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  • Contradictions

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    Je ferais mieux de la fermer,
    mais les mots sont plus forts,
    et sous le ciel des morts
    je me tais à vous écouter
    me dire ce que là-bas
    il se dit qu'on ignore.
     
     
    Tu ne pourras nous échapper ,
    me murmurez-vous dans le noir,
    et déjà je sens qu'il reflue -
    mon sang lentement au regard
    de la nuit s'atténue
    en mes mains dévouées à l'art
    de ne rien dire qu'en silence;
    mon corps se retient
    de ne plus rien sentir:
    seul intérieur l'élan s'élance.
     
     
    L'odeur tiède ce soir
    des blés à peine moissonnés.
    me délivre de tout remords.
    Pas un instant je n'éprouvai
    en cette nuit américaine
    où vous m'aurez tiré dehors,
    que vous me fassiez tort
    de m'arracher à ce qu'on aime.
     
     
    Les soleils noirs comme des corbeaux
    tourbillonnent dans l'indigo
    d'un ciel ivre au-dessus des blés.
    Notre chair se défait
    de notre corps écartelé,
    les mots se font plus lents.
    Comme un serpent m'enlace.
    Montent là-bas les brouillards
    au dévers de la glace.
    Nous nous sentons perdus.
    On nous oublie de plus en plus.
    Mais une fois encore: dansons...
     
     
    Jamais notre rébellion
    ne se fera plus douce
    qu'en serrant au plus près
    ce corps doucement absenté
    dans le temps accordé
    où les yeux fermés nous dansons...
     
     
    (À La Désirade, ce dimanche 21 mai 2017.)

  • Sous contrôle

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    Nous sommes attroupés.
    Les migrants sont à part.
    Chacun reste entre soi
    dans le grand tintamarre.
     
     
    Le ciel de soie n'est déchiré
    que par la destinée,
    dit celui qui n’a pas voulu
    voir tout ça de trop près.
     
     
    Les morts en Méditerranée
    n'ont pas été prévus.
    D'ailleurs comment savoir
    s'ils ne le voulaient pas ?
    Quant aux enfants violets,
    eux non plus ne passeront pas
    aux portiques des élus.
     
     
    Nous sommes désignés.
    Le vol est programmé.
    Le paquebot tétanisé
    pour nous se sent des ailes.
    C'est écrit quelque part,
    et de tout temps les litanies
    l'auront psalmodié :
    nous sommes attendus au ciel.
     
     
    Allah n'est jamais obligé
    Ni le rabbi Ieshoua,
    mais tout est désormais sous clef,
    sous contrôle et scanné
    par Big Brother Data.
     
     
    Un codicille bien stipulé
    le précise au bas du contrat:
    l'assurance n'envisage pas
    le cas du missile imprévu.
     
     
    (En transit à Heathrow, ce 17 avril 2017)
     
    Image: Philip Seelen.

  • So long my friends

     
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    On descend par l'allée des années
    formant un Z comme un zéro parfait,
    jusqu'au bas du grand escalier
    du quai longeant le front de mer.
     
    Là se dépose toute inquiétude:
    là va se jouer l'interlude
    de l'herbe qui jamais
    ne sera plus si nue
    sous la fraîcheur de nos pieds.
     
    En moi je n'ai pas de regret,
    sauf d'avoir à te quitter, toi
    que j'aimais, et les mains
    qui nous ont caressés.
     
    Nos corps ont été caressés
    par le monde comme il fut et sera
    et ne sera pas retrouvé
    Sous le néon au vain éclat
    des célestes publicités.
     
    Rien que la terre, disions nous
    et le ciel là-dessus;
    dessous le miel, le fiel des jours,
    nos jeunes peaux lancées
    comme autant de drapeaux,
    nos vieilles peaux tannées
    par les vents et les eaux
    des journées en allées...
     
    On remontera l'escalier des ans
    plus tard, quand le temps nous aura conté
    notre histoire, et tout ce qui fut là-bas
    de tant d'instants revivifiés.
    Et cætera, et cætera...
     
    (San Diego, Tierrasanta, may, 8th.)

  • Ceux qui font le bon choix

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    Celui qui s'est toujours guidé à l'instinct sans se soumettre même aux insoumis / Celle qui n'a jamais ameuté la meute / Ceux qui restent sur leur garde-à-vous / Celui qui n'a jamais été tenté par l'expérience pyromane / Celle qui ne se laisse approcher que lentement et rabroue sans patience les tribuns trop sûrs d'eux / Ceux qui ont une oreille infaillible en matière de baratin et restent très attentifs au processus démocratique réel / Celui qui écrit un poème sur la mer en visant la terre ferme / Celle qui n'a jamais renoncé à concilier les vues politiques de Platon et d'Aristote dans ses poèmes combinant la ligne mélodique ondulatoire et le bourdonnement corpusculaire polyphonique / Ceux qui citent Tocqueville (De la démocratie en Amérique) en dégustant leurs clams fumés / Celui qui fait confiance au bon sens aristocratique (aristocratie naturelle ) du vrai peuple jamais à court d'invention verbale cocasse et de solutions nouvelles quant à l'art de vivre / Celle qui était financièrement au sixième dessous après que son cinquième mari eut dissipé la fortune des précédents sans entamer pour autant son capital gaîté / Ceux qui se disent moins vieux que leur âge en attendant que vous abondiez / Celui qui aime philosopher avec les ruraux dont l'esprit de géométrie n'est pas rare / Celle qu'on dit la mercenaire des amours par procuration / Ceux qui n'en savent pas assez pour l'étaler comme le font les vrais ignares, etc.

  • Ceux qui sont déphasés

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    Celui qui en vol rêve qu’une horloge le traque dans les fuseaux horaires avec un fil à couper le temps / Celle qui s'est endormie sur un nuage et en voit un autre à l’aplomb des îles de la Sonde / Ceux qui maîtrisent la situation en continuant de naviguer aux étoiles / Celui qui sent ses plaques tectoniques mentales se heurter à son corps défendant / Celle qui est restée accrochée à son livre comme à un radeau de fortune tandis que le cargo tanguait en roulant vers l’abysse repetita / Ceux qui traversent impassiblement les zones de turbulence d'ores et déjà annoncées et traduites en algorithmes selon les derniers principes édictés dans la vallée de silicone / Celui qui regarde La la land à la télé de bord qui affiche aussi A bigger crash en option / Celle qui propose un parachute doré au râleur de la First Class / Ceux qui sont à l'heure d'été même au pôle Nord / Celui qui fait de l'œil aux hôtesses de l'air que son monocle fait sourire / Celle qui a un yorkshire dans son sac à main qu'elle présente comme un vieil habitué des grandes lignes / Ceux qui retrouvent leur feuilleton sans se rappeler où ils en étaient à la fin de l'épisode marquant la rupture de Kevin l'aventurier à cicatrices et Kelly l'avocate des causes perdues / Celui qui travaille sur le concept de voyage sans déplacement / Celle qui voyage léger avec rien sous son string / Ceux qui font un grand sourire à George Clooney qui doit les reconnaître puisque lui aussi leur sourit quand ils passent devant la grande affiche du couloir d'accueil de l'aéroport de Geneva International la ville qui n’est jamais partie sans vous attendre, etc.