leurs yeux fermés / Celui que le remords ne cesse de remordre / Celle que sa tache dans le dos fait craindre la levrette / Ceux qui redoutent les flux dînatoires / Celui qui fait la cour aux courtiers / Celle qui en pince pour un body jaune coucou / Ceux qui descendent à Djerba dans le jet privé de Ben Allah / Celui qui se pose en libérateur des Acolytes Anonymes / Celle qui rabroue le paltoquet qui la cuisine au TJ / Ceux qui ont le pied sous-marin / Celui qui reconnaît que la juge est partie / Celle qui sait que nous savons qu’ils ne sauront rien sans sonder le Sénat / Ceux qui affirment que la danse les fait entrer en transcendance ou quelque chose comme ça - va savoir avec les Coréens, etc.

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui se dorlotent

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    Celui qui évoque les folles soirées du Palace que tu n’as pas connu pauv'loquedu / Celle qui invoque la grande déprime des militants / Ceux qui vous disent comme ça qu’ils vont mal avec l’air de penser que vous aussi le devriez / Celui qui se fait un petit cadeau pour s’encourager ce matin dur dur / Celle qui rentabilise son sentiment de la vacuité en tournant des vidéos placébos / Ceux qui évoquent leurs galères avec une sorte de jouissance persistante / Celui qui s’écoute se taire / Celle qui voit partout du fascisme en puissance / Ceux qui se font une soirée Paolo Conte entre amis sûrs / Celui qui cite Duras et Deleuze pour rester entre soi / Celle qui te remercie d’exister poil au nez / Ceux qui disent volontiers qu’ils relisent La Recherche pour en imposer à leurs voisins Verdurin / Celui qui occulte le passé d’épicier de son père / Celle qui revendique le passé de catin de sa mère / Ceux qui « font avec » leur particule sans préciser que c’est un recollage tardif de Dupont sans Nemours / Celui qui dit à celle qu’il drague qu’elle comprend mieux que personne son état de paumé ukrainien alors que lui-même accepte son faciès chafouin d’Alsacienne coincée ce qui fait qu’on est bien parti pour une Love Story / Celle qui estime qu’elle a assez donné avec ses ex pour ne penser désormais qu’à ses ragondins / Ceux qui n’ont même pas un sourd-muet à qui parler / Celui qui se dénigre en espérant qu’on le démente mais pas moyen / Celle qui attend sa retraite pour s’éclater / Ceux qui savourent leur défaite en prétendant qu’ils sont gagnants à la fin / Celui qui vibre tellement devant un Rothko qu’on lui conseille une tisane calmante à la cafète du Musée / Celle qui avoue à son psy que le seul nom de Mélanie Klein la fait mouiller / Ceux qui mouillent encore leur boxer Calvin Klein malgré leurs dix-huit ans sonnés / Celui qui te dit qu’il a eu de la peine à entrer dans ton livre sans oser préciser qu’il n’en est jamais sorti / Celle qui demande un orthographe au romancier flapi / Ceux qui signent d’un croissant vu que la croix fait trop chrétien / Celui qui te dit que son dimanche est sacré et qui le passe à lustrer son Opel Kadett / Celle qui se fait un Skype avec son boy friend auquel elle montre enfin ses nipples / Ceux qui en ont tellement vu que les djeunes n’ont pas idée, etc.
    Image : Philip Seelen