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De brûlants icebergs


Icebergs10.JPGIcebergs, premier court métrage de fiction de Germinal Roaux, 2007.

L’art d’un jeune cinéaste ne s’évalue pas souvent en deux plans trois séquences, et c’est pourtant l’évidence d’un grand talent personnel qui saisit à la vision d’Icebergs, premier court métrage de fiction de Germinal Roaux, qui obtint l’an dernier le prix Action Light du meilleur espoir suisse au Festival de Locarno et le prix de la Relève pour le meilleur court métrage 2007 aux journées de Soleure, entre autres distinctions revenues à ce réalisateur romand de 33 ans.
Icebergs9.JPGIcebergs1.JPGDans le labyrinthe urbain dont le premier espace est une barre de banlieue comme enserrée elle-même dans une enceinte de béton, où les voix résonnent clair et dur, Rosa, qui s’éveille dans l’intimité d’un gros plan très doux avant d’enfiler son survêt de fille à la coule, illico coiffée de son écouteur à rap, puis de rejoindre son amie Céline au rouge à lèvre excessif (elle le lui dit et l’autre rectifie recta, bonne fille), s’aperçoit dans le métro qu’on lui a fauché son phone, dont elle repère bientôt le probable voleur en la personne d’un jeune beur visiblement stressé aux yeux de gazelle qu’elle traque dès l’arrêt, avec sa camarade, jusque dans les chiottes messieurs de la gare voisine où elle obtient bel et bien ce qu’elle voulait. La petite furie, d’un regard, a pourtant « kiffé » son bandit, la chose n’a pas échappé à Céline, gredin qu’elle retrouvera en fin de course dans la rame du métro de retour, alors qu’il vient de piquer le portable d’une passagère...
Icebergs4.JPGL’argument est mince et très significatif à la fois, genre fine nouvelle d’Annie Saumont ou du Vincent Ravalec des débuts, mais le film le traite avec une rapidité et une délicatesse de touche sans faille. Icebergs8.JPGChaque plan dit quelque chose, les jeunes acteurs (Marie Bucheler parfaite en Rosa, Xila de Blasi et Leandro Silva, non moins convaincants dans les rôles de Céline et Kader) sont remarquablement dirigés, l’image est belle sans donner jamais dans l’esthétisme ou la grisaille misérabiliste, le jeu des plans suit un mouvement fluide et « construit » l’espace avec une sorte de grâce naturelle et rigoureuse, le détail des observations sur le milieu est d’une constante justesse et la dialogue aussi, elliptique et codé, rend compte de cet univers aux parents invisibles ou réduits à des voix (un seul voisin fait figure de râleur patenté), sans que rien de plus ne soit dit. En 14 minutes intenses, Germinal Roaux fait bien plus qu’un exercice de style : il signe un vrai film d’une imposante maîtrise. Pour le climat affectif et la "couleur" du noir et blanc, Icebergs rappelle un peu Les coeurs verts d’Edouard Luntz (1965), sans qu’il s’agisse ici de « cinéma vérité ». Roaux.jpgSi vérité il y a bel et bien, elle passe par le geste et l'extrême sensibilité du filmeur et des jeunes acteurs, plus que par le « document ». C’est pourtant par le documentaire que Germinal Roaux s’était fait connaître, en 2004, avec la mémorable évocation de la vie d’un jeune trisomique, intitulée Des tas de choses. Un pas de plus est fait avec Icebergs. On attend la suite avec une ardente (et confiante) impatience…
CAB Productions, 14min. On peut voir le film sur le site de Germinal Roaux: http://www.germinalroaux.com/

Commentaires

  • Je suis restée quelques jours à Neuchâtel, il y a quelques mois, invitée par une adorable amie, qui à 82 ans, désirait que nous passions à nouveau, un temps de confidences, ensemble. Nous avons cheminé de la collégiale au bord du lac et dans les rues calmes et charmantes. Plusieurs fois, le tram passa devant la drôle de maison de Dürrenmatt. Je pensais au Minotaure...et au labyrinthe où on le cache...
    En revenant dans ma petite banlieue, je ne reconnaissais plus les habitants de ma ville. Je réalisais qu'à Neuchâtel je n'avais pas rencontré de populations immigrées, que les sons de la vie y étaient différents...
    C'est bien ce film, c'est bien votre regard sur ce film...

  • Je viens de regarder vos toiles et vos aquarelles. J'aurais aimé vous parler près de certaines d'entre elles, si fortes, mais aucun espace n'est prévu pour cela... Donc j'en emporte la parole dans le silence du regard....

  • Chouette article, grand merci de partager ces idées et notez en 1er lieu que je partage moi aussi entièrement ce point de vue ! Bref voilà tout est dit, votre blog est excellent, votre blog m'a ouvert les yeux... Vivement la suite !

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