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Affreux et salutaires

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Unknown-13.jpegÀ mes chers enfoirés, Haldas et Dimitri.
 
(Le Temps accordé. Lectures du monde 2024, page 1000 et suivante)
 
À la Maison bleue, ce mardi 25 juin. – Ces vers de rien du tout me viennent ce matin, qui diraient sans doute moins que rien au cher Georges Haldas auquel j’ai fait retour, hier soir, après avoir récupéré mon exemplaire dédicacé de L’Etat de poésie à La Désirade :
 
Je l’aimais d’amour et d’eau claire
comme on aime en Afrique ;
je l’aimais au soleil de chair,
en ma nuit lunatique…
 
J’imagine la tête que Georges Haldas eût fait si je lui avais dit que j’aimais la vie «comme on aime en Afrique», comme j’imagine rétrospectivement la tête qu’il a faite lorsqu’il a lu Le viol de l’ange dont j’ai eu la naïveté de croire qu’il y entendrait quelque chose, s’agissant d’un roman au fonds évangélique sous ses aspects délurés et déjantés, alors qu’il n’y a vu, comme Dimitri, qu’un livre « sale », et je vois aujourd’hui la tête qu’il ferait en lisant les romans de Quentin Mouron ou de Michel Houellebecq, ou si je lui racontais par le détail les séries coréennes ou thaïlandaise dont je me régale entre deux pages d’Angelus Silesius ou de Montaigne en attendant de reprendre la lecture de L’Etat de poésie, yes sir…
 
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Mes rêves ne cessent d’interférer avec mes états de veille diurne, et c’est ainsi que, la semaine passée, après avoir prononcé le nom de Georges Haldas au téléphone – il me semble que c’était par Whatsapp avec la Professorella -, j’ai retrouvé Haldas en rêve sous un immense gingko et l’air détendu, pas du tout le Haldas teigneux et criseux que j’avais entendu morigéner son amie violoniste au café de la Comédie, pas du tout le macho méditerranéen à la Dimitri traitant la philosophe Jeanne Hersch d’«amazone pisseuse», pas du tout le prétendu Chantre de la Relation s’exclamant «toutes des salopes !» à la table de Jean-Georges Lossier le poète humaniste et délicat, mais le bon Georges fraternel, le plus attachant, le plus à l’écoute, le plus incisif et le plus drôle, le plus libre de parole, le plus autocritique, le moins homme de lettres et le plus engagé, au sens profond, des écrivains que j’aie fréquentés et aimé retrouver dans ses cafés successifs et plus encore dans ses livres où sa méchanceté naturelle se décantait et où irradiait la poésie du monde, comme ce matin dont je profite du silence radieux à dix jours des assauts de décibels du prochain festival de jazz se déroulant cette année sous mes fenêtres – et là j’imagine Haldas aux concerts d’Alice Cooper ou de Massive Attack…
 
Je lisais hier, sous la plume de Léon Chestov, l’évocation des turpitudes helvétique de Dostoïevski le grand chrétien « au quotidien », lors de son séjour en Suisse, quand il maltraitait, humiliait, brutalisait physiquement son fidèle domestique, lequel avait beau lui objecter que lui aussi était un humain et non un chien, je me rappelai les vociférations de Dimitri et d’Haldas quand on osait prendre le contrepied de leurs mâles éminences, et le même soir ma grande sœur au téléphone (sur WhatsApp et des Asturies, alors que je sirotais un sprizz à la terrasse du Métropole) m’appelait son hermanito et me racontait la bonne vie que c’était de voir son petit-fils en vacances rentrer le soir du surf avec son pote et dévorer des carrés de boeuf plus gros que leurs ventres - je brassais tout ça comme un potage avant de rentrer a casa à trop petits pas irréguliers, et je me disais une fois de plus qu’en effet j’étais un irrégulier, comme Haldas et Dimitri l’étaient, adorables et infréquentables enfoirés, à leur putain de façon poétique…

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