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Le Temps accordé

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(Lectures du monde 2020-2022)
 
DE QUOI RIRE. - Je me suis rappelé la neige de notre enfance après avoir lu, ce matin, le dernier texte de l’ami Quentin évoquant une garderie d’aujourd’hui dont les mioches sont devenus des « clients » jouant avec des « objets transitionnels » sous l’égide de la nouvelle pédagogie, mais Lady L. en sa compétence expérimentale me rappelle que ce vocabulaire remonte au moins aux années 50, du temps des Winnicot & Co, à quoi j’objecte qu’aujourd’hui ces termes font bel et bien « habits neufs » pour tout un chacun qui « psychologise » à tout-va, même si Quentin en remet une couche alors que nos petits-enfants ont encore droit, dans leur garderie montreusienne, à de candides monitrices moins appareillées en matière de langage technique…
Cela étant, notre gâte-sauce a raison de pointer la jobardise, nouvelle ou pas, de la tendance actuelle des « sachants » à tout conceptualiser et cérébraliser, comme un certain Rabelais le faisait des pédants et des cagots il y a déjà bien des années; et le même rire rabelaisien me revient à l’observation de ce qui, par les temps qui courent, devrait plutôt nous faire désespérer. Surtout, j’apprécie qu’un garçon de 30 ans et des poussières s’exprime avec autant de vivacité alors que les « millenials » semblent se pelotonner dans leurs terriers en s’envoyant de petits messages vertigineusement vides via Tik Tok…
 
CONSULTATION . - L’excellent Docteur H. , seul à ma consulte de fin de matinée, et prenant sur lui de me piquer le doigt pour le contrôle de mon TP, me répond qu’il « fait aller » quand je lui demande des nouvelles de sa santé, puis il me propose de m’inscrire par Internet sur la liste d’attente du vaccin, et je lui réponds que ça se fera en temps voulu en précisant que je ne suis pas du tout opposé à la chose comme d’aucuns qui en font un nouveau thème de fronde idéologique à la flan; mais je ne lui dis rien de mes nouvelles douleurs articulaires ou périphériques ( un putain d’orteil que je croyais cassé) de crainte qu’il n'ajoute un médoc aux douze de l’ordonnance que je l’ai prié de renouveler au titre de ma contribution au soutien de la Big Pharma helvétique. Sur quoi je regagne notre sweet home du bord du lac où je me reconnecte au site du Washington Post en quête des dernières nouvelles de la House - mais c'est encore trop tôt...
 
MIDNIGHT. - Après mes divers travaux du jour, une longue sieste, la balade raccourcie avec Snoopy sur les quais enneigés et un film gentiment extravagant sur Netflix (Un casse à Central Park), j'ai suivi en live les délibérations de la House aboutissant à la mise en accusation du Président pour incitation à la violence, suivies de la vidéo bonnement surréaliste où ledit Président, comme si de rien n'était, les yeux au ciel et s'en prenant à la fois à la droite et à la gauche, proclame son horreur de la violence, absolument contraire à ses principes moraux, etc.
On croit rêver mais pas du tout: avec Donald la réalité est irréelle et le rêve une preuve aux assises du désirable...
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ANGES & FANTASMES. - Le rêve très détaillé que j’ai fait ce matin, après m’être réveillé à cinq heures et avoir pallié mon souffle au cœur avec un grand verre d’eau puis m’être rendormi, m’a ramené dans la mansarde parisienne de la rue du Bac où j’ai passé tant de nuits, qui m’évoquait aussi la soupente de la rue de la Félicité où j’ai créché durant mon séjour de 1974 aux Batignolles et ma chambre sous les toits de La Perle aux Canettes, avec un œil-de-bœuf donnant sur la chambre voisine dans laquelle deux personnages aux silhouettes blanches me semblaient en train de faire l’amour, sur quoi l’un d’eux surgissait, très gentil , puis deux autres, puis deux ou trois femmes dont l’une connaissait mon nom et me demanda si j’étais déjà allé en Ayatollie (elle avait dit Anatolie) alors que je demandais à l’ange couché à ma droite (nous étions vaguement couchés) s’il était plutôt Asie ou banlieues parisiennes, après quoi l’un des types genre Francais moyen déclarait que c’était le moment de partir pour leur virée au Touquet - me clignant de l’œil en ajoutant qu’ils étaient férus de la Côte d’Azur, ce qui fit réagir Lady L. toujours aussi attaché à l’exactitude géographique, quand je lui racontai ce rêve alors qu’elle prenait des nouvelles de Washington sur sa tablette - et je me suis interrogé alors sur ma propension croissante à voir des anges autour de moi, et pas que dans mes rêves... (Ce jeudi 14 janvier 2020)
 
MESSAGERS. - La fonction traditionnelle des Anges est celle de messagers, mais la question que je me suis posée ce matin, toujours en présence de Lady L. encore couchée dans notre grand lit à cadre de palissandre qu'elle à acquis chez Benoît Lange (!) le fameux marchand de meubles ethnos, était de savoir qui nous envoie les messages de ces rêves, l’explication freudienne étant loin de me suffire - les trois pauvres pages consacrées à l’interprétation des songes dans le dernier numéro de L’Obs me semblant d’une platitude atterrante. Comme si les psys étaient plus avisés en la matière qu’un Proust ou qu’un Fellini !
 
DE LA RÉALITE. - Taxer quelqu’un d’angélisme est censé vous poser en adulte responsable qui a le sens des réalités, mais les messages angéliques de plus en plus réalistes, par le détail, que je reçois depuis quelques décennies m’aident à mieux voir ce qui dans la réalité procède d’une présence qui rayonne, et je ne parle pas que des petit enfants et des vieilles saintes: je parle de l’ange des brasseries évoqué dans mon rêve de cette nuit.
De fait à un moment donné, le plus émouvant dans mon souvenir, l’un des mecs mal rasés de mon rêve citait soudain cette phase de Cingria, tirée du Canal exutoire: « Un archange est là, perdu dans une brasserie », et je prononçai ce dernier mot de brasserie en même temps que lui et nous échangions alors un sourire de connivence rare...
 
NO PASARAN. - Je devrais avoir la mine sombre et soucieuse, ce matin, l’air gravement «concerné» en me rappelant le reportage «alarmant» que Lady L. m’a recommandé de voir hier soir sur ARTE, consacré à l’infiltration du jeune étudiant suédois Patrik Hermansson dans les mouvements d’extrême-droite anglais et américains ; je devrais m’indigner, et cela a été ma première réaction à la découverte de ces affreux idéologues en cravates et culottes courtes et des hordes d’imbéciles hargneux tout pareils à ceux qui viennent de déferler sur le Capitole, mais à ce mouvement panique de colère a succédé un autre sentiment plus en phase avec ce que je crois la réalité tant anglaise qu’américaine , européenne et suisse, qui fait que « ça »ne passera pas, ou pas comme ça… (Ce vendredi 15 janvier)
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KATYN ET LES JUIFS.- Bien entendu, je sais que « ça » existe et je le savais avant de voir ce reportage. Je ne suis pas vraiment étonné d’entendre tel fasciste anglais vociférer dans une rue de Londres que le Goulag et le massacre de Katyn est imputable aux Juifs, ni de voir un de ses comparses gesticulant proposer qu’on réunisse les migrants dans le tunnel sous la Manche et qu’on y foute le feu, ou encore que tel idéologue américain recommande le bombardement nucléaire du Pakistan et prédise une monnaie unique à l’effigie d’Adolf Hitler.
Je sursaute évidemment d’horreur comme le jeune Patrik à Charlottesville quand se défoule la meute raciste et judéocide, mais je sais aussi, au même moment, que tout ne va pas dans le même sens, et je me rappelle alors Le complot contre l’Amérique de Philip Roth, dans lequel il est montré que, même au temps où le nazisme séduisait certains Américains et certains Anglais (dont un certain monarque), « ça » n’a pas vraiment passé.
En entendant Jez Turner, leader surexcité du London Forum parler de Katyn comme d’un crime juif, je me suis rappelé que notre ami Czapski a passé cinquante ans de sa vie à rétablir la vérité selon laquelle ses camarades polonais n’ont pas été massacrés par les Allemands mais par les Soviétiques, comme je me rappelle les théories conspirationnistes antisémites fondées sur le Protocole des sages de Sion - inventé comme chacun sait par la police du tsar pour accuser les Juifs d’un complot mondial - quand je découvre les thèses de Q-Anon & Co…
Cependant, tout convaincu que je sois du danger réel que représente l’Alt-right américaine, je crois que « ça » ne passera pas, ou pas comme ça, mais peut-être « ça » va-t-il évoluer et ne sera pas moins grave sous de nouvelles formes ?
 
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LE COURAGE DE L’OPTIMISME. – Contre la gauche perdante et la droite arrogante, le nouveau catastrophisme relancé par la pandémie et l’aveuglement consentant, Rutger Bregman plaide pour ce qu’il y a de fondamentalement bon dans la créature humaine et défend des « utopies réalistes » dont la redistibution des richesses est l’un des points forts, au dam des frileux, et tel sera le thème de ma 120e chronique sur le « média indocile » de Bon Pour La Tête.
Dès que j’ai commencé de lire Humanité, une histoire optimiste, le ton et plus encore le formidable matériau documentaire accumulé et analysée par ce Batave hors norme et hors partis m’a botté, me rappelant le réalisme joyeux de notre chère Katia, et la lecture, ensuite d’Utopies réalistes, consacré notamment au succès des applications du revenu de base universel, m’a surpris et séduit bien plus que les scies actuelles sur le retour des « vieux démons » et autre « montée des périls ». Dans la foulée, j'ai offert ces livres à nos filles pour Noël après que Lady L. s'en est régalée elle aussi...
Non, ce n’est pas se leurrer ou s’illusionner que de parier sur la générosité plus que sur le cynisme ou le sempiternel égoïsme des nantis, même si l’on sait l’infinie ingéniosité de notre espèce à creuser sa tombe et préférer trop souvent le pire au meilleur, etc.
 
TRUMP ET BALZAC. – Lorsque Bernard Pivot, recevant Michel Butor pour la somme critique que celui-ci a consacré à Balzac, lui demanda à quoi tenait son intérêt pour le grand buveur de café, le cher prof-écrivain répondit juste : parce que c’est intéressant, mon cher, Balzac est intéressant ; et c’est pourquoi je m’intéresse, aussi au personnage balzacien que figure à mes yeux Donald Trump, supposé le personnage le plus puissant du monde et disposant, sur son bureau, d’un dispositif lui permettant de commander cinquante Cocas Zéro par jour, voire plus quand il est énervé. L’un de ses biographes lui donne 16 ans d’âge comportemental, un psychiatre voit plutôt en lui un enfant demeuré, lui-même se considère comme le Président le plus intelligent de l’Histoire et sa spécialité est de considérer ce qu’il dit sur le moment comme la seule réalité tangible dans l’espace et le temps, alors qu’il prend ses décisions en fonction de ce que lui a inspiré son dernier interlocuteur, comme la résolution du bombarder la Syrie lui a été dictée, un quart d’heure après avoir envisagé le contraire, par sa fille Ivanka lui montrant en larmoyant des images d’enfants martyrs, etc.
Trump lui-même, en tant que personne venue au monde le 14 juin 1946 (le même jour que Che Guevara, Boy George et moi), natif donc du signe des Gémeaux, est probablement un sujet d’observation passionnant pour les psychologues et les psychiatres, mais c’est de façon plus naïve (faussement naïve cela va sans dire) que je m’intéresse à cet individu aussi génial à sa façon qu’imbécile à beaucoup d’égards, comme m’intéressent plus sereinement un Léonard de Vinci ou un Albert Einstein, génies avérés et lumineux, etc.
 
RIEN QU’UN FANTASME ? – L’extraordinaire plasticité des opinions de Donald Trump, autant que de ses postures et comportements, décisions et revirements, me semble du plus haut intérêt en cela que son oscillation chaotique entre tout et n’importe quoi renvoie à la réalité actuelle – dont elle procède évidemment – et, plus précisément, à la situation mondiale soumise à toutes les incertitudes de la pandémie. Trump est à la fois un symptôme sur pattes et une métaphore, un solipsisme narcissique et une marque transnationale, un colosse fragile et le fils drillé d’un despote familial devenu lui-même autocrate tribal, mais il est aussi, et peut-être surtout, ce que les autres en ont fait, à savoir un fantasme à la saveur suavement insipide de marshmallow et à la consistance de baudruche pleine de vide : le rêve américain en sa dimension élémentaire de paradis kitsch pour Barbies à la Kardashian, sous garde armée. Mais encore ? Suffit-il de dire que Trump est un fasciste à l’américaine, ou que c’est une réincarnation du Père Ubu ? Je n’en crois rien, pas plus que le virus ne se réduit à un mal qu’un vaccin suffirait à guérir…
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UN ROMAN DE SIMENON. – La trajectoire sociale de Trump relève-t-telle plutôt de la comédie humaine à la Balzac ou du roman russe à la Simenon ? Je me pose la question en me rappelant que Czapski voyait plus, dans les romans de Simenon, de la complexité obscure à la manière des romanciers russes que de celle du génie balzacien, supposée moins « métaphysique ». Autant se demander ce qu’en feraient deux grands romanciers aux « natures » opposées, tel le «diurne » Tolstoï et Dostoïevski le « nocturne », à moins qu’on ne se rappelle le roman de Simenon le plus russe et le plus balzacien à la fois, à savoir Le Bourgmestre de Furnes, saga d’un parvenu social dont on découvre finalement la secrète blessure… Or je me demande quel grand romancier actuel (si tant est qu’il y en ait un seul ?) serait capable de faire de la story de Donald Trump un roman qui ne s’en tienne pas aux clichés du personnage connu et de ses œuvres ?
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RÉVÉLATIONS DE MIDI. – Je me disais tout à l’heure, midi approchant, qu’il y a un peu plus d’un an que je sortais de l’hosto après un accident cardiaque qui m’a permis d’apprécier les bienfaits de la médecine et l’excellence de nos soignants, quelques semaines avant les premières rumeurs liées à un certain virus, suivies par les péripéties mondiales se soldant aujourd’hui par 2 millions de morts et la prédiction, après qu’un certain président américain eut parlé d’une espèce de petite grippe à soigner à l’eau de javel, de 500.000 nouveaux morts aux seuls USA d’ici à la fin février, mais quoi de sûr en ce temps de fake news ?
Quoi de sûr ? Juste ceci : deux petits garçons qui ont moins de quatre ans à eux deux et couratant déjà comme des fous autour de nous, deux lutins dont la seule présence de lapins endiablés me rappelle l’image des billes de mercure se répandant n’importe où et n’importe comment, dont l’infinitésimale musique se répand dans les sphères au ravissement du maître de l’univers clignant de l’œil en chacun de nous…

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