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  • Prends garde à la douceur

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    (Pensées en chemin, XXXVIII)
     
    De la bonne entente.- Ni l’un ni l’autre ne souffrant la déambulation ou le périple en groupe ou en troupe, la joyeuse marche de bonne humeur jouée ou l’exploration enjouée des ruines classées par ancienneté, tous deux se retrouvèrent seuls à voyager toujours en leur seule compagnie, et comme ils se faisaient écho à tous égards ils se réjouissaient de se retrouver à l’aube après s’être éloignés l’un de l’autre dans un sommeil tout proche où parfois ils se croisaient en rêve, prétendaient-ils en souriant drôlement...
     
    De la cocasserie.- Nous étions pareillement sensibles à ce que subissaient ici et là les infortunés, même protégés de la pauvreté et de la guerre celles-ci nous attristaient, cela va pour ainsi dire de soi chez les gens vivants, mais nous n’étions pas moins friands de cocasserie, elle encore plus que moi, dont les récits qu’elle faisait à nos retours, avec nos familiers, surabondaient de détails loufoques, la poule de soie dans l’auditorium japonais ou le défilé des philatélistes malgaches en uniformes de grande cérémonie, les renards volants du Tibet ou le soufi muet nous parlant de son seul regard sous l’Arbre de l’Intuition...
     
    De l’image parfaite.- Un jour que dans un paysage italien de notre préférence, ou peut-être en Algarve ou en Andalousie, en tout cas dans la douceur visuelle des lumières méridionales, et plutôt en automne quand tout est irréel de beauté comme assourdie, je lui avais proposé de la peindre comme elle était mais dans le paysage, insérée, bonnement inscrite dans une robe simple aux couleurs de terre et d’herbe, et sans poser, comme elle seule savait, tout au naturel, comme survenue au monde dans cette sorte d’intimité partagée et restant notre secret...
     
    De la belle paire.- Tout jeunes et rilaxes ou ridés mais légèrement dorés comme des passants juste esquissés par un émule de Rembrandt, ils vont de pair et seraient remarqués même dans une assemblée ou cette foule immobile qu’on voit parfois autour des églises ou des gares, ils sont là juste de passage et présents seulement l’un pour l’autre, tout à leur histoire peut-être liée au souvenir de telle église ou de telle gare - ces lieux où l’on implore ou déplore tandis que ce deux-là s’éloignent là-bas enlacés, ou pas...
     
    De l’âme vive.- Ce n’est pas une question - la question de l’existence ou non de l’âme - qui les préoccupe même en vue (ils campent en Grèce orientale ) des Météores dont les monastères n’accueillent que des éléments masculins avérés, non: la question ne se pose pas tant que leur âme double et conjointe, Animus et sa compagne Anima, vivent et vibrent à l’unisson des sphères joyeuses ou l’obsolète présumé se ressource à large lampées...
     
    Des sentences sentencieuses.- Les doctes et les impérieux, les éminences du savoir sûr m’ont fait rire longtemps en solo, puis elle a ri avec moi des pédants, mais nous restons attentifs et prêts à d’autres éveils au gré de nos rêveries, n’empêche : celui qui de sa chaire nous assène comme ça que nous restons toujours en enfer de ce ton qui ne dit en somme que l’importance de celui qui le profère - celui-là nous indiffère absolument...
     
    De nos préférences .- Elle avait besoin chaque année de la mer, et j’aimais écrire aux balcons, elle aurait flâné des heures pendant que je rédigeais un feuilleton, mais c’était ensemble toujours que nous partagions le filet de daurade ou les fruits cueillis à l’arbre de corail en souriant aux vacanciers débonnaires - tant il est vrai que la mer nous rapprochait de nos frères humains, et de leurs sœurs...
     
    Des conditionnements.- Toutes les têtes à l’unisson, devant le monument, se tournaient à l’ordre du guide attitré, parfois une Japonaise ou quelque jeune Prussienne à tenue allégée, et l’on entendait sans entendre vraiment, au sens de l’entendement, tant ce qui distingue le dorique de l’incrustation byzantine échappe à l’enregistrement immédiat alors que le chauffeur Jack impatient fait signe au groupe de passer au monument suivant...
     
    De la tendre soirée.- Les jours voyageurs n’étaient jamais aussi appréciés qu’en fin de journée après le soleil et les vacations vacancières, passée la parenthèse du farniente, quand les dîneurs dînaient sur les terrasses et qu’avant ou après les avoir rejoints nous laissions nos regards errer ensemble des balcons aux lointains...
     
    De la perspective cavalière.- C’est le point de vue que vous direz, plus que de l’âge mûr: de l’âge sûr, même si c’est précisément en ces années atteintes que vos certitudes se fissurent, mais le fait est que se retourner prend désormais son sens et non sans indulgence augmentée - tant de temps à cheminer ensemble, et c’est une nouvelle carte du tendre que vous découvrez en revivant du regard le chemin parcouru de fondrières en clairières, les allées semées d’embûches et les années où vous aurez trébuché pour vous relever vous ne savez plus comment, avec elle ou parfois sans, chacun en ses difficultés, jamais séparés mais jamais non plus en trop étroite fusion, la vie exigeant ces ondulations…
     
    Du bout du chemin. - C’était alors l’expression la plus innocente, allons, faisons donc un bout de chemin ensemble, et c’était en enfance pour nous rendre à la petite école, ou plus tard en revenant de la plage, parfois troublés par nos pensers ou nos sentiments, nos sensations ou nos pulsions d’adolescents, plus tard encore à nous revoir l’un ou l’autre d’année en année, et d’autres encore à se déprendre ou se retrouver, mais sans imaginer alors que le chemin finirait...
     
    De la modestie.- Que notre cœur soit intelligence et que notre esprit soit bonté, étions-nous convenus sans même nous concerter, comme si la vie que nous menions nous l’avait dicté et sans même que nous eussions à l’inscrire, par delà l’aveuglement d’un certain attachement de possession et plus loin aussi dans la douceur consentie que ne le dictait la lucidité calculée - non point accroupis dans la résignation soumise mais souriant aux choses accordées...
     
    De l’allant joyeux.- Nous ne reviendrons pas amont sauf en pensée, car c’est naturellement vers l’aval conscient et concerté que nous allons, en veine de nouvelles enfances qui, par nos descendances, ne cessent de raviver nos ravissements purs, cependant, d’excessives ou nigaudes exaltations, autant dire que nous ne nous laissons point aveuglément mener mais l’avancée ne saurait être non plus trop contrôlée, aussi allons-nous de l’avant tout à la joie sereine et reconnaissante de la vie allante...
     
    Sculpture: Mario del Sarto.