
Frères et sœurs
(Chronique des tribus)
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Quand l’Amico raconte, à l’Amica, l’épisode des tags antisémites qui ont souillé les vitrines de la ville vaudoise de Payerne, lors de la récente célébration de la fête locale dite des Brandons, il parle évidemment à une convaincue puisque la Professorella a signé un livre tout consacré à Maître Jacques, lui-même auteur d’ Un juif pour l’exemple, dans lequel est relaté l’abominable exécution du marchand de bestiaux Arthur Bloch, en 1942, et plus encore du fait que, dans un essai documentaire composé avec son ami Fabio Ciaralli, elle a étudié les multiples aspects de l’antisémitisme « historique », des Pères de l’Eglise à Luther entre autres fourriers de la haine pour les « déicides », mais elle tombe des nues quand l’Amico détaille la pleutrerie des réactions « officielles » devant l’indignation de ceux qu’ont choqué les infâmes inscriptions, comme s’il était en somme admissible, au titre du « flou de la satire » et des « sensibilités différentes », de laisser l’espace public salopé par des ordures cautionnées par autant d’imbéciles - la vitrine de tel commerce payernois appartenant à un juif ayant droit aux mots « liquidation finale » et tel autre évoquant les blattes qu’on gaze !
Mais aussi révoltante que l’initiative des tagueurs « masqués » (sic) paraît la réaction quasi débonnaire des responsables locaux avouant qu’ils ont « hésité » avant de se dire qu’en somme « ça pouvait passer », suscitant du moins la réaction de quelques élus locaux, mais à peu près rien de plus que « pas grand-chose à voir » dans les médias cantonaux, à croire vois-tu qu’on avait « comme que comme » l’habitude avec ces nez crochus – l’abjection à la bonne vaudoise fait d’ailleurs partie de nos traditions : l’Amico rappelle à l’Amica la page pleine intitulée Défie-toi du Juif parue en 1932 sous la signature du bâtonnier Regamey dans la très vaudoise Nation, mais voici que notre cher Corentin, pourtant Vaudois de souche, s’agite sur Facebook et que des commentaires virulents lui faisant écho rappellent bel et bien la gravité scandaleuse de l’incident - eh voilà que « ça ne passe pas »…