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Tous à cran

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(Journal du jour)

À la Maison bleue, ce dimanche 22 mars. - Le goût mêlé, à la fois amer et plus ou moins rassurant, du Paracetamol et de la codéine antitussive, me restera peut-être, dans d’hypothétiques années à venir, tel celui de la petite madeleine proustienne, associé à ces jours où je me trouvai, comme des millions de mes congénères soudain voués au désoeuvrement forcé et à la songerie inquiète, livré à l’observation du moindre de mes affects physiques jusque-là banalisés par l’expérience récurrente du rhume ou de ce que nous aurons appelé saisonnièrement une bonne crève printanière, et c’est avec cette vague amertume aux lèvres que je me suis réveillé tout à l’heure de ma sieste quotidienne, après une matinée perturbée par force quinte de toux sèche, en me rappelant les moindres détails d’un rêve dans lequel l’état de guerre déclaré par les divers chefs nationaux, advenait bel et bien, loin des champs de bataille et autres fronts actifs, dans le confinement des cellules familiales de toute sorte, où les tensions latentes vécues pendant les premiers jours d’un confinement mondial, réelles et parfois lancinantes dès l’immédiat, éclataient bientôt en bulles d’agressivité, en anicroches verbales, en jets de salive ou de vaisselle, d’abord de façon sporadique ou ponctuelle (dans les familles dites dysfonctionnelles), puis, les jours passant, et l’évidence d’une claustration durable apparaissant dans toute son implacable réalité, en bris de mâchoires et de meubles, en gestes dépassant le cercle proche pour atteindre le voisinage, guerre aux étages et bientôt entre immeubles, mobilisation apparemment chaotique et pourtant obéissant à la logique brownienne observée en laboratoire entre les rats énervés, guerre en ville et par les campagnes aux humeurs exacerbées par l’éveil du printemps – terrible pression exercée sur les jeunes paysans virils obligés de rester dans les tanières fleurant la soupe et le vieux tricot - , guerre ensuite partout et avec toutes les armes les plus dangereuses arrachées à la quiétude domestique, couteaux et fourchettes, ciseaux et machettes, enfin inexorable montée aux extrêmes jetant les débonnaires contre les impulsifs, les délicates contre les acariâtres, tous se toussant soudain ouvertement aux visages et relançant d’autant la pandémie et justifiant les généraux et les profiteurs de guerre à reprendre la main - enfin ma sieste m’aura rappelé mes pires penchants imaginaires d’enfant paniqué devant un combat de scarabées…

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Sur quoi, me réveillant tout à fait, je constate que tout est paisible à l’entour dans la quiétude de la Maison bleue dont les hautes fenêtres de la véranda s’ouvrent au vide silencieux de la rue et au désert des quais, aux eaux jamais aussi calmes du lac gris sous le ciel gris de ce dimanche étale comme un linceul évoquant la paix des cimetières, et voici que le Chien surgit qui me fixe comme si j’étais Dieu et me demande sans un mot, du seul regard, si je vais tarder encore à le mener pisser au bosquet d’à côté…

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Commentaires

  • Merci Jean-Louis de continuer à partager votre regard sur notre monde. Vos carnets font partie de ces choses essentielles qui nous accompagnent dans les tempêtes comme par beau temps.

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