UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Temps accordé

395312177_10232914922322172_4435302573070479760_n.jpg
(Lectures du monde VII, 2023)
 
À La Désirade, ce vendredi 27 octobre. – La magique apparition d’un chat blanc à la fenêtre de la cuisine de La Désirade, ce matin à 6h47, alors que je versais de l’eau bouillante dans ma cafetière florentine après y avoir déposé trois cuillerées de Blue Mountain élevé sous ombrage et cueilli à la main grain par grain sur les hauteurs (2134m) de la Jamaïque, m’a soudain semblé, l’espace des trois secondes que le chat resta à me scruter avant de replonger dans le noir de la nuit, l’angélique relance de ma lecture, ces jours derniers, d’Un Galgo ne vaut pas une Cartouche, sur lequel j’ai achevé hier une chronique à paraître à l’enseigne du média indocile Bon Pour La Tête, que j’ai retouvée tout à l’heure sur mon McBook Pro avec une repro d’une évocation picturale des trois bêtes de Dante apparaissant tout au début de la Commedia, à la fin paradisiaque de laquelle surgit le mystérieux Lévrier…
Or achevant hier cette longue chronique (toujours trop longues, les chroniques de ce JLK, estime la présidente suisse allemande du média…) et l’ayant balancée à mon amie Marie Céhère, dernière compagne de notre cher Roland Jaccard qui assure l’édition de nos papiers et préside avec brio au choix de leur iconographie – en l’occurrence les flamboyantes figures dantesques -, à la fois content de ma lecture et me reprochant de n’avoir pas tout dit de ce que j’avais grappillé dans le roman de Jean-François Fournier, j’avais passé la fin de la journée entre Hollywood (le film de Tarantino aux deux « has been » fameux et au dénouement évoquant le massacre de 69 dans la casa Polanska) , un long entretien radiophonique avec Peter Sloterdijk dont la maîtrise de la langue française m’a impressionné, et en fin de soirée, pieuté, quelques pages intempestives des Ecrits sur la religion d’Albert Caraco et quelques pages plus «graves sympas» de Karl Ove Knausgaard en sa vingtaine d’aspirant écrivain, dans le pavé de Comme il pleut sur la ville…
 
Leo di Caprio et Brad Pitt auraient très bien pu apparaître dans le roman de Fournier et prendre le plus grand soin de Canela, comme Brad Pitt s’occupe de la douce (et redoutable) Brandy, car ce sont bel et bien deux anges de la légende dorée hollywoodienne que l’affreux Quentin convoque dans son hommage parodique au cinéma dont les chefs d’œuvre des années 50, et plus encore les séries B (ah le souvenir du cinéma Bio lausannois !) ont façonné une part de nos sensibilités, à l’époque de Rio Bravo (ah la mèche et la voix de Ricky Nelson !) et de Pandora, etc.
Avant Fournier, Roland Jaccard a célébré lui aussi cette mythologie de celluloïd, et me revient soudain, tandis que le chat blanc de tout à l’heure se livre à tout un remue-ménage dans le bûcher de la Désirade, la voix de Bruno Ganz, dans LesAiles du désir de Wim Wenders, dont il faut rappeler que les mots sont signés Peter Handke : " C'est extraordinaire de n'être qu'un esprit et de témoigner pour l'éternité de tout ce qui a trait à la spiritualité de chaque mortel. Mais parfois moi je me sens fatigué de n'être qu'un esprit, j'aimerais que ce survol éternel se termine enfin. J'aimerais sentir en moi un poids. Sentir que cette densité abolit l'illimité, me rattache au monde terrestre. J'aimerais à chaque pas, à chaque coup de vent, pourvoir dire: "et maintenant", et "maintenant", "et maintenant", au lieu de dire "depuis touours" ou "à jamais". S'asseoir à une table ou des personnes jouent aux cartes, pour être salué d'un simple geste amical. Lorsqu'il nous arrive parfois de prendre part nous ne faisons que simuler. Dans ce combat en pleine nuit, on a fait semblant, on a simulé une luxation de la hanche, comme on feint d'attraper le poisson avec eux, comme on feint de s'asseoir à la table où ils sont assis, de boire ou de manger en leur compagnie, quand on fait rôtir les agneaux; quand on sert du vin dans les tente du désert, enfin,on simule"...
 
L’été 69 selon Tarantino, où l’on retrouve à la fois le couple de l’acteur et de son double à cascades, mais aussi les hippies de la communauté d’un certain Charlie Manson, Sharon Tate enceinte jusqu’aux yeux et l’auteur génial de Rosemary’s Baby, coïncide à quelques mois près avec la publication de mon premier papier, à 22 ans consacré au beau roman de Michel Bernard, Les Courtisanes, évoquant une toile de Carpaccio qui eût sans doute fait le bonheur de Dominique Arnaud, le personnage de Jean-François Fournier qui nous vaut les pus belles pages de son roman – comme quoi tout se tient, et voici qu’un jour gris, ciel de suie et de plomb sur le lac d’étain, émerge du noir de la nuit où le chat blanc aura disparu entretemps…
395307001_10232914923042190_2442297548626021378_n.jpg

Les commentaires sont fermés.