Le cœur à la fin se fatigue,
ne bat plus que d’un aile:
un vieux ridé comme une figue
au tabac d’à côté,
une guitare qu’on abandonne,
le regret d’un baiser perdu,
ou le geste amorcé
d’une maldonne survenue...
Tu lui parlais de beaux lointains,
et vous aurez rêvé:
vous serez partis le matin
vers les mondes ensoleillés
de vos claires années;
des mots inhabités de chair
vous avez séparé
les ombres et la lumière,
et les enfants là-bas
dans l’insouciance radieuse,
faisant les innocents,
jouaient comme jouent les enfants...
Les enfants l’aident à traverser:
la vieille reste là
Un peu lasse de n’avoir plus
assez de force en elle
pour se relever en rebelle
contre tout ce qui cloche
dans le monde parfois si moche...
Puis je m’en fiche, se dit-elle:
je danse encore un peu,
je lui souris même au-delà
de notre doux trépas -
et l’étoile là-haut clignote
comme un vieux qui radote...
Dessin: Albrecht Dürer