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  • Sorrow

     

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    Il est triste le moment où l’on s’aperçoit

    que quelqu’un qu’on aimait

    cesse de nous manquer.

    Comme il est triste aussi

    le retour de celui

    que personne n’attend.

      

    (12 décembre 1987)

     

    Louis Soutter, Seuls.

  • Pour tout dire (102)

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    À propos d'une formule de Nicolas Bouvier qui se discute. De nos ligne de vie et de leurs bifurcations. Que le voyage n'a de sens qu'en rupture de vacance. Sur le TOUT DIRE de la poésie...
     
    Une formule qui a fait le tour du monde dans la foulée de ceux qu'on appelle, autant par juste reconnaissance que par effet de mode, les étonnants voyageurs, affirme que le voyage nous fait plus que nous ne le faisons. Ladite formule est de Nicolas Bouvier, et comme je n'ai pas L'usage du monde sous la main, je cite sans précision , mais je me rappelle avoir toujours reconnu ce qu'il y a de vrai dans ce constat, sous condition d'admettre aussi son contraire actif puisque être fait par le voyage implique qu'on se prête à son action et que nous agissions en nous préparant au voyage et en ne cessant de participer à la transformation qu'il implique en nous et autour de nous.
     
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    Le TOUT DIRE du voyage est forcément poétique ou il ne vaut pas la peine. Faire et défaire ses valises pour ne faire que "faire la Thaïlande" ou "faire la Tunisie" m'a toujours paru relever d'une espèce de comédie fatigante et vide dont le terme de vacance signale à mes yeux l'aliénation. Je sais bien que j'ai l'air de me prendre la tête et de moraliser une activité tout à fait légitime en somme qui vise au délassement de la masse harassée de nos chers semblables, mais je sais aussi que j'ai raison et que le mouvement même du voyage porte à ce dédoublement et à ce décentrage à la fois critique et régénérateur par empathie généreuse.
     
    18193718_10212857020447161_6194623633631593475_n.jpgEn prévision de nos voyages, Lady L. s'occupe de tout. Je ne saurais en dire plus. Cela n'exclut pas mille surprises , et par exemple qu'un instant de distraction me fasse oublier mon laptop sur un quai ou qu'à un guichet elle se fasse délester de son portefeuille, mais la ligne de notre voyage est tracée comme celle d'un destin dans une main, et nous restons ouverts à toute bifurcation.
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    Je ne sais trop ce qu'est la poésie. Trop souvent ce qu'on taxe de poétique me semble relever du cliché d'agence de voyages ou d'un genre guindé et d’une pose littéraire un peu prétentieuse qui me laisse de glace. Disons que la poésie serait le voyage que les mots feraient en notre inconnu pour le révéler aux autres avec des mots qui en savent plus que nous-même, ou quelque chose comme ça...
     
     
    Je regardais l'autre jour Lady L. regarder des fleurs de Matisse, dans un musée de San Francisco, et je lis à l'instant ces mots d'un jeune poète noir signant r.h. Sin, sous le titre exhibits:
     
    "watching you in the museum
    is like witnessing art
    observing art".
     
    Ou bien du même auteur je lis ceci sans savoir pourquoi cela me touche, sous le titre under skin:
     
    "her scars, invisible
    she was hurt in places
    no one could actually see ".
     
     
    Ou bien en novembre dernier j'avais recopié sur un cahier, à une terrasse des Zattere de Venise, ces mots traduit du polonais d'Adam Zagajewski, sous le titre de Vaporetto:
     
    “Dans la poche d’un blason tu trouves / le billet bleu du vaporetto / (il biglietto, non cedibile)/
    Le billet bleu/ pas plus grand / qu’un timbre de la république togolaise, /te promet un changement de voyage. / La cire fond sur ton souvenir, /l’amande des neiges perpétuelles se liquéfie./ Maintenant l’expédition peut commencer”, etc.
     
    Et du même j’avais recopié cela encore, sous le titre Parle plus bas:
     
    “Parle plus bas: tu es plus vieux que celui / que tu as si longtemps été; tu es plus vieux/ que toi-même - et tu ignores toujours / ce que sont l’absence, la poésie et l’or”, etc.
     
    Et demain nous quitterons l'Amérique et nos enfants de San Diego pour retrouver les autres, là-bas, de l'autre côté de l'océan - et de San Francisco où je suis tombé dessus par hasard sur les rayons de City Lights Book, j'emmène cet autre poème de David Shapiro tiré d’In memory of an angel, au titre de Cathedral:
     
    “And oh the difficult languages ! / and oh the easy languages ! / Then you left./
    When you were a boat / and I was a boat / We hid so much and so well we were finally /
    unable to find ourselves at all / Yes we left the keys / Your fingers were our cathedral/
    because everything you did was sacred to me -”
     
    Et si le voyage recelait le secret du sacré en nous ?
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  • Une journée à temps plein

     
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    Chemin faisant (161)
     
    La belle après -midi. - Dit-on plutôt un bel après-midi ou une belle après-midi ? Cela se discute par rapport à la qualité particulière du moment vécu, plutôt masculin s'il est pris dans son acception temporelle ordinaire et plutôt féminin s'il est considéré comme un moment de grâce hors du temps.
     
    Or cette après midi aura été marquée par le double émerveillement que ne cessent de susciter et de ressusciter, en ce monde souvent terrifiant du fait de la mauvaiseté des hommes, l'innocente perfection de la beauté animale et l'incommensurable potentiel de valeur sensible ou spirituelle ajoutée qui se concentre dans une librairie.
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    18342697_10212998085093689_1184476773927080764_n.jpg18403039_10212998084693679_4603534904191557391_n.jpgLe parc zoologique de San Diego est considéré comme l'un des plus beaux du monde, et c'est vrai que cet immense jardin d'Eden en pleine ville, cette jungle que survole un téléphérique aux nacelles bleues et dont on remonte des canyons à cascades par un tapis roulant entre volières géantes et savanes ou mangroves, sous l'œil implacable de l'aigle royal ou le regard plein de rêves flous du couple d'hippos immergés dans l'onde turquoise - c'est vrai que ce lieu évocateur de Genèse est incomparable à la fois par cette foison de présences immanentes et par le grand beau souci humain (révérence dans la foulée aux milliers de donateurs) de les préserver des massacres toujours en cours. Notre espèce saloparde assassine des bonobos. Ce n'est pas plus grave que d'exterminer des Indiens ou des Juifs, mais ce n'est pas bien.
     
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    Ce qui est bien est de tomber par hasard sur un petit livre noir et de lire en l'ouvrant ces vers sous le titre snowfall in Queens (chute de neige sur le quartier new yorkais de Queens),
     
    “oh, how the snow
    makes the cemetery
    look alive.”
     
    L'auteur est un jeune noir qui a pas mal galéré avant de tomber sur Samantha King, devenue la reine de son cœur. Il y a des milliers de livres dans cette magnifique librairie de South San Diego, mais il fallait que je tombe par hasard sur celui-ci comme je suis tombé un jour sur Lady L. et comme r.h. Sin est tombé sur Samantha, Dante sur la nymphette Béatrice et Pétrarque sur la teenager Laure, etc.
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    La couturière et le justicier .- En fin de soirée la jeune femme, revenue de son heure de tricot avec les Espagnoles du quartier de Tierrasanta, façonne une robe de soie bleu ciel pour sa mère en train de regarder un épisode de son feuilleton de vampires à la télé.
    La jeune couturière est titulaire de deux diplômes de lettres espagnole et arabe et d'un certificat de bibliothécaire-archiviste, mais elle se consacre ces temps à deux autres activités complétant son besoin de réalisation physique et spirituelle, à savoir la grimpe et la méditation.
    Son conjoint, ce soir en mission professionnelle dans une mégapole du nord de l'Etat, lui envoie des mots doux sur Messenger et lui racontera tout à l'heure sa propre journée d'industrieux jeune homme au regard clair et ferme - et quel bel et bon couple cela fait en somme, me dis-je en suivant la chevauchée justicière de Steve Mac Queen sur mon laptop connecté à Netflix, retour à Nevada Smith dont j'aquarelle simultanément la Maison du crime à laquelle le héros a bouté le feu, etc.
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    Lost boy. - Les rues de la ville-monde sont jonchées d'enfants perdus de tous les âges et tous ne tombent pas sur une Samantha ou sur un bienfaiteur de rencontre les aidant à affronter le poids du monde.
    Or ce matin-là, je me trouvais à cet endroit-là, au pied d'un poteau indicateur multi- directionnel me proposant toutes les destinations plus ou moins lointaines, à ma charge de sauter sur le prochain mustang ou dans l'avion programmé.
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    Mais celui-là, mon frère ou mon fils gisant, peut-être camé ou pas, cousin du poète ou pas, mais rejeté sûrement comme des millions de nos semblables moins bien nourris que "nos" animaux d'agrément - celui-là resterait là sans trop savoir où aller faute de le pouvoir, juste bon à être décompté dans les laissés-pour-compte...

  • Voyage dans le voyage

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    Shakespeare & Co. - Je lisais l'autre soir, dans un canapé-bateau d'un salon-bar jouxtant la salle de concert bondée de la House of blues de San Diego, la suite de Will le magnifique de Stephen Greenblatt, qui nous immerge à la fois dans le siècle de Shakespeare en butte à toutes les violences et maladies, et au cœur d'une œuvre sans pareille qui a tiré des musiques inouïes de ce chaos - et tout à côté le groupe de Which one's is pink traversait le mur des sons avec son remake du Mur de Pink Floyd dont toute la salle, debout, chantait à l'unisson les tubes par cœur.
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    Le lieu même de la House of blues a quelque chose de shakespearien dans son baroquisme délirant et j'étais sous le charme en sifflant ma Stella Artois au milieu de si braves et bonnes gens semblant costumés comme pour se rejouer La nuit des rois Le Songe d'une nuit d'été tandis que montaient les incantations de Mother ou de Comfortably Numb Pulse...
     
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    Très loin de Trump.- L'actuel président américain a lui aussi quelque chose d'un personnage du Good Will, dans le genre bouffon lifté new fake gesticulant comme un prédicateur de télé, mais ce qui m'aura frappé dans le maelström humain de la Californie, des quartiers chinois de San Francisco ou latino-blacks de Los Angeles à la little Italy ou à l'ancienne ville mexicaine de San Diego, autant que dans les conversations des gens, de happy hours en soirées amicales, c'est la distance séparant la réalité si métissée et chatoyante, si généreuse et parfois si effrayante, des discours formatés de l'ubuesque président ou de ses clones Steve Bannon et autres Rush Limbaugh, aussi coupés du réel que les idéologues à langue de bois du monde entier...
     
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    Camus et les kids. - Cette réalité multiforme et contrastée, prodigue et parfois calamiteuse, généreuse ou peureuse, on en retrouve des échos à toutes les pages d'un très remarquable recueil de textes de 36 tout jeunes écrivants, étudiants teenagers de toutes provenances ethniques et nationales réunis à l'enseigne du même atelier d'écriture et s'exprimant sur les thèmes très concrets ou plus idéaux qui les préoccupent.
    Un écrivain libano-new yorkais, Rabih Alameddine, préface ce passionnant ouvrage dont les jeunes auteurs citent Albert Camus en exergue - et la boucle de l'universalité se referme en s'ouvrant largement, si l'on ose l'oxymore, et l'on ose (!) en citant L'étranger en anglais dans le texte s’il vous plaît: “In the midst of winter, I found there was, within me, an invisible summer. And that makes me happy. For it says that no matter how hard the world pushes against me, within me, there’s something stronger - something better, pushing right back”.
     
     
    Uncharted Place. Atlas of being here. Written by students at Thurgood Marshall Academic High School. Foreword by Rabih Alameddine. 826 Valencia.

  • Les anges calcinés

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    Le critique est parfois un artiste, dont Pietro Citati est l’un des plus beaux exemples vivants. Il fallait d’ailleurs un artiste, avec le mélange d’intelligence et d’intuition, de sensibilité et de culture, de porosité à la vie des autres et des textes, d’aptitude enfin à transmettre tout cela dans une écriture fluide et belle – il fallait tout l’art de Citati, auteur d’un Kafka mémorable et de La colombe poignardée, splendide essai consacré à Proust, pour nous intéresser encore, et nous toucher, nous bouleverser même à l’approche d’un couple dont on croit tout savoir… sauf peut-être l’essentiel, que Citati situe plutôt dans les œuvres, donc dans les âmes de Zelda et Francis Scott Fitzgerald, que dans leurs tribulations de phalènes.
    A l’ère du « people » le plus vulgaire, le couple « phare » qui se maria le 3 avril 1920, année « mythique » s’il en fut du premier « glamour », reste le symbole de l’époque « rétro » dont les images « de rêve » comptent plus que le contenu des deux livres « cultes », voire « cultissimes », laissés par Fitzgerald : Gatsby le magnifique et Tendre est la nuit. 107608c00cf04b5018b6595eb4130a30.jpgDe la vie brillantissime et non moins pathétique des deux merveilleux papillons que furent Zelda et Scott, Pietro Citati parle évidemment, comme de leur époque aussi flamboyante (pour certains) que factice. Mais il va de soi que c’est ailleurs qu’il nous conduit aussi : tout au bout de la nuit de deux être aussi doués et fragiles l’un que l’autre ; au bout de la détresse d’une enfant gâtée qui rêvait d’être la première danseuse de son temps et qui périt dans les flammes après que des médecins suisses eurent détecté sa schizophrénie, d’une part ; au bout du seul mystère de la vie du buveur mythomane que fut Scott, à savoir le mystère de la naissance de son art, où le travail et la probité, « l’ouvrage bien fait et pour l’amour de l’art », comptaient autant pour cet élève de Keats et de Flaubert que son don premier. « Quand il parlait de l’écriture, dit John Dos Passos, son esprit devenait limpide et pur comme le diamant »
    « Entre 1929 et 1931, Fitzgerald écrivit certains de ses plus beaux récits », écrit Pietro Citati : « La Traversée difficile, Le Mariage, Deux erreurs, Retour à Babylone. Sa vie sombrait dans l’angoisse et dans la folie; et pourtant, jamais peut-être il n’avait ainsi atteint cette vérité dans la voix, cette douloureuse douceur du ton. Le malheur l’avait fait descendre, ou s’élever, en un lieu qu’il ignorait, et qu’il explora avec une clarté et une lucidité merveilleuse, sans la moindre trace de larmes, d’alcool ou de dégradation ».
    4c3009eb7f0f91e366e458b5fd12d3c6.jpgLa vie de ces deux grands vivants si mal faits pour la vie, la destinée si tragique de Zelda, la complicité liant Scott et Scottie leur fille, sont évoquées avec la même délicatesse et la même attention affectueuse, sans les sots partis pris qui ont réduit les relations du couple à une caricaturale guerre des sexes. Dans les lettres les plus intimes de Zelda et Scott ou de leurs proches, dans les livres de celui-ci et les plus secrètes aspirations et observations de celle-là, Pietro Citati rencontre la complexité de deux natures peu compatibles et la simplicité d’une passion enfantine.
    4f78e0efb6eab79fd892ca8764e5cb3c.jpgPietro Citati. La mort du papillon ; Zelda et Francis Scott Fitzgerald. Traduit de l’italien par Brigitte Pérol et enrichi d’un cahier de photographies très significatives. Gallimard, L’Arpenteur, 127p.

  • Candide au Kansas

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    Callisto de Torsten Krol. Coup de pub dans l'eau ?
    La pub et la rumeur se conjuguent, tout soudain, pour lancer ce roman picaresque d’un mystérieux auteur qui vivrait au fin fond du bush australien, à moins que ce probable pseudo ne dissimule un auteur anglo-saxon à succès ? Ce qui est sûr dans l’immédiat, c’est que Callisto de Torsten Krol se lit allègrement et d’une traite, dont on voit quel film épatant il ferait, mais déjà ce trait marque à la fois la dynamique de la chose et ses limites.

    On annonce crânement un nouveau Salinger, mais ce n’est pas la première fois, et ça n’a pas plus de pertinence que les précédentes. On pourrait dire aussi qu’il y a là-dedans de la vitalité malicieuse à la Mark Twain ou de la causticité grinçante à la John Kennedy Toole, mais ces comparaisons à n’en plus finir sont aussi vaines et convenues que les sempiternels vivats de celui-ci ou de celui-là, genre « c’est le roman de l’été » ou «l’auteur le plus prometteur de la nouvelle génération ».
    Le protagoniste de Callisto est une espèce de Candide américain du genre géant cool (il fait 1 mètre 90 et s’exprime lentement quoique sûrement), dont le nom d’Odell Deefus fait s’étonner chacun qu’il ne soit pas noir. A vingt-deux ans, il a lu seize fois Jody et le faon qui résume à ses yeux ce qu’il faut penser de la vie et de ses vicissitudes, de l’amitié, de l’amour et de tout le bazar. Les divers petits métiers qu’il a exercés jusque-là après avoir raté ses études et quitté son ivrogne de père ne lui ont guère convenu, aussi a-t-il résolu de s’engager dans l’Armée américaine pour combattre les « islamites » en Irak et glaner ainsi quelques médailles nécessaires à son prestige personnel auprès des jeunes filles. Sur le chemin du bureau de recrutement, à Callisto (Kansas), à bord d’une Chevy Monte Carlo de 78 pourrie, une première escale forcée dans une cahute habitée par un garçon de son âge taiseux, farouche et visiblement islamophile, va l’entraîner dans une suite de péripéties qui le retiendront en Amérique profonde. Il y  rencontrera divers types éminemment représentatifs après avoir malencontreusement refroidi son hôte qu’il soupçonne de lui vouloir du mal : du télévangéliste en Cadillac qui le prend pour celui qu’il a assommé et le presse de revenir à la seule vraie foi, à la sœur du pauvre Dean, gardienne de prison jouant les mules de dope et dont il s’amourache, en passant par un inspecteur retors et un sénateur néo-conservateur, entre beaucoup d’autres que l’auteur excelle à portraiturer.
    L’ambiance est à la paranoïa sécuritaire et à la collusion des conservatismes, sur fond de beaufisme et de corruption, et l’on s’amuse bel et bien à suivre l’équipée du charmant ahuri, combinant les ressorts du polar et de la satiriqe. C’est frais, vif, talentueux, mais est-ce un grand livre pour autant ? Disons plutôt : de la belle ouvrage de pro, comme il s’en fait et s’en fera sans doute de plus en plus, relevant du « coup éditorial » plus que de l’œuvre à suivre. Si le souffle et les astuces du conteur y sont assurément, l’écriture reste quelconque, que le traducteur Daniel Bismuth tire vers un négligé « djeune » encore moins convaincant.
    A l’instant d’investir les têtes de gondoles des librairies francophones, Callisto est annoncé en parution simultanée aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie et en Angleterre, et les éditeurs ne manquent pas de faire mousser le « mystère » entourant l’identité de l’auteur. Mais y a-t-il vraiment de quoi se passionner ?
    medium_Callisto.jpgTorsten Krol. Callisto. Traduit de l’anglais par Daniel Bismuth. Buchet-Chastel, 476p.

  • Frigida

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    …Tu me glaces, Liebling, j’ose pas te le dire mais t’as la peau banquise, tu me fais frisson de fjord, pourquoi que tu te laisses pas aller à ma main chaude, j’ose pas te le dire mais j’aurais vraiment l’impression de le faire avec une statue si tu me le demandais…


    Image : Philip Seelen