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Le Grand Tour

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40. Ceux de La mémoire noire
J'ai maudit les Chinois en longeant l'interminable muraille aveugle qui entoure leur ambassade à Tunis, sûrement aussi vaste que la place Tian'anmen, puis je suis enfin arrivé, à l'autre bout de l'avenue Jugurtha, devant cette élégante petite résidence dont l'enseigne n'était pas moins chargée de connotations historiques et politiques: Fondation Rosa Luxemburg !
Rosa eût-elle apprécié le petit apéro déjà préparé sur la terrasse ? Sans doute ! On connaît le faible des révolutionnaires authentiques pour les douceurs: seuls les rebelles fils de bourgeois évitent petits fours et loukoums !
Bref: un colosse m'avait repéré de loin, en lequel j'avais déjà reconnu Hichem Ben Ammar, qui me remercia d'avoir fait ce grand détour à pied à seule fin de voir son film, La Mémoire noire; et d'autres personnages aux dégaines impressionnantes, l'un m'évoquant Terzieff ou Artaud par sa belle tête émaciée, et l'autre de stature non moins impressionnante, mais avec plus de rondeur - « mes protagonistes ! », se contenta de me lancer Hichem, deux d'entre les quatre apparaissant dans le film, avec lesquels un débat était prévu après la projection.
 
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Le point commun des régimes autoritaires consiste à « bouffer de l'intello », comme le relève le professeur Habib Melkach au début des Chroniques du Manoubistan, et ce qui frappe alors, dans la répression exercée par Bourguiba contre ses « enfants », est à la fois la disproportion entre les délits reprochés aux étudiants ( pas un ne peut être qualifié de terroriste) et autres affiliés au groupe Perspectives, et leur traitement, d'une incroyable brutalité. C'est de cela, sous tous les aspects de la relation entre militants et bourreaux, qu'il est question dans La mémoire noire, dont la portée va bien au-delà de cet épisode historico-politique.
°°°
Hichem Ben Ammar ne documente pas les faits avec trop de précision. L'histoire du mouvement Perspectives est connue, notament documentée par le récit intitulé Cristal, de Gilbert Naccache, ou tel autre témoignage qui a fait date, La Gamelle et le couffin, dont l'auteur, Fathi Ben Haj Yahia, est également très présent dans le film.
Le propos du réalisateur est de faire parler ses personnages, quasiment en plan-fixes et comme sous une loupe restituant le grain des peaux, l'éclat des regards, le moindre frémissement d'émotion. Nullement indiscret, son regard est à la fois proche et respectueux, et les thèmes abordés (la tortures dans les caves du Ministère de l'intérieur, le bagne, les relations avec l'extérieur, la lettre bouleversante que lit une femme de prisonnier, l'avilissement inéluctable des tortionnaires, etc.)
Sans trace d'esthétisme douteux, il y a du poème dans ce film aux images laissant en mémoire une empreinte indélébile.

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