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  • Vis comica

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    À propos de l'irrépressible drôlerie du drame vécu sans l'être par les 72 hétéronymes de Pessoa, alias personne...

    De fait il y aurait à rire aux éclats tant l’affaire semble sérieuse à voir les grands airs de ces lettrés emboîtés les uns dans les autres comme autant de poupées russes; de quoi se désopiler à les voir se voir écrire au miroir en invoquant leur transparence, et s’écrire de plus belle les uns aux autres à travers fumées et frontières, en cénacles confinés ou en cercles concentriques non moins qu’excentrés jusqu’aux étoiles du papier peint; oui vraiment il y aurait à s’esclaffer à se repasser le film de l’épique époque si ses acteurs n’étaient aussi désarmants de candeur rouée et de naïveté jouée – ou l’émotion aurait sa part, sinon la sentimentalité.

    À genoux dans la chambre des enfants, Fernando tombait-il vraiment le masque devant ceux-ci quand il pouffait de concert ?

    C’est aussi probable que son entière sincérité quand il se proclamait « investigateur solennel des choses futiles » en faisant, ou pas, semblant d’y croire.

    Le comique de la situation, par delà la feinte ordonnance disciplinée des heures de bureau, supposait plutôt le rire sous cape, avec une façon particulière de dramatiser qui tenait à vrai dire de l’exorcisme - tant à exagérer, que l’on ne me soupçonne pas de noyer la sardine dans sa caque ensoleillée puisqu’elle fait bel et bien tache mouvante au plafond du café où je siffle mon eau-de-vie en douce -, mais ceci sans forcer le ton, toujours sous le couvert du fameux sourire asiatique relevé par les témoins oculaires directs, sans brandir rien qu’un stylo style scalpel que ne faisaient trembler que ses quatre-vingt clopes par jour, velléitaire hyperactif aux airs malicieux de « noble voyageur »...

    Rire de toute cette littérature et de ses tours de papier maculé défiant l’usage du mixer et de la machine à coudre ? Assurément, n’était-ce que pour déjouer le double complot des coucheries molles, des geôles domestiques et des commentateurs mondiaux, en affirmant que ce n’est rien – juste de quoi se poiler !

  • Comme une ombre claire

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    Unknown-5.jpegDu contraste entre les brouillards du Livre de l'intranqillité de Bernardo Soares et la lumière athlétique de Lunardo da Vinci...

    Parler de désapprobation serait mal préjuger des capacités imaginatives du Florentin dont l’ombre lumineuse, loin de s’égarer là par hasard, s’est pointée ce soir dans la Ville Basse, du côté de la Rue de la Douane et jusqu'au port, le long (il l’a lu dans le texte) de « ces longues rues tristes qui longent le port et s’étirent vers l’est », mais on notera que sa fameuse « indifférence royale » se teinte d’ironie quand il relève sans l’écrire – Lunardo jamais n’écrit ce qui touche à l’intime – que cette élection du presque rien, cette façon de donner du galon au néant, cette prétendue modestie du petit employé se flattant en somme de n’être rien, même se conforte en se taxant de rat ou de cancrelat à la Kafka, de manteau de Gogol ou de lambeau sartrien - tels étant les oripeaux, entre tant d’autres, de leur vanité, et l’Athlète se rengorge en douce, mais sans se gausser pour autant, car il y a, fût-il vague et parfois noyé, comme un désir d’artiste chez ce Bernardo Soares à l’imper gris muraille.

    Lunardo l’entend encore ressasser : « Aucun désir en nous n’a de raison d’être. Notre attention n’est qu’une absurdité que nous consent notre inertie ailée. Je ne sais de quelles huiles de pénombre est ointe l’idée même de notre corps. La fatigue éprouvée est l’ombre d’une fatigue. Elle nous vient de très loin, tout comme cette idée que notre vie puisse, quelque part, exister », mais ce n’est pas lui qui portera la contradiction à ces litanies que les multiples avatars du terrible Cafard occidental lui opposeront sous tous leurs semblants de masques et de noms, se fiant plus volontiers, en revanche, aux velléités simplistes du gardeur de troupeaux en son refus de penser.

    Cependant attention : penser ou ne pas penser ne serait pas, pour autant, l’alternative aux yeux de celui qui tient pour recevable tout ce qui s’offre à ses multiples vues et curiosités, sans impatience ni dédain, dans cette espèce de joie sereine qui va de pair avec le rire parfois, et parfois le sourire.

  • Jeune fille au miroir

     

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    Viens recevoir une caresse,
    jolie fille que voilà,
    toute de grâce et de tendresse
    dans l’orbe de tes bras.

    Telle une chatte tu te coules
    dans la lumière dorée
    fluide et toute songeuse, en boule,
    les paupières baissées,
    feignant un peu l’indifférence,
    jouant à garder un secret,
    défiant le silence
    pour l’intrigue que c’est d’intriguer...

    Jeune fille, ma transparente,
    pose là ton cerceau,
    plonge tes bras dans l’onde lente,
    glisse-toi dans mon eau...

     

    Peinture: Leonor Fini.

  • Deux papes et leurs doubles

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    Après le savoureux Habemus Papam de Nanni Moretti, (2011), où Michel Piccoli découvrait les affres quotidiennes de la condition papale, et la mini-série originale de Paolo Sorrentino intitulée The Young pope (2016) et portée par Jude Law, l’on pouvait se demander ce qui résulterait d’une nouvelle production de Netflix jouant sur la rencontre (fictive) et la confrontation des deux derniers papes bien réels que figurent le conservateur Benoît XVI et le progressiste Francisco, interprétés par ces deux grands acteurs que sont Anthony Hopkins et Jonathan Pryce.

    Or le charme et l’intérêt du film de Fernand Meirelles opèrent immédiatement dans ce qui s’impose, en dépit de la fiction, comme un beau moment d’humanité et d’émotion, où la présence exceptionnelle des deux interprètes, cadrés le plus souvent en gros plans hyper-expressifs, le dialogue très finement ciselé, l’image aussi somptueuse que les décors (de Castel Gandolfo à la Sixtine), les positions contrastées des deux personnages (avec l’accent porté sur le drame personnel vécu par José Bergoglio à l’époque de la dictature) et les échanges relatifs à leurs vocations respectives traités avec sérieux, mais aussi les touches plus légères voire humoristiques émaillant cette relation développée jusqu’à un début d’amitié - les jolis morceaux de Benoît XVI au piano ou des deux pontifes esquissant un tango ...-, nous captivent quasiment de part en part, même si les faits réels ne sont souvent qu’effleurés ou plus ou moins édulcorés au bénéfice d’un double portrait peut-être idéalisé mais non moins attachant…

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  • Amiel & Co

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    Les Moments littéraires, no 43.

    Un numéro spécial diaristes suisses
    et un hors-série Amiel/Guédin

    Pour son numéro 43, la revue Les Moments littéraires présente, sous le titre Amiel & Co, des extraits de journaux ou de carnets intimes – presque tous inédits – pour livrer un panorama des diaristes suisses d’hier et d’aujourd’hui. Un cahier photographique témoigne de l’apport de l’image dans la démarche autobiographique.

    Henri-Frédéric Amiel (1821-1881), écrivain et philosophe suisse, est l’auteur d’un journal intime dont la première édition (partielle) en 1883 lui apporta une célébrité immédiate. Depuis lors, ce journal (dont le manuscrit compte 16 000 pages) a fait l’objet d’une publication intégrale en douze volumes aux éditions L’Âge d’homme (1976-1994). Outre son Journal, Amiel a laissé une abondante correspondance, largement inédite. La correspondance qu’Amiel et Élisa Guédin ont échangée durant treize années fait l’objet d’un hors-série des Moments littéraires.

    * * * * * *

    La Suisse semble être une terre d’élection pour l’introspection.

    Jean-Jacques Rousseau avait ouvert la voie avec ses Confessions. Amiel lui a emboîté le pas avec son monumental Journal, et, à sa suite, sont venus Jaccottet et ses semaisons, Georges Haldas et ses carnets ainsi que Maurice Chappaz, Alexandre Voisard, Gustave Roud, Alice Rivaz, Ramuz...

    Face à la richesse et à la densité de ces œuvres où l’intime et la littérature se côtoient, Les Moments littéraires ont souhaité consacrer leur n° 43 à des journaux intimes d’écrivains suisses de langue française.

    Les écrivains au sommaire du n°43 :

    Henri-Frédéric Amiel, Anne Brécart, Corinne Desarzens, Jean-François Duval, Alexandre Friederich, René Groebli, Roland Jaccard, Jean-Louis Kuffer, Douna Loup, Jérôme Meizoz, Jacques Mercanton, C. F. Ramuz, Noëlle Revaz, Jean-Pierre Rochat, Gustave Roud, Daniel de Roulet, Catherine Safonoff, Monique Saint-Hélier, Marina Salzmann, François Vassali, Alexandre Voisard, Jean-Bernard Vuillème, Luc Weibel. Hormis ceux d’Amiel, de Ramuz et de Saint-Hélier, aucun de ces textes n’avait été publié.

    Le numéro 43 s’inscrit dans le prolongement du numero 40 qui, sous le titre Feuilles d’automne, offrait 25 extraits de journaux intimes. Au sommaire de ce numéro spécial figuraient Pierre Bergounioux, Régine Detambel, Annie Ernaux, Denis Grozdanovitch, Charles Juliet, Colette Fellous, Lydia Flem, Camille Laurens…

    Les Moments littéraires, n° 43, avec un cahier de 8 photographies de René Groebli, broché, 336 pages. 16 € pour la France, 26 € pour l’étranger (frais de port compris), distribué en Suisse par Zoé.

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    Les Moments littéraires – hors-série n° 3

    Henri-Frédéric Amiel - Élisa Guédin

    CORRESPONDANCE 1869-1881

    Édition établie et annotée par Gilbert Moreau et Luc Weibel
    Avant-propos de Luc Weibel

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    Dans la dernière partie de sa vie, Amiel a engagé un échange de lettres avec une jeune femme rencontrée chez l’un de ses collègues universitaires, Élisa Guédin. L’éternel candidat au mariage qu’il était a-t-il songé à l’épouser ? D’entrée de jeu, Élisa le prévient qu’il n’en est pas question, en recourant à cette formule : « Homme ne puis, femme ne daigne, âme suis. »

    Il en résulte pourtant une longue correspondance (144 lettres), inconnue jusqu’à ce jour, récemment retrouvée dans une maison de campagne genevoise.

    De quoi parlent les deux correspondants ? De la nature de leur relation (à laquelle Amiel a donné un nom : l’« amouritié »), de la possibilité ou non de se rencontrer, de leurs lectures, de leurs idées, de leurs activités, de leurs voyages. Dans ses lettres, Amiel se montre un partenaire enjoué, habile à mener un échange qui s’apparente parfois au marivaudage. Pour sa part, Élisa tient un discours plus ambitieux. Cette femme brillante est en quête d’une vocation. Amiel lui suggère de s’orienter vers la critique littéraire, ce qu’autoriseraient ses belles qualités d’analyse et de style. Elle n’en a cure. Elle voudrait se consacrer aux déshérités. Mais ses tentatives, dans des institutions tenues par des religieuses, à Lyon ou à Paris, tournent court. Elle tient à ses aises… et à ses vacances, qu’elle passe dans des stations thermales à la mode.

    Quel que soit l’état de son âme, elle s’exprime toujours avec talent et parsème ses propos de références littéraires puisées aux meilleures sources. Parfois agacé par l’aplomb de sa correspondante, Amiel admire la qualité de son expression : il recopie plus d’un passage de ses lettres dans son journal.

    Cette édition est précédée d’un avant-propos de Luc Weibel, qui précise dans quelles circonstances les lettres sont arrivées jusqu’à nous. Elle est accompagnée d’un appareil de notes qui éclairent les nombreuses allusions des correspondants au contexte intellectuel, philosophique, religieux et littéraire de l’époque.

    Gilbert Moreau est le fondateur et le directeur de la revue Les Moments littéraires.

    Luc Weibel est historien, écrivain, auteur de plusieurs « récits de vie » (dont Madeleine Lamouille : pipes de terre et pipes de porcelaine, souvenirs d’une femme de chambre en Suisse romande, 1920-1940, Éditions Zoé, 1978). Il a publié Les Petits Frères d’Amiel : entre autobiographie et journal intime, préfacé par Philippe Lejeune (Zoé, 1997).

    Les Moments littéraires, hors-série n° 3,broché, 13 x 20,5, 360 pages. 21 € pour la France, 32 € pour l’étranger (frais de port compris), distribué en Suisse par Zoé.