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  • Comme un rêve éveillé / comme un sueño despierto

     
     
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    J’ai vu passer le lent cortège
    des âmes aux lèvres grises,
    j'étais avec elles et sans elles:
    je portais des valises
    pleines de mes diverses vies;
    je regardais le défilé
    des foules aux longs visages
    passant et bientôt dépassés
    par leurs ombres sans âge...
     
    He visto pasar el lento cortejo
    de almas de labios grises,
    estaba con ellas y sin ellas:
    llevaba maletas
    llenas de mis vidas diversas;
    miraba el desfile
    de una multitud de rostros largos
    pasando y en seguida superados
    por sus sombras sin edad...
     
    Immobile je me tenais
    aux mains déjà tenues
    des vivants qui ne l’étaient plus,
    que je reconnaissais
    sans parvenir à les nommer
    tant ils étaient les mêmes,
    tant ils étaient sous tant de masques,
    tant ils me fuyaient du regard...
     
    Inmóvil me aferraba
    a las manos ya tenues
    de los vivos,
    que reconocía
    sin llegar a poder nombrarlos
    de tanto que eran los mismos,
    de tantas máscaras como llevaban,
    de tanto cómo me rehuían la mirada...
     
    Ne nous oublie jamais,
    jeunesse à jamais fantasque,
    semblaient chanter en litanie
    affligée et très pure
    leurs voix comme sorties des murs
    de mon rêve éveillé -
    n’oublie jamais ta douce enfance,
    ta mortelle innocence...
     
    No nos olvides jamás,
    juventud siempre caprichosa,
    parecían cantar en una litanía
    afligida pero muy pura
    sus voces como salidas de los muros
    de mi sueño despierto -
    no olvides jamás tu dulce infancia,
    tu mortal inocencia...
     
     
    (Merci à Mario Martín Gijón pour sa si belle traduction de mes contrerimes)
    Peinture: Robert Indermaur.

  • Pour tout dire (22)

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    À propos du TOUT DIRE de la mer à la nuit. Des ombres errantes et du silence des poèmes interrogés par Karl Ove Knausgaard. Ce que (se) parler veut dire par-dessus les océans...


    De notre balcon en proue au-dessus des yuccas et des agaves, par dela lesquels serpente le sentier de sable où passent des ombres et des chats, la seule voix lente et récurrente que nous entendons est celle de la mer dont la noire surface étale bruisse et scintille sous la lune croissante.


    Je reçois un message, via Messenger, d'un ami qui me dit son soulagement de voir son père couper à l'amputation de son pied. Mon propre pied me fait mal quand je le pose dans le sable pourtant tendre, en attendant l'opération du 5 octobre prochain, nous sommes le 11 septembre et je me rappelle que ce matin-là, il y a 15 ans de ca, je sortais d'une interview avec Marina Vlady, à Paris, quand notre fille Julie m'a enjoint par téléphone de brancher la télé du petit studio de notre journal sous les toits, rue du Bac, pour y voir ce qu'il y avait à voir.

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    Ce matin le JDD parlait d'un vague espoir de paix en Syrie. Depuis le 11 septembre, et bien avant cela va sans dire, le serpent d'un colonialisme jamais interrompu ne cesse de mordre sa propre queue fulminante de haine terroriste, et là-bas, le long du chemin de sable où se flairent les ombres , flottent les oriflammes marqués au logo du Glamour, la boîte échangiste d'à côté où tout s'échange en effet dans les murmures frelatés, mais voici que notre fille Sophie par Messenger, de Californie, nous évoque ses méditations pacifiques entre tricot zen et salutation au jour du Seigneur qui vient tandis que le nôtre s'en est allé...


    Le langage de la mer est comme celui d'un poème fermé, que notre attention patiente ouvrira peut-être.


    Au détour de très belles pages consacrée à son oncle paysan-ouvrier perpétuant l'idéal communiste alors que plus personne n'y voit de quoi faire chanter les lendemains, Karl Ove Knausgaard, dans Un homme amoureux, raconte comment, par ce frère de sa mère par ailleurs poète, il en est venu lui-même à scruter les énigmes d'un Hölderlin, puis d'un Celan, pour en saisir le sens et peut-être le secret, inatteignables au premier regard.


    L'idée qu'un poème doive être mérité rompt complètement avec l'avidité en cours au Glamour mondial, où l'accès à tout est immédiat par le fric.
    Les ombres errantes se frôlent et parfois se touchent au bord de la nuit, mais nous n'entendons plus à l'instant que la voix de la mer, dont nos rêves seront bercés loin du bruit...